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Le logiciel libre a-t-il le droit de se faire aider par l’Etat ?

L’Adae va solliciter le Conseil de la concurrence pour savoir si les financements publics de logiciels ‘ open source ‘ sont légaux.

Au Royaume-Uni, Tony Blair annonce en grande pompe l’ouverture d’une Open Source Academy. En France, la très officielle
Agence pour le développement de l’Administration électronique (Adae) qualifie les éditeurs classiques de logiciels de
‘ dinosaures ‘ dont le modèle économique est ‘ voué à la disparition ‘. Quasiment partout en Europe, le logiciel libre a le vent en poupe, poussé par les
Etats. Qui commencent justement à se demander jusqu’à quel point ils peuvent le pousser sans nuire aux logiciels commerciaux.L’interrogation vient de France. ‘ Nous allons poser la question au Conseil de la concurrence ou au Conseil d’Etat quant à la mise à disposition des briques que l’Etat fait développer ‘,
déclare
Jacques Sauret, le directeur de l’Adae. Une interrogation également valable pour les administrations et les collectivités. De plus en plus, au lieu d’acheter les licences d’une
application commerciale, elles font développer un logiciel en mode open source qu’elles mettent ensuite gratuitement à la disposition de tous, respectant ainsi un des grands principes du logiciel libre. Bref, des fonds publics
financent des développements qui entrent en concurrence avec des développements issus du monde privé.A l’Adae, on se demande à quel point cette démarche est compatible avec le droit de la concurrence, en particulier avec celui du traité de l’Union européenne. L’agence préfère poser la question tout de suite, plutôt que de laisser un
éditeur commercial le faire via une plainte. ‘ Il est question pour l’Adae de définir un cadre pour l’Administration, explique Perica Sucevic, le responsable de la mission juridique de l’agence. Avons-nous
le droit de redistribuer le code source d’un logiciel développé dans le cadre d’un marché public ? Doit-on le prévoir explicitement dans l’appel d’offres ? Y a-t-il une différence si ce code est mis à la disposition d’acteurs publics ou
d’acteurs privés ? ‘

‘ La plus-value du logiciel libre, c’est de travailler ensemble ‘

L’agence n’imagine toutefois pas que le Conseil de la concurrence se prononce contre toute forme de financement. Aux yeux de l’Adae, autant le logiciel libre peut gêner l’activité des éditeurs, autant il augmente celle des sociétés de
services et a donc un impact positif sur l’économie. Une position proche de celle des adeptes de l’open source, comme
l’Adullact.Cette association, qui regroupe collectivités et administrations, a pour slogan ‘ l’argent public ne doit payer qu’une fois ‘. Elle s’applique donc à mutualiser les projets open source de
ses adhérents désireux de redistribuer leur travail. Tout y passe, des logiciels chargés des demandes de congés à ceux s’occupant des régies de bus ou du ramassage des ordures, avec des contributeurs comme la Ville de Paris, la région Rhône-Alpes,
la communauté urbaine de Lille…‘ La plus-value du logiciel libre, c’est de travailler ensemble, juge Pascal Kuczynski, le directeur technique de l’Adullact. Si le problème vient du fait que l’Etat a financé sur ses fonds
propres, on pourra toujours solliciter une entreprise. Par exemple, les services du Premier Ministre ont mis au point en
open source la plate-forme de gestion des contenus Web
Spip Agora. Mais le développement initial a été réalisé par un prestataire, qui peut s’occuper de le reverser à la communauté. ‘L’association commence d’ailleurs à émettre ses propres conditions. Elle propose ainsi à ses adhérents un logiciel de dématérialisation des appels d’offres de marchés publics. Gratuitement, mais à une seule condition : que la
collectivité ou l’administration intéressée signe un contrat de support avec une société de services de son choix. Une manière de générer une autre forme de compétition qui pourrait intéresser le Conseil de la concurrence. Celui-ci devrait recevoir
la demande de l’Adae dans les prochaines semaines. Avec une décision attendue avant la fin de l’année.

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Ludovic Nachury