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Faut-il avoir peur des ondes des téléphones mobiles et des appareils Wi-Fi ?

Antennes-relais, réseau Wi-Fi… Les ondes électromagnétiques sont accusées de nombreux maux. Le point sur ce que l’on sait, et ce que l’on ne sait pas.

Les ondes électromagnétiques nous rendent service quotidiennement. Invisibles et imperceptibles, elles nous permettent d’écouter la radio le matin, de regarder la télé le soir, de joindre n’importe où, à n’importe quelle heure,
n’importe qui muni d’un téléphone mobile. Bref, des actes anodins qu’elles rendent possibles. Pourtant, elles inspirent aussi des inquiétudes.En juin dernier, vingt médecins et cancérologues avec, à leur tête, le médiatique David Servan-Schreiber, signent un appel à la vigilance sur l’utilisation des téléphones mobiles. Et s’attirent les foudres de l’Académie de médecine,
qui considère qu’inquiéter l’opinion de cette façon ‘ relève de la démagogie, en aucun cas de démarche scientifique ‘.Quelques mois plus tôt, à la rentrée 2007, des employés de quatre bibliothèques de la Ville de Paris se plaignent de maux de tête. Ils les attribuent aux bornes Wi-Fi installées pour permettre aux visiteurs équipés d’un
ordinateur portable de se connecter sans fil à Internet. La Mairie de Paris désactive les installations en attendant que des mesures soient effectuées.Depuis plusieurs années, ce sont les antennes-relais de téléphonie mobile qui suscitent régulièrement l’inquiétude des personnes habitant à proximité des nouvelles implantations.

Les ondes agissent-elles sur l’organisme ?

Téléphone mobile, Wi-Fi, antennes-relais : chaque fois sont pointés du doigt les champs électromagnétiques produits par les installations. En l’occurrence, ceux associés aux fréquences radio (voir encadré
ci-dessous).
La crainte ? Que les champs électromagnétiques des radiofréquences agissent sur le corps humain et perturbent son fonctionnement.De son côté, la communauté scientifique se veut rassurante. Elle estime qu’il n’existe aucun risque sanitaire établi aux puissances utilisées. Un seul mécanisme d’interaction des radiofréquences avec le corps humain est avéré. Il est
bien connu : c’est celui utilisé à l’intérieur des fours à micro-ondes. En présence d’un champ électromagnétique haute fréquence, comme celui créé par les ondes radiofréquences, les molécules d’eau présentes dans les tissus humains s’agitent,
s’entrechoquent et provoquent des échauffements. Conséquence : la température corporelle monte.Notre organisme est capable de la réguler, mais jusqu’à un certain point. C’est pour cette raison qu’un indicateur a été défini : le débit d’absorption spécifique (DAS). Il traduit la quantité d’énergie absorbée par unité de
temps et par unité de masse et s’exprime en watts par kilo (W/kg). A partir d’observations expérimentales, il a été retenu un niveau de référence de 4 W/kg pour l’ensemble du corps. Au-delà, les effets sont jugés indésirables, générant des
troubles du comportement et, à des puissances très élevées, équivalentes à un DAS de 100 W/kg, des brûlures.Les limites légales d’exposition ont été calculées à partir du DAS de référence. Par souci de sécurité, on l’a divisé par 50 pour le grand public, par 10 pour les travailleurs. Au final, le DAS d’un téléphone mobile et de
tout appareil radioélectrique de communication (téléphone sans fil, ‘ baby-phone ‘ et radio CB, par exemple), doit être inférieur à 0,08 W/kg pour le corps complet, à 2 W/kg pour la tête
seule.Pourquoi cette tolérance plus élevée pour la tête ? Parce qu’il s’agit, dans ce cas, d’un échauffement local que le système de vaisseaux sanguins disperse dans l’ensemble du corps.

