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Alain Charriras (Adami) : ‘ Le peer to peer est un outil économique qui mérite d’être développé ‘

En plein débat sur le piratage musical, l’Adami proposait une ‘ licence légale ‘ perçue sur le chiffre d’affaires des FAI. Quelles sont les implications de cette proposition pour les internautes ? N’est-ce
pas légitimer le piratage ? Alain Charriras, administrateur de l’Adami répond.

Bonjour et bienvenue sur le chat. Suite à imprévu, Jean-François Dutertre ne peut être présent ce soir. Nous recevons donc son collègue Alain Charriras. Bonjour à tous.Pinaraf : Pensez-vous que la taxe va inciter les gens qui téléchargent illégalement actuellement à télécharger légalement de la musique, des films… En bref, va-t-elle légitimer le peer-to-peer
illégal ?
Déjà, premièrement il ne s’agit pas d’une taxe mais d’une rémunération destinée à compenser le préjudice subit par les artistes, les producteurs et les auteurs.Guest32 : Bonsoir, tous les abonnés ADSL ne sont pas tous des téléchargeurs pirates. Certains ne téléchargent jamais de musique et d’autres payent même pour des morceaux. Alors plutôt que taxer aveuglément, pourquoi ne pas rendre
payant (abonnement par exemple) les logiciels de peer-to-peer ?
Notre proposition est destinée à susciter ce genre de réflexion. Effectivement l’objectif est de percevoir une rémunération, celle-ci peut très très bien en définitive être perçue auprès des éditeurs des logiciels p2p. Il nous a
semblé plus facile de solliciter les FAI qui sont domiciliés en France, qui présentent une surface financière suffisante et qui axent tout leur marketing sur la possibilité de télécharger de la musique.Semouleman : La taxe sur les supports informatiques a été une belle entourloupe ; une taxe sur l’ADSL aura le même résultat, non ? Le consommateur, grâce à la rémunération pour copie privée prélevée sur le CD, se voit offrir la possiblité de réaliser des copies privées des CD qu’il achète. L’Adami [société pour l’Administration des droits des artistes
et musiciens interprètes, NDLR]
milite aux côtés des consommateurs pour que les protections anticopies mises en place par les majors permettent une copie.Smarko : Avec les nouvelles ofres ADSL qui seront disponibles, on peut s’attendre d’une hausse des téléchargements. Est-ce que les FAI vont réagir et faire payer les fichiers (comme le fait Wanadoo actuellement) ? On peut craindre en effet, que les FAI lorsqu’ils auront fait le plein d’abonnements, soient tentés de remonter leurs prix ou d’offrir d’avantage de services payants (qui étaient jusqu’alors gratuits). Notre proposition de licence
légale prélevée auprès des FAI pourrait avoir pour conséquence une hausse légère du prix de l’abonnement. Cette augmentation serait la contre-partie d’une possibilité d’user des réseaux p2p sans crainte de porusuite. Le bénéfice pour le consommateur
est évident.Prometheus : En clair, nous payerons car l’industrie du disque tente de faire vivre son support CD qui semble mourir et ne sait pas s’adapter au nouveau marché ? L’heure est sûrement au changement, ne le pensez-vous
pas ?
En effet, il me semble évident que le CD est un produit en fin de cycle. Les majors qui sont également distributeurs (et pas seulement producteurs) tentent de préserver leur monopole très lucratif de distribution de ronds de
plastique. Ils n’ont pas su s’adapter au nouveau marché qu’offre le téléchargement.saxoetpiccolo : Les CD ne coûtent ‘ rien ‘ à produire. Ne pourrait-on pas baisser leur prix afin de les rendre plus attractifs ? Le majors mettent en avant les frais de promotion.Semouleman : Est-ce que vous croyez à la sincérité des majors de la musique quand elles tentent de justifier leurs prix ? Non. Pinaraf : J’ai téléchargé légalement 5 Go en une semaine. Comment vais-je faire si l’ADSL est taxé ? C’est mon outil de travail et je ne tiens pas à payer pour les autres ! Il ne s’agit pas de taxer l’ADSL. Notre proposition est de percevoir auprès des FAI une rémunération assise sur leur chiffre d’affaires ou l’abonnement. Ce prélèvement ne concernera pas que l’ADSL. Il circule actuellement une autre
proposition soutenue par les majors, émanant d’Olivier Bomsel, qui consisterait à surfacturer l’upload. L’Adami est totalement opposée à cette proposition qui reviendrait à accroître les revenus des FAI sans que les artistes ne
touchent le moindre centime, tout en condamnant des développements d’Internet comme la visio-conférence. De plus, elle pénaliserait les utilisateurs professionnels dont vous faites partie. TNK : En tant qu’internaute qui s’est toujours refusé à pirater (malgré de fortes tentations), je suis prêt à payer un supplément sur ma facture Internet (entre 5 et 15 euros/mois), si je peux en échange télécharger en
toute légalité toutes les musiques que je veux. Savez-vous ce qu’en pensent les autres internautes ? Les FAI ? Les ayants-droit ?
