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Egg, la banque des idées reçues

En lançant sa carte de crédit en France, la banque en ligne britannique s’attend à un succès immédiat. Mais la lecture des conditions générales de cette offre montre que les publicités de la banque ne disent pas tout à fait tout.

Idée reçue numéro un : ce n’est pas en dépensant de l’argent qu’on en gagne. C’est le slogan de la banque en ligne britannique Egg, mais c’est aussi une vérité. Résumé de l’épisode précédent : Egg décide de s’implanter en France. En début d’année, elle rachète Zebank, le projet pharaonique de banque sur Internet de Bernard Arnault. Puis soigne bien sa communication, puisque l’une de ses premières déclarations concerne la création de 2 000 emplois en France d’ici à 2004.Tout est prêt pour lancer son produit phare : la carte Egg. Cette carte de crédit compte déjà 1,8 million de fidèles outre-Manche, et y représente 5 % des encours (des crédits). Mais, évidemment, on n’incite pas le consommateur moyen à prendre un crédit en lui disant qu’il va s’endetter à un taux d’intérêt supérieur à 10 % par an. Surtout quand les taux d’intérêt sont inférieurs à 3 %… et que n’importe quelle banque vous prête aujourd’hui de l’argent à moins de 6 % par an.Sans compter que le marché français des cartes de crédit est saturé : toutes les enseignes disposent de leur propre carte de crédit, gérée en coulisses par un organisme filiale d’une grande banque. Alors, quand on s’appelle Egg, qu’on n’a pas d’alliance avec un gros distributeur, comment fait-on pour imposer sa carte de crédit ?Eh ben on fait tout simplement en sorte que le brave gus ait l’impression de faire une bonne affaire ! On lui promet de lui rendre une partie des sommes qu’il a dépensées, 1 % exactement. Génial, non ? Mais on ne lui dit pas tout, loin de là.On ne lui dit pas que la carte Egg est une carte de crédit. Et donc que, sauf indication contraire de sa part lors de son inscription, ses dépenses seront comptabilisées comme des crédits… au taux d’intérêt annuel de 12,99 %. Là, ça devient déjà moins intéressant de récupérer 1 % de ses achats, quand on en perd 12,99 % en parallèle.Et même ceux qui ont bien fait attention à ne pas souscrire à une offre de crédit au moment de l’inscription peuvent se retrouver perdants très facilement. J’en ai fait l’expérience, histoire de tester. Pour limiter mes gains, Egg m’a imposé un plafond de dépenses mensuelles ridicule. Si je me tiens à ce plafond, je ne gagne quasiment rien. Si je le dépasse, Egg s’octroît le droit de me prélever 20 euros.Pour tester la bonne foi d’Egg, j’ai appelé son service clientèle en demandant que mon plafond soit relevé. “Impossible, m’a répondu la charmante demoiselle au bout du fil, ce plafond est calculé en fonction de vos revenus…” Chose étrange, en revanche, une personne de mon entourage disposant des mêmes revenus et charges que moi a demandé la carte Egg et obtenu un plafond deux fois plus important.La seule différence entre elle et moi, c’est qu’elle a choisi la formule avec crédit, bien plus juteuse pour Egg. Comme c’est étrange. Enfin les plus pervers iront visiter la page des conditions générales d’Egg. Ils y liront les pénalités de 20 euros au moindre incident de paiement… ou le fait qu’Egg peut à tout moment supprimer les gains des clients dépassant, même légèrement, le plafond.Qu’en déduire ? Que ce n’est pas en dépensant de l’argent que l’on en gagne. Ce n’est pas une idée reçue, cher Monsieur Egg, c’est simplement une évidence. Quant à ceux qui veulent emprunter de l’argent, ils auront tout intérêt à aller voir une banque qui leur propose un emprunt à des taux bien moins élevés.Prochaine chronique jeudi 19 décembre

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Alain Steinmann