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Briefcam : des villes condamnées à effacer des données acquises grâce à la reconnaissance faciale

Le 14 novembre dernier, le média Disclose révélait qu’un logiciel de reconnaissance faciale, commercialisé par Briefcam, serait utilisé en dehors de toute procédure légale par la police depuis 2015. Quelques jours plus tard, la justice a contraint 11 communes de la communauté de communes Cœur Côte Fleurie (dont Trouville et Deauville) à supprimer les données personnelles acquises via ce logiciel. La ville de Nice a, elle, été relaxée : cette dernière n’utilise plus Briefcam aujourd’hui. La décision qui concerne Roubaix devrait tomber sous peu.

La police et les villes ont-elles le droit d’utiliser Briefcam, ce logiciel qui permet la reconnaissance faciale ? Les premières décisions judiciaires sont tombées cette semaine, près de 10 jours après les révélations de Disclose du 14 novembre dernier. Ce jour-là, nos confrères révélaient que la police utiliserait cet outil depuis 2015 en dehors de toute procédure, et en toute illégalité. S’en étaient suivies l’ouverture d’une enquête de la CNIL le 15 novembre, une enquête administrative du ministère de l’Intérieur… ainsi que plusieurs actions menées par un collectif de défenseurs des droits.

Aucune disposition légale n’autorise en effet la mise en place d’expérimentations de dispositifs de reconnaissance faciale à grande échelle. En France, le gouvernement y a renoncé lors du vote de la loi sur les Jeux olympiques, qui se dérouleront à Paris en 2024. À la place d’autoriser la reconnaissance faciale, une expérimentation de vidéosurveillance algorithmique (VSA) a été introduite dans notre législation jusqu’à fin mars 2025, à l’occasion des JO de Paris.

À lire aussi : Caméras de surveillance “intelligentes” pour les JO : pourquoi la loi pose problème ?

Plusieurs procédures d’urgence en référé initiées

Mais ici, ce logiciel développé par Briefman, « Vidéo Synopsis », irait bien plus loin, puisqu’il permettrait de pouvoir suivre une personne, un véhicule ou un cycliste filmés par plusieurs caméras. Son utilisation dans l’Hexagone serait donc totalement en dehors des clous de notre droit. De quoi faire réagir un collectif rassemblant la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat de la magistrature et l’Union syndicale Solidaires et l’Association de défense des libertés constitutionnelles.

Ces derniers ont déposé plusieurs procédures en « référé liberté » devant les tribunaux administratifs de Caen, de Nice et de Roubaix. Ce type d’action en justice est jugé en urgence, lorsqu’on estime que des droits fondamentaux – ici, la vie privée – sont mis en danger par l’administration. Selon les ONG et syndicats, « il existe un arbitraire total entourant les conditions d’utilisation du logiciel, l’usage de ce procédé n’ayant pas été préalablement autorisé ni même analysé ».

Pour le tribunal administratif de Caen, il faut supprimer ces données

L’avis est partagé par le tribunal administratif de Caen, qui a rendu sa décision le 22 novembre dernier. Selon le juge, l’usage du logiciel commercialisé par la société Briefcam viole bien la vie privée. Conséquence : la communauté de communes Cœur Côte Fleurie, dont Deauville et Trouville font partie, doit effacer les données à caractère personnel contenues dans le fichier initialement constitué et dans toutes les copies, totales ou partielles, qui auraient pu en être faites. Seul un exemplaire sera conservé et placé sous séquestre auprès de la CNIL. Traduction : tout ce qui permet d’identifier une personne (nom, caractéristiques du visage…) doit être détruit, il s’agit donc d’effacer les données de surveillance.

Dans l’ordonnance, on apprend que la communauté de communes Cœur Côte Fleurie avait mis en place en 2016 ce logiciel « afin de transformer la vidéo brute en source de renseignements exploitables, en réduisant le temps d’identification des menaces de sécurité », selon un communiqué cité par les magistrats. Or, en juillet 2022, la CNIL, le gardien des libertés, avait pourtant précisé que ce type de dispositifs, déployé dans l’espace public, « présente des risques pour les droits et libertés fondamentaux des personnes et la préservation de leur anonymat dans l’espace public. La CNIL a rappelé que la loi n’autorisait pas les services de police de l’État ou les collectivités territoriales à brancher sur les caméras de vidéo-protection des dispositifs d’analyse automatique permettant de repérer des comportements contraires à l’ordre public ou des infractions », rappelle le tribunal.

200 communes en France utiliseraient ce type de logiciel

Interrogé par nos confrères de France 3 ce vendredi 24 novembre, Philippe Augier, le maire de Deauville et Président de la communauté de communes Cœur Côte Fleurie, regrette cette décision. Pour ce dernier, près de 200 communes, qui utilisent en France ce type de logiciels, vont passer devant les tribunaux. « J’attends de voir comment elles réagissent et l’idée serait de mener une action en commun », avance-t-il, ajoutant que « ces caméras permettent d’arrêter des délinquants, des agresseurs et surtout, elles protègent nos citoyens ! ». 

Nice relaxée pour non-utilisation de Briefcam depuis plusieurs années

Le tribunal administratif de Nice a, lui, relaxé la ville de Nice, qui était aussi attaquée par le même collectif. Dans son ordonnance du 23 novembre dernier, les juges relèvent que le logiciel n’est plus utilisé par Nice depuis plusieurs années : Briefcam n’aurait été utilisé que lors de la coupe d’Europe de football de 2016, et lors du carnaval de Nice édition 2019. La ville a aussi expliqué ne jamais avoir activé la licence permettant de procéder à de la reconnaissance faciale. Comme il n’y a pas d’utilisation, il n’y a pas de violation. Le collectif a été condamné à rembourser les frais de justice de la ville de Nice, à hauteur de 3 000 euros.

Une dernière décision a été prise jeudi 23 novembre par le tribunal administratif de Roubaix : elle devrait être publiée sous peu. Le 29 novembre prochain, le Conseil d’État doit aussi étudier un recours formé cette fois par La Quadrature du Net contre la ville de Moirans en Isère, aussi cliente de Briefcam, explique l’association sur son compte X.

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Source : Décision du tribunal administratif de Caen


Stéphanie Bascou
Votre opinion
  1. « ces caméras permettent d’arrêter des délinquants, des agresseurs et surtout, elles protègent nos citoyens ! »
    Permettent d’arrêter des délinquants et des agresseurs, peut-être, mais qu’arrive-t-il à ces derniers : des gros yeux au pire une tape sur les mains.
    Et le fait qu’elles permettent d’arrêter des délinquants et des agresseurs prouve que justement qu’elles ne “protègent” pas nos citoyens, puisqu’il y a des délinquants et des agresseurs qui se font arrêter.

  2. ils ont raison, on peut reconnaitre les mal faisants DE DOS…. .Quand le citoyen est agressé ou autre ,il bien comptant que l’on trouve les contrevenents même s’ils ne restent pas longtemps en garde a vue grace a des avocas CONpétent.Peut etre que je me trompe

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