La position des FAI commence à évoluer. Ils redoutent plus que tout certaines propositions des majors qui conduiraient à engager leur responsabilité dans le filtrage des contenus Les artistes interprètes sont globalement en phase
avec la proposition de l’Adami. Les auteurs et les producteurs sont notoirement plus réservés, voire hostiles.Sochrisycha : Les sytèmes qui consistent à taxer de façon uniforme les utilisateurs sont injustes, certains ne piratant pas. Peut-on envisager des solutions non pénalisantes pour ces derniers ? Le principe même de toute mutualisation peut être discuté. La Sécurité sociale profite essentiellement aux malades. Il n’en demeure pas moins que la proposition de l’Adami permet d’éviter un véritable flicage d’Internet et croyez-moi
cela vaut mieux et tout le monde en bénéficiera.Prometheus : N’y a t’il pas une forme d’arnaque dans les plate-formes de téléchargements légaux en ligne qui nous proposeront des MP3 à un tarif aussi cher que le CD alors qu’il n’y a pas de coût de fabrication, de support,
d’emballage, de pochette… Le consommateur est vraiment une vache à lait !
Il est clair que certaines plates-formes de téléchargement pratiquent des tarifs peu en rapport avec les coûts d’exploitation. Le p2p est un outil beaucoup plus économique qui mérite d’être développé. Les majors mettent en avant,
comme pour justifier le prix élevé du CD, les frais de promotion qui sont les mêmes sur Internet. Les artistes qui touchent globalement de 6 à 8 % du gros HT ne sont pas responsables de ces coûts élevés.oniki : En gros, vous nous proposez de payer une taxe d’accès au haut-débit. Mais comment allez-vous mesurer l’upload de ma machine pour savoir si je télécharge 5 titres de musique, 40 films, ou
30 logiciels… Pourriez-vous donner un exemple concret, car je ne vois pas bien comment cela marcherait ?
L’Adami propose la perception d’une rémunération forfaitaire auprès des FAI. C’est Olivier Bomsel, de l’Ecole des Mines, qui a produit un rapport proposant de surfacturer l’upload. Nous sommes contre cette
proposition. Un prélèvement forfaitaire de quelques euros ajouté au prix de l’abonnement permettrait aux internautes d’user à volonté des réseaux p2p. Cette licence légale viendrait en compensation du téléchargement.fragar : La proposition de l’Adami pourrait être un moindre mal acceptable si : 1- la recette revient majoritairement aux artistes et non pas aux majors ; 2- si cela s’accompagne de l’abandon de tous les procédés
anticopie et autres DRM qui concourrent à la mise en place de nouveaux monopoles (majors + géants informatiques) aboutissant à contrôler l’écoute de la musique via certains logiciels (WMP pour ne pas citer). Qu’en pensez-vous ?
Il s’agirait d’une rémunération pour copie privée. La clé de partage est d’ores et déjà fixée par la loi, elle est la même que pour les CD vierges : 50 % pour les auteurs, 25 % pour les artistes et 25 % pour les
producteurs, en ce qui concerne la musique.Journaliste 01net : Si on adopte le principe d’un prélèvement sur le prix de l’abonnement, comment rétribuer les artistes de façon équitable ? C’est-à-dire payer plus, ceux qui ont été le plus téléchargés ? Il existe des outils de type sniffer qui permettent de mesurer le volume de téléchargement de chaque ?”uvre. Nos sociétés savent gérer la répartition de rémunérations forfaitaires. Elles répartissent déjà la
copie privée et la rémunération équitable prélevée auprès des radios, et des discothèques par exemple.TNK : Même si de nombreuses voix vont dans votre sens de part le monde, ne croyez-vous pas qu’une telle mesure, pour être simplement applicable, doit avoir une portée mondiale, ou au moins européenne ? Quelles sont les
positions des différents partis politiques à ce sujet ?