En attente d’études de grande ampleur

Proposées par la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP), ces limites d’exposition ont été adoptées par l’Union européenne en 1999, puis transposées dans la loi française en 2002.
Tout appareil respectant les valeurs de DAS mentionnées est donc supposé ne pas présenter de danger pour l’utilisateur.Qu’en est-il des autres effets possibles ? ‘ A forte puissance, pour un DAS de l’ordre de 50 W/kg et des expositions de longue durée, on a pu observer une incidence sur l’apparition de cancers, des
troubles de la reproduction, une perméabilité de la barrière hémato-encéphalique
[qui filtre le sang irriguant le cerveau, Ndlr]. Mais jusqu’à présent, cela n’a pas été montré de façon reproductible à des niveaux inférieurs aux
valeurs de DAS recommandées ‘,
précise le docteur René de Seze, radiologue de formation, responsable de l’unité de toxicologie expérimentale de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques.C’est tout l’enjeu des recherches en cours. L’exposition sur une longue durée à un champ de faible puissance, comme celui d’un téléphone mobile, peut-elle avoir des conséquences néfastes sur la santé ? La plus attendue des études
actuelles se nomme Interphone. Commandée par l’Organisation mondiale de la santé et coordonnée par le Centre international de recherche sur le cancer, elle rassemble les travaux de treize pays, dont la France.Son objectif : déterminer si l’utilisation des téléphones portables augmente le risque de cancer. Pour le savoir, on compare sur des personnes atteintes d’une tumeur et sur des personnes non malades, leur intensité d’utilisation
du téléphone mobile. Quatre types de tumeurs de la tête et du cou sont concernés : le gliome ou cancer du cerveau, le neurinome acoustique concernant le nerf auditif, le méningiome (une tumeur bénigne) et la tumeur de la glande parotide (une
des trois sortes de glandes salivaires).Or, la publication des conclusions a été repoussée plusieurs fois. Raison invoquée ? La possibilité de ‘ biais statistiques ‘, qui rendraient certains résultats contradictoires. La
conclusion définitive est reportée au premier trimestre 2009. On en a cependant une idée d’après les résultats partiels d’Interphone déjà publiés et ceux d’études antérieures.

Utilisation intensive : restons vigilants

Pour une utilisation inférieure à dix ans, il semble qu’il y ait peu d’indications d’un risque accru de cancer lié au téléphone mobile. Au-delà de dix ans d’utilisation intensive, on manque encore de recul. ‘ Le
développement d’une tumeur est très long, de l’ordre de dix à quinze ans,
rappelle Françoise Boudin, directrice de la Fondation santé et radiofréquences. S’il existait des effets de forte ampleur, les études actuelles les
auraient mis en évidence. S’il existe des effets de faible ampleur, c’est-à-dire avec une probabilité faible, nous devons rester vigilants. Un risque très faible sur une large population concerne, au final, beaucoup de
personnes. ‘
Pour le moment, il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter outre mesure. ‘ Cela fait plus de dix ans que l’on cherche, et jusqu’ici, on n’a pas trouvé de risque consistant (ou confirmé). C’est plutôt rassurant, car
cela indique que si un risque existe, il est faible,
estime René de Seze. On ne pourra jamais démontrer que le risque est nul. Est-ce qu’il augmentera après vingt, trente ans d’utilisation ? Il faudra faire de
nouvelles études pour le savoir. Ensuite, il faudra savoir s’arrêter s’il faut plus longtemps qu’une vie humaine pour qu’un risque s’exprime. ‘

Les enfants, une population à risques

Reste une population à risques récemment apparue avec l’explosion de la téléphonie mobile : les enfants. ‘ On considère généralement que les enfants sont, a priori, plus fragiles aux expositions
environnementales parce que leur système nerveux central et leur système immunitaire continuent à se développer ‘,
explique Isabelle Lagroye, biologiste au laboratoire de bioélectromagnétisme de l’Ecole pratique des hautes
études.En France, 71 % des 12 à 14 ans possèdent un téléphone mobile, 94 % des 15-17 ans (d’après un sondage TNS Sofres pour l’Association française des opérateurs mobiles). En commençant à téléphoner plus tôt que la
population adulte actuelle, les enfants s’exposent plus longtemps aux rayonnements, à une période où leur corps, notamment leur cerveau, est en formation.En attendant les résultats des premières études, les instances politiques comme les associations recommandent de modérer l’usage du téléphone mobile chez les enfants, voire de le proscrire au moins de 12 ans. Une précaution
rappelée par ‘ l’Appel des 20 scientifiques ‘ et énoncée par d’autres depuis plusieurs années, notamment par le ministère de la Santé et l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement
et du travail.Tandis que les scientifiques cherchent activement du côté des téléphones mobiles, certains parmi la population s’inquiètent des antennes-relais et, depuis peu, des antennes Wi-Fi. Pour les scientifiques, le cas des antennes est
différent de celui des combinés parce qu’elles sont éloignées des utilisateurs, au contraire des mobiles collés à l’oreille.Certes, la puissance d’émission d’une antenne-relais GSM est plus importante. Elle peut atteindre 100 watts contre 2 watts au maximum pour un téléphone mobile. Mais il s’agit d’un rayonnement à distance : l’énergie
qu’elle dégage diminue rapidement avec l’éloignement. Pour ces raisons, la communauté scientifique considère que les téléphones mobiles représentent un danger potentiel plus important que l’antenne-relais elle-même.

