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La Corée du Sud, ce labo géant de la téléphonie du futur

Le pays le plus connecté de la planète va tester la 5G dès 2018, à l’occasion des Jeux Olympiques d’hiver. En attendant, les opérateurs du monde entier scrutent attentivement les usages mobiles de la population car ils préfigurent sans doute les nôtres.

Sur les routes très embouteillées de la mégapole Séoul, il n’est pas rare de croiser des automobilistes les yeux rivés sur l’écran de leur smartphone en dépit de toute sécurité. Dans les transports en commun, la même scène se répète : les Coréens passent la quasi-totalité de leur temps de trajet sur Internet avec leur mobile. Il faut dire qu’ils ne rencontrent jamais de problème de connexion : le territoire et la population sont presque totalement couverts depuis plusieurs années en 4G, y compris dans le métro. Pour comparaison, le gendarme des télécoms n’imposera aux opérateurs français d’atteindre un tel niveau qu’en … 2030.

La quasi-totalité de la population est couverte en 4G en Corée du Sud.
01net.com – La quasi-totalité de la population est couverte en 4G en Corée du Sud.

Les opérateurs principaux, LGU+, KT et SK telecom, présentent le taux d’adoption de la 4G le plus fort au monde au troisième trimestre 2016, selon un classement Netnamias qui révèle également que 99% du trafic est désormais assuré par la 4G.

Du côté de l’Internet fixe, la population n’est pas en reste, grâce à un déploiement massif de la fibre. « Ici, le débit fixe standard est d’environ 1 Git/s », nous confie Suhan Choi, expert en télécoms et professeur à l’Université de Dankook. Quant au débit mobile, l’équipementier Nokia nous a confirmé que les trois opérateurs agrégeaient trois bandes de fréquences, ce qui leur permet d’atteindre couramment des débits théoriques impressionnants de 300 Mbit/s. En France aussi, il est possible d’obtenir une telle vitesse de connexion… mais dans quelques villes seulement comme Brest, Clermont-Ferrand ou Dijon pour SFR, et Chartes, Marseille, Paris et Lyon pour Bouygues Telecom. « On ne va pas s’arrêter là. Nous envisageons dès 2017 de coupler carrément cinq bandes de fréquences », annonce Andrew Cope, qui dirige la filiale de Nokia en Corée du Sud.

De quoi hisser la Corée au rang de pays le plus connecté de la planète. Les opérateurs du monde entier l’ont bien compris et regardent ce qui s’y passe à la loupe. C’est le cas notamment de Bouygues Telecom. Son directeur général adjoint Didier Casas reconnaît facilement s’être inspiré de l’exemple de LGU+ . Cet opérateur a tout misé plus vite que les autres sur la 4G, ce qui lui a permis de conquérir de gros clients de téléphonie mobile.

La vidéo capte l'essentiel du trafic mobile.
01net.com – La vidéo capte l’essentiel du trafic mobile.

La consommation de vidéo explose

Premier effet évident de cette hyperconnectivité, la consommation de la data mobile s’envole. Les Coréens dévorent chaque mois plus de 5 Go en moyenne selon Netnamias, contre à peine 1 Go chez nous, d’après les chiffres de l’Arcep du mois d’octobre dernier.

La vidéo arrive largement en tête des usages. « Elle représente chez nos clients 70% de la consommation de data », confirme Jun Young Shin, le responsable du business development chez LGU+. Parmi les sites les plus populaires, Youtube et des services en streaming offerts en zero rating par les opérateurs.

Du côté des réseaux sociaux, les jeunes de moins de 30 ans que nous avons rencontrés n’ont jamais entendu parler de Spotify, Whatsapp ou Snapchat et utilisent assez rarement Instagram. Ils préfèrent des applications stars locales comme le service musical MelOn, la messagerie KakaoTalk et son petit frère KakaoGame pour jouer. La population adhère massivement à Facebook, en revanche.

Les forfaits mobiles sont chers et uniquement avec engagement.
01net.com – Les forfaits mobiles sont chers et uniquement avec engagement.

La Corée en avance sur la 5G

Malgré son avance, le pays ne compte pas s’endormir sur ses lauriers. En attendant la fin du processus de standardisation de la 5G d’ici 2019, le gouvernement fait peser une pression folle sur les équipementiers, les constructeurs et les opérateurs afin qu’ils mettent en œuvre de nouvelles technologies donnant un avant-goût du réseau mobile du futur dès 2018.

L’idée, c’est de déployer des infrastructures et des terminaux temporaires lors de Jeux Olympiques d’hiver à PyeongChang. « Nous projetons d’atteindre un débit de près de 20 Gbit/s avec un réseau capable d’absorber les connexions d’environ 34 000 utilisateurs sur les sites olympiques», précise Konrad Rozmarynowski, qui travaille à l’expérimentation de la 5G lors des JO chez Nokia. Une véritable démonstration de force pour s’imposer sur le marché avant tout le monde et surtout… avant les Japonais qui vont déployer la  5G officielle lors des Jeux Olympiques d’été en 2020.

Mais cette situation exceptionnelle n’est pas sans contrepartie pour le consommateur. Le marché ne compte que trois opérateurs et les tarifs s’en ressentent. Il faut débourser au moins 50 dollars par mois pour accéder à la 4G. Et les formules dites illimitées s’envolent facilement entre 80 et 90 dollars par mois. Les forfaits sans engagement n’existent pas non plus et les clients sont liés pour une durée de deux à trois ans. Il existe aussi de grandes disparités entre les clients. Ainsi, près de 60% du trafic est réalisé par seulement 10% des utilisateurs.

Les Coréens utilisent enfin assez peu d’applications tierces, préférant puiser dans le catalogue natif de leurs opérateurs qui ne produisent pas eux-mêmes de contenus et s’appuient sur des partenaires. Tout cela rend la population extrêmement captive. La Corée du Sud est peut-être le paradis de la connectivité… mais pas forcément celui du consommateur.

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Amélie CHARNAY