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« Jusqu’ici tout va bien », l’exposition qui vous plonge dans les vestiges du monde numérique

Au Centquatre, venez découvrir les traces de notre présent… dans le futur. Un univers où les humains ont disparu, mais leurs inventions technologiques leur ont survécu. Jusqu’au 9 février.

Suspendue aux ailes du drone en plein milieu de la halle Aubervilliers, une enseigne lumineuse flotte dans l’air. On y lit l’expression symptomatique d’une époque : « Jusqu’ici tout va bien ». Vacillante, la structure de faisceaux à la lumière blanche rappelle les craintes qui agitaient notre société… en 2019. « Bienvenue dans les futures archéologies d’un monde numérique. » Depuis le 12 octobre jusqu’au 9 février 2019, l’espace du Centquatre, dans le 19e arrondissement de Paris, vous invite à voyager dans le futur à travers un parcours artistique polymorphe et chaotique. 

« Un musée abandonné depuis l’an 2019 »

Au moyen de tous les supports (sonores, immersifs, vidéo, statiques, etc.), les artistes rendent hommage à un monde révolu. Celui d’aujourd’hui. Sans nous. Le Centquatre fait le pari de nous mettre à la place de ceux qui prendront la nôtre dans le futur.

« Êtres du futur, post-humains, les visiteurs viennent découvrir un musée abandonné depuis l’an 2019, après la disparition du genre humain… », exhorte le flyer de présentation. « Des œuvres qui ont continué à fonctionner en totale autonomie, sans leurs créateurs ni leur public initial. »

L’exposition s’étale un peu partout. Une fois passé un drone prophétique « Jusqu’ici tout va bien », trois gigantesques installations investissent la grande halle Aubervilliers. On déambule, à la manière de l’iconique robot Wall-E, entre une bruyante poutre en suspension, antiquité du temps des usines et un parterre de câbles électriques, parsemé de fleurs cuivrées ou encore un château fort et haut entièrement composé de piles électriques. Des vestiges d’une ère dépassée. Comme l’était, à l’époque, ses habitants.

« 404 Not Found »

Dans les salles qui entourent le préau central, plusieurs « ateliers » sont ouverts au public. À l’intérieur du plus grand, on est plongé dans le noir. La scénographie imite celle d’un musée contemporain lambda. Au milieu de l’obscurité, des stèles retiennent l’attention. « C’est la vie », « tout ira bien », « ça va aller »… Ces messages inscrits sur les pierres tombales imaginées par Timothée Chalazonitis forment le « Cimetière du réconfort ».

L’artiste enterre le réconfort, mais pas l’humour. Dans le même granit beige sont gravés des emojis. À la manière de véritables hiéroglyphes modernes. Une série de pouces Facebook est accrochée à côté d’un « 404 Not Found », elle-même placée à gauche de plusieurs mains jointes gravées dans la roche. Une nécropole qui prend tout son sens dans ce bâtiment, qui abritait autrefois les pompes funèbres de la capitale.

Marion Simon-Rainaud – Fresque de “J’aime”, vestige du présent selon Timothée Chalazonitis.

« Le genre humain est-il appelé à être remplacé ? »

Au Centquatre, quand les humains ne sont pas là, les robots dansent. Le film « coex(AI)stence » réalisé par Justine Émard met en scène un homme qui interagit avec une machine aux traits humains et à la plastique immaculée. Seul son crâne est découvert, laissant voir des fils électriques. L’homme tente de communiquer en japonais, le robot grogne pour toute réponse.

L’échange à l’écran semble pourtant cohérent. La chair et la robotique se mélangent. Les mains du robot suivent celles de l’homme, qui semble vouloir l’apprivoiser. Cette danse robotico-poétique laisse songeur sur la place grandissante des intelligences artificielles dans notre quotidien, les fantasmes et les angoisses qu’elles génèrent.

Le visage de « Seer » nous plonge, lui aussi, face à nous même. Effigie de l’exposition, le robot simulateur d’émotion (Simulative emotional expression robot) créé par Takayudi Todo est particulièrement touchant. Peut-être parce qu’il ressemble à un humain dans ce monde de machines? Alter robot. 

Au fil des six ateliers, on découvre aussi un vaste parc de petits robots motorisés dotés d’un laser vert qui jouent aux autotamponneuses. Avec « Lasermice », l’artiste So Kanno évoque une planète prise d’assaut par d’autres formes de vies que l’humain. En l’occurrence des souris robotisées qui paraissent s’auto-suffire.

Retour vers le futur

Ici, tout a trait à la fiction futuriste. Même les panneaux classiques d’explication d’œuvre. D’installation en installation, ils se déclinent autour de ces trois questions :

« De quoi parlait-on ? »
« Qu’en disait l’auteur ? »
« Qu’apprend-on sur le genre humain ? »

Cette mise en abyme est aussi riche qu’amusante. Les expériences se multiplient tout au long de l’exposition. On frise l’épilepsie parfois, comme dans la pièce immersive « Solid State » qui simule une rave party. Ou même le dégoût face au un mur où s’écoule sans discontinuer de la boue, pâteuse et gluante. Petite piqûre de rappel de l’artiste Fabien Léaustic : le développement des technologies repose sur des énergies fossiles (et finies).

Le Centquatre regorge d’autres extravagantes surprises. Errer entre les différents espaces investis par les artistes semble être la meilleure manière d’aborder cette exposition « où le dernier être humain s’en est allé sans éteindre la lumière ». Nous sommes cordialement invités à contempler dans ce monde laissé à l’abandon… par nous-mêmes. 

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Marion Simon-Rainaud