La Socan, Société d’auteurs canadienne, propose elle aussi une licence légale. Plusieurs études américaines, réalisées par Harvard, Princeton et Eff, ont déjà travaillé sur la question et aboutissent à des propositions similaires aux
nôtres. La licence légale prélevée uniquement en France dédommagerait les ayants-droit pour les téléchargements effectués en France. C’est mieux que rien. En ce qui concerne les partis politiques, nous sommes en contact avec eux. Leurs positions
semblent évoluer, mais ils subissent un fort lobbying des producteurs.realaze : Si l’accès Internet devait être taxé, ne pensez-vous pas qu’il serait normal de supprimer à ce moment là la taxe sur les supports numériques ? La rémunération prélevée auprès des FAI viendrait en dédommagement des téléchargements effectués sur le p2p. La rémunération prélevée sur les supports vierges concerne essentiellement les copies de support à support.Bobafett : Et si cette taxe servait réellement à ceux qui font la musique, par le principe du mécénat, plutôt que de remplir les poches bien pleines des maisons de disques ? En effet, la loi a prévu que 25 % de la rémunération pour copie privée devait obligatoirement être affectée à l’aide à la création. Nos sociétés s’emploient à cette tâche et aident financièrement tout un tas de projets
artistiques. La rémunération que nous réclamons sur le p2p entrerait naturellement dans ce cadre.bebop007 : Bonjour. Quel est l’avenir de l’Adami à long terme ? L’Adami et la Spedidam sont en train de se rapprocher pour constituer une grande société qui regroupera l’ensemble des artistes interprètes.Apple : Que pensez-vous de l’Itunes Music Store ? Il semble que Apple ait créé Itunes Music Store essentiellement pour vendre des Ipod. Le tarif américain est de 99 cents par titre. Il va falloir probablement que l’ensemble des plates-formes de vente en ligne s’alignent sur ce
tarif. Je suis inquiet pour les plates-formes qui ne vendent pas d’Ipod, car la rumeur semble indiquer que le tarif serait un peu faible pour financer les structures.psr76 : D’après vous c’est à cause du p2p que les maisons de disques perdent soit disant de l’argent ? Il y a de nombreuses raisons à la chute des ventes de CD : une offre pas assez diversifiée, un transfert du pouvoir d’achat des jeunes vers le téléphone mobile, les jeux vidéos…, un produit en fin de course peu adapté à la
consommation actuelle de musique qui se fait plutôt titre par titre.psr76 : Mais grâce au p2p les sociétés comme Apple, Sony, etc. vendent plus de graveurs CD, graveurs DVD, lecteurs MP3, lecteurs de DVD-DivX… vous ne croyez pas ? C’est exact, nous devons faire avec cette ambiguïté du monde industriel qui fabrique à la fois les outils de copie et les protections anticopies, qui tentent de gagner de l’argent sur tous les tableaux.Ralf : Est-ce que d’autres pays européens ont déjà appliqué cette ‘ taxe ‘ ou prévoient de le faire également ? Non, pas à ma connaissance.Merci beaucoup le mot de la fin ? L’Adami et la Spedidam ont constitué avec de nombreuses organisations de consommateurs UFC, CLCV, Unaf, Ligue de l’enseignement, entre autres, une alliance dont vous pouvez consulter la teneur sur le site de l’Adami :
www.Adami.fr. Nous militons pour la sortie du tout répressif et pour que s’ouvre un débat qui permette de trouver ensemble des solutions susceptibles dentretenir à la fois la liberté sur Internet et de rémunérer les ayants-droit pour toutes les
 ?”uvres qui circulent.Merci à tous de votre participation. Nous recevons la semaine prochaine Olivier Huart, directeur général de Cegetel sur le thème : ‘ Cégétel, dans la guerre des débits ‘. Au revoir et à bientôt.

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La rédaction