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Facebook : ce que les autorités américaines reprochent au groupe de Mark Zuckerberg

Attaqué en justice, le PDG du groupe dénonce une « histoire révisionniste » et a promis de se défendre « vigoureusement ». Retour sur une affaire qui oppose Facebook à 48 états fédéraux. 

Se séparer de deux applis ultrapopulaires : Instagram et WhastApp. C’est une des demandes de Federal Trade Commission (FTC) et des procureurs représentant 48 états et territoires américaines. Mais pas que : il est par exemple aussi demandé à Facebook d’être plus fair play avec les développeurs de logiciels ou encore de solliciter l’autorisation de la justice pour certains rachats. On fait le point sur l’affaire. 

  • Qu’est-ce qui est reproché à Facebook ? 

Dans deux plaintes distinctes, plusieurs autorités américaines ont accusé mercredi 9 décembre le groupe de Mark Zuckerberg d’abuser de sa position dominante et de ses coffres bien remplis pour évincer la concurrence.

Pour elles, les pratiques anticoncurrentielles du réseau social nuisent aux consommateurs en leur laissant moins de choix et en amenuisant la protection de leurs données privées. Elles laissent aussi aux annonceurs peu d’alternatives pour placer leurs publicités.

Les plaignants reprochent particulièrement à Facebook les rachats de l’application Instagram, en 2012 pour 1 milliard de dollars, et de la messagerie WhatsApp, en 2014 pour 22 milliards de dollars. Mais ils s’en prennent aussi aux conditions imposées par Facebook aux développeurs de logiciels.

  • Qu’est-ce qui est demandé à Facebook ? 

La FTC demande en conséquence à la justice d’éventuellement forcer Facebook à revendre Instagram et WhatsApp. L’agence veut également que le groupe de Mark Zuckerberg cesse de contraindre les développeurs à accepter certaines conditions et lui demande son feu vert pour toute opération de rachat.

Pour leur part, les 48 procureurs réclament d’être prévenus de toute acquisition supérieure à 10 millions de dollars. Ils appellent aussi la justice à éventuellement contraindre Facebook à se séparer de certaines filiales ou d’activités.

« Facebook passe son temps à surveiller les utilisateurs et leurs informations personnelles et à en profiter », a justifié la procureure générale de l’État de New York, Letitia James, lors d’une conférence de presse. « Aucune entreprise ne devrait avoir un tel pouvoir sur nos informations personnelles et nos interactions sociales sans contrôle. »

  • Comment a réagi Facebook ? 

Le réseau social nie et prépare sa défense. Au moment des rachats d’Instagram et WhatsApp, Facebook était loin d’être dans une position de monopole et fait encore face aujourd’hui à une concurrence notable, fait-il valoir dans une note (à lire en entier ci-dessus). Effectivement le marché s’est étoffé : de Twitter à YouTube en passant par TikTok, Snapchat, WeChat, Triller, Discord ou Reddit, il existe de fait plusieurs autres réseaux sociaux d’ampleur. 

Autre argument avancé : si Instagram et WhatsApp sont devenus aussi importants, c’est en grande partie grâce aux technologies développées par Facebook. Et enfin, le groupe ajoute que les acquisitions mises en cause avaient bien reçu le feu vert des autorités de la concurrence avant leur finalisation.

C’est pourquoi, dans la foulée des deux plaintes déposées, le réseau social a dénoncé une « histoire révisionniste » et a promis de se défendre « vigoureusement ». De plus, les particuliers et les entreprises ne choisissent pas d’utiliser Facebook « parce qu’ils le doivent » mais « parce que nos applications et nos services offrent le plus de valeur », a mis en avant Jennifer Newstead, responsable juridique chez Facebook.

  • Quelles suites pour cette affaire ? 

Il est difficile de savoir si ces plaintes vont aboutir, mais le signal envoyé est de toute façon très fort. Pour Christopher Sagers, professeur de droit à l’université publique de Cleveland interrogé par l’AFP, les plaintes présentées mercredi sont « importantes et ambitieuses ». Si le groupe a bien été critiqué pour avoir mal protégé les données de ses utilisateurs, il a longtemps bénéficié d’une certaine clémence quant à ses pratiques anticoncurrentielles alors même qu’il « s’est comporté comme un prédateur sans vergogne et cherchant à exclure dans tous les secteurs dans lesquels il a été impliqué », estime-t-il.

Les procédures sont aussi intéressantes car elles visent des acquisitions d’entreprises qui n’entraient pas en concurrence directe avec Facebook. Les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) sont d’une façon générale dans le collimateur des autorités américaines (et européennes), qui les soupçonnent de profiter de leur position dominante pour écraser leurs compétiteurs. Le ministère de la Justice et onze Etats avait aussi lancé une procédure mi-octobre contre Google, accusant le groupe d’abuser d’une quasi-hégémonie avec son moteur de recherche.

Néanmoins, selon les analystes de Baird cité par l’AFP, il est « très peu probable » que les plaignants parviennent à leurs fins. Ils s’appuient pour cela sur une affaire qui a eu lieu dans les années 1990 contre Microsoft. Après près de trois ans de procédure, le ministère de la Justice n’était pas parvenu à démanteler la firme. Mais, aujourd’hui, le PDG de Microsoft Brad Smith appelle les géants de la Tech à prendre leurs responsabilités

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Marion Simon-Rainaud avec AFP