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Jean-Paul Bouchet (CFDT Cadres)

‘ Modélisation et intégration de systèmes ont de l’avenir en entreprise. ‘

Jean-Paul Bouchet est secrétaire général adjoint de la CFDT Cadres. Il répond à nos questions sur la situation des informaticiens transférés d’entreprises utilisatrices vers des SSII.Les flux entre SSII et entreprises utilisatrices devraient-ils croître en France ?


Jean-Paul Bouchet : Oui, ces mouvements vont se poursuivre. La tendance actuelle est à la mutualisation des moyens et à l’unification des systèmes informatiques sous la forme de plates-formes progicielles. Ce qui
contribue à accentuer l’externalisation des activités de production et de maintenance informatique. Et à favoriser ainsi la concentration des effectifs d’informaticiens dans des sociétés spécialisées. La recherche permanente des réductions de coûts
conduit les entreprises à variabiliser leurs coûts de production et de maintenance.Les profils techniques transférés en SSII peuvent-ils espérer y évoluer ?


Les transferts de la salariés vers les SSII, basés sur l’article L122-12 du Code du travail au titre du transfert d’activités, ont été jusqu’ici perçus négativement par les salariés : perte d’avantages, changements de conventions
collectives, peu de visibilité sur leur parcours. Mais, aujourd’hui, les profils techniques peuvent espérer des perspectives d’évolution de carrière en SSII. Ce que leur service informatique interne ne leur aurait pas donné. Toutefois,
l’offshore pourrait à nouveau limiter les possibilités d’évolution.Que vont devenir les profils plus fonctionnels ?


Pour eux, au contraire, l’éloignement ou la distance plus grande avec les services de l’entreprise suscite des inquiétudes légitimes sur leurs évolutions de carrière. Les postes se font plus rares. Les entreprises réduisent leurs équipes
d’interface et de maîtrise d’ouvrage. Rester dans l’entreprise signifie pour eux changer de métier, tous les informaticiens n’y sont pas préparés. Selon le niveau de proximité du c?”ur de métier, le ressenti ne sera pas le même, les possibilités
d’évolution non plus.Quels métiers auront un réel avenir ?


Ceux qui pratiquent la modélisation et les spécialistes de l’intégration des systèmes ont un vrai avenir. Ces activités resteront au sein de la maîtrise d’ouvrage. La séparation entre les activités de conception et de modélisation d’une
part, et celles de développement et de tests d’autre part, pourrait s’accentuer entre entreprises utilisatrices et SSII.Les contrats de travail incluant une clause de non-sollicitation ne freinent-ils pas la mobilité des salariés ?


La clause de non-sollicitation comme celle de non-concurrence, ne datent pas d’hier. La jurisprudence en a limité les abus. La négociation collective et préalable entre partenaires sociaux, est le moyen d’éviter que le salarié ne soit
pris en otage ou prisonnier d’un rapport de forces totalement déséquilibré. A l’heure où il n’a jamais été tant question de mobilité des capitaux et des personnes, il serait pour le moins curieux de limiter cette mobilité des salariés par le
truchement de contrats ou d’accords tripartites, institutionnalisant la non-mobilité.Les SSII ne devraient-elles pas changer de modèle économique et social ?


Le modèle des SSII mérite un lifting. Il demeure largement caractérisé par un surinvestissement professionnel, majoritairement masculin, entre 25 et 40 ans, en flux tendu permanent. Certains y trouvent du plaisir, d’autres beaucoup de
stress. Le taux important de célibat et l’augmentation des problèmes de santé dans cette profession illustrent les limites du modèle. Celui-ci attire moins. Il ne correspond plus aux aspirations de nombreux jeunes arrivant sur le marché du travail.
Les SSII sont donc appelées à faire évoluer leur mode de management et leur politique de gestion des parcours professionnels. Le seul pilotage par les coûts a ses limites.Qu’est-ce qui pourrait réellement bouleverser ce modèle ?


Les disparition progressive des informatiques maison et la concentration des activités chez de gros opérateurs spécialisés pourraient déplacer les zones de pouvoirs. Jusqu’à présent, ce sont les SSII qui se sont adaptées, absorbant tous
les risques. Et les salariés ont servi de variable d’ajustement durant des années. La donne pourrait bien changer dans un contexte de changement démographique, mais aussi sociologique. Les aspirations des jeunes à un meilleur équilibre entre vie
personnelle et vie professionnelle ne pourront plus être ignorées. Nous pourrions donc assister à un rééquilibrage des pouvoirs et à l’émergence de nouvelles formes de régulation du modèle économique et social de ce secteur.

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Xavier Biseul, Clarisse Burger, Olivier Discazeaux et Corinne Zerbib