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KPN, l’opérateur néerlandais en pleine métamorphose

En dix ans, Dutch PTT s’est transformé en KPN, privatisé à 55 %. Sorti de l’alliance Unisource, il s’est allié à l’Américain Qwest. Il met en Bourse son activité mobiles et vient de laisser l’opérateur japonais NTT DoCoMo entrer dans son capital.

Dans l’Europe des opérateurs, on parle toujours des trois poids lourds : Deutsche Telekom, BT et France Télécom. Pour autant, des acteurs plus petits n’en sont pas moins très actifs et ne se laissent nullement impressionner.
Témoin : KPN, l’opérateur historique, qui a connu une année 1999 particulièrement fructueuse avec un CA pour l’année 1999 de près de 60 milliards de francs, en progression de 14,9 % et des bénéfices de 5,4 milliards (+12,4 %) et qui affiche de grandes ambitions. “Nous voulons être parmi les trois premiers en Europe dans les mobiles, les services de données et IP, ainsi que dans Internet”, a annoncé Paul Smits, PDG de KPN, lors de la présentation annuelle des résultats, fin mars.Quelle métamorphose pour cet ancien monopole d’Etat (d’abord Dutch PTT, puis PTT Nederland en 1989), dont les activités postes et télécoms n’ont été séparées que depuis 1998, alors que ce fut chose faite en France dès 1990 ! En revanche, l’ouverture du capital a été plus précoce et plus profonde qu’en France : dès 1994, puis en 1995 (1997 et 1998 chez nous), l’État ne détenait plus que 45 % (62 % chez nous). Côté réseaux câblés, l’opérateur a fait dès 1996, suite à une décision du gouvernement, le ménage dans ces activités en vendant sa filiale Casema à France Télécom pour 5 milliards de francs.Et comme pour rompre définitivement avec son passé, KPN a également tiré, en 1999, un trait sur l’aventure Unisource, filiale commune des opérateurs des Pays-Bas, de la Suède (Telia) et de la Suisse (Swisscom). Elle avait été constituée en 1992-1993, en pleine époque de sentimentalité où l’on croyait que les grands serments fondaient les alliances, comme celle entre France Télécom et Deutsche Telekom. On a vu ce qu’il est advenu depuis. Pour corser le tout, AT&T, qui ne parvenait pas à prendre pied en Europe, avait jeté son dévolu sur Unisource et créé, avec celle-ci, une société commune, elle-même faisant partie des World Partners du géant américain. Très complexe et peu efficace.

De nouvelles alliances

A la différence de l’échec de Global One, qui a fait des Français et des Allemands quasiment des ennemis déclarés, les anciens alliés d’Unisource gardent des liens puisque KPN et Telia restent associés en Irlande, et KPN et Swisscom en République Tchèque. Mais désormais libre de ses mouvements, KPN joue la carte de nouvelles alliances, par exemple avec Orange, opérateur de mobiles, pour entrer sur le marché belge. La plus importante est certainement celle nouée en 1998 avec Qwest, nouvel opérateur américain de la vague des Global Crossing ou des Level 3, aux ambitions planétaires.L’Américain et le Néerlandais ont constitué une société commune (50/50), KPN-Qwest, qui déploie en Europe des boucles optiques : les Eurorings. En novembre 1999, une partie du capital a d’ailleurs été introduite en Bourse avec succès (2,6 milliards de francs pour KPN). En décembre dernier, KPN a profité de la mise sur le marché d’une partie du capital d’Infonet pour réduire la participation qu’il détenait à moins de 18 % et empocher au passage environ 1 milliard de francs.Bien qu’affichant des ambitions du côté d’Internet, c’est surtout la filière des mobiles que KPN exploite pour le moment à fond. L’opérateur a en effet racheté l’an passé, pour 18,7 milliards d’euros, 77,5 % du capital d’E-Plus, opérateur allemand de mobiles (4 millions d’abonnés), face à France Télécom, autre candidat au rachat, sur lequel il l’a emporté grâce à la complicité de l’Américain Bell South, lui aussi actionnaire d’E-Plus.Il vient d’accueillir l’opérateur japonais NTT DoCoMo à prendre 15 % de sa filiale KPN Mobiles, qu’il prévoit, par ailleurs, d’introduire prochainement sur le marché en espérant en tirer de 8 à 10 milliards d’euros. Une stratégie de mise en Bourse des activités mobiles et Internet qu’évoquait récemment Michel Bon pour France Télécom. On prête à Telefonica les mêmes intentions pour ses activités relatives aux mobiles, ainsi qu’a Deutsche Telekom, qui, lui, mise plutôt sur sa filiale de services en ligne T-Online, la première en Europe.Dans le secteur Internet, KPN multiplie les accords avec les partenaires de contenu, comme Disney, SBS-Endemol ou Travel Unie. Un autre pourrait s’ajouter à la liste : Vivendi, que la politique de contenus semble intéresser, et notamment son portail MAP (Multi Access Portail), issu du rapprochement du groupe français avec le Britannique Vodafone, et qui offrira notamment des services WAP. KPN avoue que des contacts sont noués.Cependant, dans un monde qui bouge si vite, rien n’est jamais acquis, et l’alliance avec Qwest pourrait être affectée. Des rumeurs de rachat de l’Américain par Deutsche Telekom ont circulé et ne se sont pas concrétisées, du fait de l’hostilité d’US West, autre partenaire de Qwest. Mais rien ne dit qu’un autre candidat ne réussira pas à emporter le morceau. Officiellement, cette éventualité ne semble pas inquiéter outre mesure KPN : “Nous ne sommes pas attachés à un nom. Le principal est que ce changement entre dans notre stratégie de déploiement européen”, déclare Maarten Henderson, directeur financier. Mais il se pourrait fort que l’acquéreur de Qwest se soucie peu de la stratégie de KPN

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Jean-Pierre Soulès