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La banque en ligne joue à saute-frontières

Les banques électroniques se multiplient dans l’Hexagone et sur la Toile européenne, sous l’impulsion des grands établissements généralistes. Ze Bank, premier OVNI hexagonal du secteur, se lance en franc-tireur.

” Notre réflexion remonte à la mi-1999. Le secteur comptait une quinzaine d’acteurs. La décision de lancement a été prise à la fin de 1999, et, à ce moment-là, il y avait déjà 25 établissements en activité. Aujourd’hui, le Net français compte 40 banques en ligne “, constate Jean-Marc Verdure, directeur général de Fortis-France. Voilà comment ebanking, la mouture française de ce pionnier belgo-néerlandais de la banque en ligne, depuis 1997 au Luxembourg, a déboulé, le 29 janvier, sur un véritable champ de bataille.Quelques jours plus tard, Ze Bank, le relativement discret établissement d’Europ@web (groupe Bernard Arnault et Dexia), ouvrait enfin ses guichets virtuels au commun des épargnants. Les deux nouveaux venus faisaient suite à une série d’inaugurations, des AGF à ING, en passant par Dexia et la Banque Directe.Une identique frénésie d’ouvertures agite depuis dix-huit mois l’Union européenne. Le britannique Lloyds TSB vient de dévoiler un projet paneuropéen. Doté de 150 millions de livres (240 millions d’euros), eVolvebank sera inaugurée dans la péninsule ibérique avant de se déployer en Italie, en France et en Allemagne.

La rentabilité est loin d’être assurée

Les projets se multiplient de par le monde. Au Japon, la surprise est venue de…Sony. En association avec Sakura Bank et JP Morgan, le géant multimédia vient de déposer une demande officielle de licence bancaire. Sony Bank, au capital de 300 millions de dollars, prévoit un démarrage en juin prochain, soit huit semaines après la naissance annoncée de eBank, le bébé du tandem Itochu/Ericsson.Pour disparates qu’ils soient, ces projets reposent tous sur un schéma simplissime : l’absence de réseau physique, et l’allègement de la gestion des clients. Le but : abaisser significativement les coûts d’exploitation, tandis que la population grandissante des utilisateurs d’Internet étoffe le marché potentiel. Plus globalement, franchir les frontières nécessitait auparavant l’acquisition ou la construction ex-nihilo d’un réseau en ” dur “. Avec Internet, le passage du Rhin ou de la Manche peut se faire en chaussant des ballerines.La France, élève moyen de l’Internet européen, refait ainsi son retard. Entre 1999 et 2004, le home banking en France devrait presque décupler, passant de 840 000 à 8,3 millions d’utilisateurs, selon une étude récente signée IDC. A quoi s’ajouteraient 1,5 million de boursicoteurs en ligne, soit un taux de croissance annuel de 67 %.Mais la rentabilité est loin d’être assurée ! Coûts marketing et investissement technologique sont à mettre en regard des gains de productivité. En témoigne les balbutiements de la Banque Directe. Ancêtre du secteur, puisqu’elle est née, en 1994 sous les auspices du téléphone et du Minitel, la filiale de BNP Paribas, malgré 100 000 clients, aborde à peine les rives d’une exploitation positive.Les mêmes difficultés sont à noter dans le métier voisin du courtage en ligne. Certes, le succès commercial et médiatique a fait exploser l’offre sur Internet où une quarantaine de brokers se disputent un marché croissant. Mais le coût de recrutement du client a bondi aussi, au point que les spécialistes parient sur un adossement des brokers en ligne à de grands groupes financiers. L’avenir appartient probablement aux généralistes, dont la palette permet un retour sur investissement plus rapide, dans un univers de plus en plus concurrentiel. Le bureau d’études IDC estime à 425 francs le coût annuel par client d’un site de home banking totalisant 50 000 abonnés, contre 2 840 francs pour celui d’un site de courtage rassemblant 5 000 utilisateurs.Sur ce terrain désormais encombré, la bataille risque de se jouer entre grands réseaux traditionnels et nouveaux entrants généralistes. ” Les agences en ligne des banques traditionnelles font du Minitel en couleur. Elles ne peuvent pas prendre le risque de la cannibalisation. Notre stratégie à nous peut en revanche s’apparenter à de l’hypermarché bancaire en ligne”, assène Oliver de Montety, directeur général de Ze Bank, qui vise 50 à 60 000 clients fin 2001. Mais le nouvel établissement ne sera pas rentable avant “100 à 200 000 clients et plusieurs milliards d’euros d’encours”. Le raisonnement diffère chez les banquiers installés. “Nous nous positionnons comme le deuxième banquier du client, spécialisé dans le placement”, explique Jean-Marc Verdure, de Fortis, qui vise un portefeuille de 150 000 investisseurs d’ici à 2005. Et, à l’instar de l’allemand DAB, du Crédit Suisse ou du britannique Egg, à l’origine de récentes initiatives sur le Net, Fortis n’enterre pas le mortar pour le click. La banque s’appuiera en France sur deux établissements bien physiques.

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Jean-Michel Cédro