Passer au contenu

Doux spleen à la Vega

Cinq ans d’absence. C’est long quand on est fan. Et c’est un gouffre pour celles et ceux qui n’auraient que vaguement fredonné les chansons aériennes de…

Cinq ans d’absence. C’est long quand on est fan. Et c’est un gouffre pour celles et ceux qui n’auraient que vaguement fredonné les chansons aériennes de la fille aux Neufs objets de désir, titre du précédent album de Suzanne Vega, sorti en 1996. À trop se faire attendre, la plus intello des chanteuses new-yorkaises a pris le risque de se faire oublier. Les trentenaires se souviennent, sans doute, de son hit Luka, en 1987, évocation émouvante de l’enfance maltraitée, dont on peut trouver un extrait sur www.vega.net/videomnu.htm. Les plus jeunes ne savent même pas qui est cette (ex ?) égérie du folk. Faut-il leur faire écouter Vega ?Son nouvel opus, Songs in Red and Gray, qui sort ces jours-ci, invite à la réponse positive. Après l’album du bonheur béat (Nine objects of desire, dont on lira les textes sur le site d’une de ses fans, www.vegascope.com/parmen2.htm), Suzanne Vega revient à des thèmes plus mélancoliques, des mélodies plus retenues, mais garde quelques-unes des audaces rythmiques pop du précédent CD. Un mélange harmonieux, en somme, fruit de sa collaboration avec un nouveau producteur, Rupert Hine, dont Mike Visceglia, bassiste historique de Suzanne Vega, explique en détail la méthode de travail sur www.mikevisceglia.com (cliquer sur “Anatomy of a Recording “). Privilégier la voix sur la musique, préserver une certaine intimité, telles étaient les consignes données à Rupert Hine par la chanteuse.Songs in Red and Gray est une évocation à peine voilée de la récente séparation de Suzanne Vega et de son mari et ex-producteur, Mitchell Froom. La plupart des textes de l’album (à lire sur www.vega.net/rglyr.htm) évoquent l’absence, la déception, le malentendu. Des histoires graves, mais pas tristes (l’ironie n’est jamais loin), par ailleurs mises en musique avec une certaine chaleur. Le résultat est souvent exquis, particulièrement dans Penitent, premier et meilleur titre de cet album. On retrouve le spleen et le dépouillement qui sont la marque de fabrique de Suzanne Vega, ce verbe minimaliste qui en font pour certains une poétesse, un écrivain à part entière.Sur www.vega.net/wendy.htm, Wendy Chapman va jusqu’à comparer la chanteuse à Raymond Carver. Pas le moindre des compliments ! Et pas totalement absurde : quelques détails subtilement choisis qui transportent dans un univers aussi réaliste que personnel, une narration à la première personne qui permet l’empathie sans impudeur… Suzanne Vega partage avec l’auteur de Short Cuts ce sens de l’illusoire simplicité. L’a-t-elle lu ? Dans une interview donnée aux Inrockuptibles en 1998 ( www1.lesinrocks.com, taper ” Suzanne Vega ” dans le moteur de recherche), la chanteuse, qui s’avoue boulimique de lecture, névoque pas Raymond Carver, mais des auteurs plus classiques : Emily Brontë, John Steinbeck, James Joyce, Simone de Beauvoir et Albert Camus. Trop sage Suzanne Vega ? Sans doute, comparée à Fiona Apple ou PJ Harvey, chanteuses américaines autrement glamour. Mais Suzanne Vega est aussi plus oblique, plus subtile que ces dernières… et, au final, plus intemporelle.”Songs in Red and Gray“, Suzanne Vega, Polydor. En vente le 24 septembre.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Sophie Janvier-Godat