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Dealers de musique

Les procès contre les internautes qui téléchargent illégalement de la musique semblent un peu dérisoires vus de Mexico. Ici, des tonnes de CD piratés sont déversées chaque jour sur les marchés par de véritables mafieux.

Certaines informations prennent un éclairage totalement différent selon le lieu où vous êtes quand vous en prenez connaissance. Comme vous, j’ai appris que la RIAA, l’association qui représente les maisons de disques américaines,
allait poursuivre en justice certains internautes ‘ partageurs ‘ de fichiers musicaux piratés sur Kazaa.Or, il se trouve qu’en ce moment je suis en vacances à Mexico. Et, vue de Mexico, cette nouvelle semble totalement décalée par rapport à la réalité. Car il suffit de se balader une dizaine de minutes dans les marchés de la mégalopole
pour trouver tous les derniers albums musicaux en version piratée.Leur prix ? Une dizaine de pesos, environ 1 euro. Vous y dénicherez le dernier album de Ricky Martin, et aussi des compils ‘ MTVRecords ‘. Non, bien sûr, MTV Records, ça n’existe pas, mais la chaîne
musicale a un tel impact en Amérique Latine que certains se sont dit qu’elle pourrait éditer des compilations… Et le font donc à sa place.Si vous êtes plutot branché films, vous pourrez aussi vous régaler avec des DVD à 20 pesos (2 euros), moins cher qu’un DVD vierge en France. Les touristes se jettent sur le DVD de Frida, et les locaux sur les films porno ou
les derniers blockbusters yankees. Et, pour que le décor soit bien planté, précisons que tout cela se déroule sous le nez des policiers locaux qui font, eux aussi, leurs courses.Changeons de quartier. Laissons les marchés un peu crasseux, prenons notre sac Gucci et baladons-nous dans la Zona Rosa, la Défense de Mexico. Ici, presque tout est légal. Les Fnac locales vendent les mêmes albums que ceux que vous
trouvez, ailleurs, dans la rue. Seul le prix est différent.L’album de Ricky Martin, par exemple, s’y négocie autour des 200 pesos (20 euros), comme chez nous. Ah oui !, il existe une autre différence : il n’y a presque personne. L’un des responsables du magasin avec qui vous
pourriez discuter vous avouerait que, depuis l’apparition des CD et DVD pirates dans la rue, il y a un an environ, il a perdu la moitié de son chiffre d’affaires.Alors, évidemment, les actions de la RIAA semblent, du coup, totalement dérisoires. Car, au lieu de rechercher l’internaute lambda qui pirate, elle devrait plutôt s’intéresser aux réseaux mafieux qui ont trouvé avec la musique un
nouveau et juteux marché.Ce ne sont pas les misérables vendeurs des marchés de Mexico qui dupliquent eux-mêmes les CD et DVD. Ce ne sont pas eux qui vont trouver les masters originaux de certains films avant même leur sortie dans le commerce aux Etats-Unis.Ils ne sont que les dealers de produits (cela pourrait être les habituels souvenirs un peu ridicules, mais le CD rapporte plus) qui sont déversés chaque jour, par camions entiers, sur leurs étals.Le piratage de musique a fondamentalement changé : il n’est plus l’?”uvre d’étudiants sans le sou à la recherche des derniers tubes. Non, il est devenu, comme bien d’autres trafics, un marché mafieux dont il faudra bien, un jour,
que la RIAA se préoccupe vraiment.Bonnes vacances, et rendez-vous le jeudi 28 août pour ma prochaine chronique.* Rédacteur en chef adjoint de l’Ordinateur individuel

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Alain Steinmann*