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Le PDG de Telefonica aux abonnés absents

Soupçonné de pratiques financières douteuses, Juan Villalonga, numéro un du groupe de télécoms espagnol démissionne. En quatre ans, il aura ouvert Telefonica à l’international et fait de sa filiale, Terra Networks, un des ” grands ” de l’Internet.

Soupçonné de pratiques financières douteuses, fragilisé par l’échec des discussions avec KPN et abandonné par le Premier ministre lui-même, Juan Villalonga, numéro un de Telefonica s’est résigné à démissionner. Le règne du ” Bolide sans freins “, comme le surnommait la presse espagnole, n’aura donc duré que quatre ans. Juste le temps de propulser le groupe de télécoms espagnol (aujourd’hui présent dans dix-sept pays) parmi les géants de la téléphonie mondiale. Et d’imposer, grâce au rachat, pour 12,5 miliards de dollars, de Lycos par Terra Networks, sa filiale Internet, parmi les ” grands ” du Web.En 1996, cet ancien consultant de chez Mc Kinsey est parachuté à la direction du monopole public des télécoms espagnols, à la faveur d’une amitié de longue date qu’il entretient avec Jose Maria Aznar, tout nouveau chef du gouvernement de l’époque. Sa mission est simple : changer la culture du groupe et, si possible, ouvrir Telefonica à l’international.Dès le départ, cet homme sans aucune expérience industrielle ne s’embarrasse pas de détails. Il réduit d’un tiers les effectifs de l’entreprise et se lance dans une ambitieuse politique d’acquisitions en Amérique latine. Chili, Argentine, Venezuela, Pérou, Guatemala et bientôt Brésil… les plus grands acteurs de ce marché de quelque 500 millions d’abonnés potentiels tombent peu à peu sous le contrôle de Telefonica.Les sommes engagées sont considérables, cinq milliards de dollars pour la société brésilienne Telebras. Mais, comme à l’accoutumée, la majeure partie des transactions se font par échange d’actions. En tout juste quatre ans, la valeur de Telefonica est multipliée par huit.Or les bruits les plus fous commencent à courir sur les profits que Juan Villalonga pourrait retirer de ces opérations. A l’automne 1999, la presse révèle ainsi l’existence d’un plan de stock-options défini deux ans plus tôt pour les dirigeants de l’entreprise et grâce auquel le fougueux PDG aurait touché près de 19 millions de dollars.La pilule passe mal dans l’opinion publique et le Premier ministre Aznar prend ses distances avec son ami d’enfance. Mais les révélations ne s’arrêtent pas là et l’homme fort de Téléfonica se voit bientôt accusé de délit d’initié, en clair d’avoir exploité illégalement des informations financières dont il avait la connaissance.Le pouvoir politique espagnol lâche alors son protégé de la manière la plus spectaculaire qui soit. En mai dernier, le patron de Telefonica annonce, lors d’un conseil d’administration diffusé en vidéoconférence depuis Miami, la fusion historique entre Telefonica et KPN, l’ex-compagnie des télécoms hollandaises. Mais peu après, le gouvernement met son veto à l’opération. Un désaveu politique cinglant qui signe la fin du règne du ” Michel Bon ” ibère sur les télécoms espagnols.Aujourd’hui l’ex-roitelet du capitalisme ibérique quitte la scène avec pour seul cadeau d’adieu quelque 175 millions de francs d’indemnités.

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Philippe Crouzillacq