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Jean-Paul Maury : un amoureux comblé de la technologie

Chez France Télécom, comme chez tous les opérateurs, l’informatique reste spécifique, car elle est intimement liée au réseau pour offrir de nouveaux services aux abonnés.

Un peu partout, l’informatique se banalise. Est-ce le cas dans le secteur des télécommunications ?Pas du tout ! Ce secteur représente même l’un des derniers endroits où elle reste spécifique. Les services télécoms combinent de plus en plus réseau et informatique. Les technologies du premier se banalisent, et tous les opérateurs disposent à peu près des mêmes infrastructures. C’est donc l’informatique qui fait la différence entre les exploitants, par les développements que chacun réalise en interne ou sous-traite. Prenez l’exemple des mobiles : la bagarre fait rage entre des opérateurs dotés d’infrastructures similaires et cherchant à offrir les prestations les plus pertinentes au meilleur prix. En outre, il faut que les services télécoms soient disponibles 24 heures sur 24, partout. Ce qui n’est pas le cas de tous les systèmes informatiques.La théorie très anglo-saxonne selon laquelle les opérateurs deviendront de simples “machines marketing” serait donc irréaliste ?Je ne crois pas à cette évolution qui voudrait que les constructeurs reprennent la construction et l’exploitation du réseau, et les grandes sociétés de services l’informatique, pour ne laisser à l’opérateur que la conception et la vente des services. Je le répète, réseau et informatique sont étroitement liés. Le réseau évolue sans cesse, et l’informatique doit s’adapter en permanence pour tirer parti de ses nouvelles possibilités. C’est pourquoi il reste très difficile d’externaliser ces deux activités. Côté informatique, on peut sans doute sous-traiter l’exploitation de quelques activités que l’on retrouve partout ailleurs, telle la paie, mais pas celle du c?”ur de métier, à savoir les services. Comment avoir la maîtrise de l’offre si vous n’avez pas le contrôle direct à la fois de l’infrastructure et de l’informatique ? Un réseau au sens large, c’est-à-dire avec les services, ressemble à une pièce de théâtre classique. Il doit obéir à la règle des trois unités : ici, ce sont celles de conception, de technologie et de temps.Dans ces conditions, le DSI doit-il être un technicien ou plutôt un stratège ?Les deux. Technicien, il doit l’être pour comprendre l’informatique, ses possibilités et son évolution. Mais aussi, tout simplement, pour saisir le discours des fournisseurs. Une forte capacité d’apprentissage est en outre requise, ce secteur évoluant très vite. Une formation d’ingénieur me paraît indispensable. Par ailleurs, le DSI doit être stratège pour savoir adapter l’outil informatique aux métiers de l’entreprise. Il lui faut, enfin, être capable de tenir le cap entre le trop et le trop peu, et éviter les abus dans les deux sens.Comment concevez-vous les relations avec les fournisseurs ?Les fournisseurs représentent l’un des canaux par lesquels le DSI suit l’évolution de l’informatique. Il est donc important d’en tirer profit. Je ne prétends pas qu’il faut prendre tout ce qu’ils disent pour argent comptant, mais il est nécessaire de savoir en tirer l’utile. De toute façon, avec les centres de recherche et de compétence de France Télécom, ils savent qu’ils ne peuvent pas raconter n’importe quoi. En outre, en contact avec d’autres utilisateurs, ils connaissent les tendances du marché, et leur point de vue est intéressant. D’un autre côté, on peut aussi peser sur leurs choix. France Télécom est une grande maison, qui a un certain poids. Il est vrai que celui-ci est, tout de même, relatif, car la plupart de nos fournisseurs technologiques sont Américains, et la France ne constitue pas leur plus grand marché. Cependant, certains s’appuient sur nous pour adapter leurs produits.Et vos relations avec les utilisateurs ?J’ai deux catégories d’utilisateurs : le personnel interne, qui se sert des outils informatiques, et le client de France Télécom, qui utilise les services, souvent à base d’informatique. Nous représentons les premiers auprès des maîtrises d’ouvrage, qui disposent des budgets. Nous apportons notre expertise et veillons à la cohérence de l’ensemble. Cette cohérence est, je le rappelle, fondamentale dans un système informatique. Là aussi, on retrouve un peu l’architecture et la rigueur d’une pièce classique. Quant aux clients de l’opérateur historique, nous sommes en contact avec eux à travers nos directions marketing.Sur un plan plus personnel, quels sont vos points forts et vos points faibles ?J’aime la technique qui constitue, pour moi, un point clé dans le métier de DSI. Revers de la médaille ?” mon point faible donc ?”, cette rigueur fait que je ne suis pas ce que l’on appelle un “politique”.Si vous deviez changer de métier ?Je retournerais dans les services purement télécoms. Aujourd’hui, l’informatique envahit tout, y compris les télécommunications. Avec l’expérience acquise à la DSI, je possède la double culture nécessaire à l’élaboration des services télécoms de demain.

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Jean-Pierre Soulès