Les relais Wi-Fi : nouvelle inquiétude

Qu’en est-il des relais Wi-Fi qui fleurissent dans les lieux publics, des antennes du même nom qui équipent les ordinateurs portables ? Même constat. L’étude réalisée par le département électromagnétisme et télécoms de Supélec, à
la demande de l’Arcep (l’Autorité française de régulation des télécommunications), sur les champs produits aussi bien par les points d’accès que par les équipements terminaux, est sans ambiguïté.Les restrictions imposées par la loi en matière de DAS, retranscrites sous forme de niveaux de champ électrique pour les antennes, sont respectées. Même dans le cas d’un ordinateur posé sur le bureau ou sur les genoux :
‘ L’ensemble des résultats des mesures effectuées sont inférieurs ou égaux à 0,2 W/kg, soit 10 fois moins que la limite autorisée pour la tête ou le tronc. ‘Les appareils respectent donc les limites légales définies pour écarter tout risque. Pourtant, un nouveau phénomène apparaît : des personnes sont convaincues d’être hypersensibles aux ondes électromagnétiques. Elles développent
des symptômes qu’elles attribuent aux sources électromagnétiques. La liste des symptômes décrits est longue : anxiété, maux de tête, nausées, douleurs articulaires, problèmes de peau, fatigue, insomnies en sont quelques exemples.La communauté scientifique reste prudente. Jusqu’à présent, les expériences menées en laboratoire sur des groupes mêlant des personnes déclarées sensibles avec d’autres n’ont rien démontré. ‘ Il est probable que
la majorité des gens développent des symptômes non spécifiques, liés à l’appréhension de l’existence des antennes ‘,
explique Françoise Boudin. ‘ Néanmoins, certains pourraient effectivement avoir une
sensibilité accrue, ce qui justifie de poursuivre les recherches. ‘
Quant aux malaises ressentis par des employés des quatre bibliothèques parisiennes et attribués à la présence des bornes Wi-Fi : ‘ Les résultats des mesures effectuées sur les installations Wi-Fi […]
ont confirmé des niveaux de 80 à 400 fois inférieurs au seuil réglementaire. Par ailleurs, des visites médicales ont été proposées aux agents qui ont signalé des maux liés au Wi-Fi. Aucune pathologie n’a été
diagnostiquée ‘,
indique le communiqué de la Ville de Paris. Les antennes ne seraient donc pas la cause directe de ces maux.

Une dimension politique et sociale

Les angoisses sanitaires qu’elles suscitent pourraient-elles cacher d’autres inquiétudes ? ‘ Les endroits où les gens se plaignent de troubles liés aux antennes ne sont pas
anodins ‘,
analyse Olivier Borraz, sociologue au Centre de sociologie des organisations.‘ Dans le cas des antennes Wi-Fi, les mobilisations émergent sur des lieux de travail et concernent des employés, pas des usagers. Dans le cas des antennes relais, il s’agit plutôt de lieux de vie. La
contestation d’une antenne cristallise des problèmes sociaux et permet de formuler des revendications politiques. Elle permet aussi d’agir, car une antenne, on peut la déplacer : on a donc prise sur la source de risques. Or, les pouvoirs
publics ne prennent en compte que la dimension sanitaire. Il faut s’intéresser à la dimension sociale, par exemple aux conditions de travail dans ces lieux, même si ça n’explique pas tout. ‘

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Olivier Lapirot