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Des collectivités locales défient France Télécom

Certaines collectivités territoriales veulent créer des boucles locales pour attirer les opérateurs. Malgré une loi ambigüe, les projets se concrétisent. France Télécom ne se laissera pas faire.

Entre France Télécom et les collectivités locales, le torchon brûle depuis un moment. L’opérateur historique se bat pour empêcher certaines d’entre elles de créer des réseaux de fibre optique ouverts aux opérateurs télécoms. En 1999, il a réussi à faire condamner la Communauté urbaine du Grand-Nancy par le tribunal administratif de la ville, car le code général des collectivités locales interdisait à ces dernières d’intervenir dans le domaine concurrentiel, sauf en cas de carence de l’initiative privée. Or, cette carence ne pouvait exister dès lors que France Télécom délivre ses services dans tout l’Hexagone. Depuis cette condamnation, la loi sur l’aménagement du territoire de 1999 n’est venue modifier que peu le code des collectivités, en les autorisant, à demi-mot, à mettre en place des réseaux à hauts débits. Car France Télécom, grâce à un lobbying actif, a fortement limité la portée de ce texte. En effet, si les collectivités sont désormais effectivement autorisées à créer des infrastructures télécoms locales, elles ne peuvent le faire qu’en constatant – encore et toujours – une carence dans les hauts débits (prix et qualité). Avec un problème qui perdure : la loi ne dit pas ce qu’est cette carence, ni comment la faire reconnaître, si ce n’est par une ” procédure de publicité ” des plus imprécises. Quant aux tarifs de location des réseaux, ils doivent être calculés sur la base d’un amortissement sur huit ans. Cela va contraindre les collectivités à fixer des prix élevés. Certaines d’entre elles, têtues, ont décidé de faire fi de ces chausse-trappes et d’avancer malgré tout. C’est le cas du Sipperec (*), qui s’est résolu à essuyer les plâtres de ce texte flou en définissant une démarche de constat de carence. “Nous avons dû défricher le terrain, en respectant la loi et en optant pour une procédure inattaquable. Cela nous a pris six mois “, explique Jean-Marc Proust, chargé de mission au Sipperec.

Avec l’aide d’experts

Pour constater la carence, le Sipperec a choisi d’envoyer un questionnaire aux opérateurs, dont les vingt-six réponses ont servi aux travaux d’une commission d’experts. Cette dernière a conclu à une carence en matière de hauts débits (voir encadré). Et c’est ce qui a décidé le Sipperec à donner le coup d’envoi de son réseau, qui courra sur 175 kilomètres, traversera quatre-vingts communes dans trois départements (92, 93 et 94) et pourra accueillir vingt opérateurs. La Communauté urbaine de Nancy, nullement refroidie par le jugement du tribunal, dont elle a fait appel, va s’inspirer de la démarche du Sipperec. Elle espère ouvrir son réseau aux opérateurs à la fin de l’année.
Comment réagira France Télécom face à ce gant lancé par ces collectivités territoriales ? “Bien malin qui pourrait le dire. Mais sur le processus de constat de carence, ils peuvent tout à fait attaquer “, s’inquiète Guillaume Desforges, chargé des affaires économiques de la Communauté urbaine de Nancy. Interrogé, France Télécom n’a pas encore dévoilé ses intentions. Sauf celle de décortiquer le constat de carence francilien. Sans doute pour mieux le dénoncer.(*) Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l’électricité et les réseaux de communication.

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Guillaume Deleurence