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A qui profitent les stock-options?

Rétribution différée de la fidélité, de l’implication et de la prise de risque, les stock-options invitent les salariés à miser sur un futur conditionnel. Ils ne seront pas tous gagnants à terme.

John Chambers, patron de Cisco, vient de lever des options pour un montant de 249 millions de dollars. Ils les avaient achetées à moins de 7 dollars, elles valent actuellement plus de 130 dollars. Il ne saurait y avoir de plus parfaite illustration de l’un des principes des stocks : un pari sur la richesse à venir. Dans la même veine, on dit la standardiste de Microsoft ?” potentiellement ?” millionnaire en dollars.Autre principe, autre rêve : la richesse partagée par tous les employés d’une entreprise. Pour l’heure, ils seraient 28 000 en France à pouvoir prétendre au rêve.Mais, comme bien souvent, si le rêve est très persistant, il n’en s’agit pas moins d’un rêve. Dans la réalité, la distribution des stock-options reste encore limitée à quelques entreprises et, souvent, à quelques individus bien placés dans la structure.

S’attacher les cadres jugés indispensables par l’attribution discrétionnaire d’actions

Dans les grandes entreprises, groupes français ou filiales de sociétés étrangères, le principe est celui du discretion management. Dans tous les sens du terme. C’est le règne du secret et du discrétionnaire. Les stock-options, le plus souvent offertes, y sont synonymes de récompense, de bonus pour le top management ou les cadres, qu’on veut à tout prix s’attacher.Etienne Normand, consultant chez Towers-Perrin évoque “le risque d’une entreprise à deux vitesses”, avec certains collaborateurs jugés particulièrement utiles et d’autres moins. Ce grand écart, entre un surcroît de considération d’un côté et une relative déconsidération de l’autre, pourrait avoir l’effet d’une petite bombe sociale si la discrétion n’était pas de mise. De façon ponctuelle, comme par exemple EDS en 1998, et Vivendi cette année, les grandes entreprises lancent des plans destinés à l’ensemble du personnel. Une façon de désamorcer la bombe ?Exit le discrétionnaire dans les start-up. Sébastien Crozier, PDG et fondateur d’Internet Telecom, qui sera introduite en Bourse cette année, parle de“management participatif”. Etendu à tous les salariés, le système prend une apparence plus saine, plus égalitaire. Il est vrai que dans un secteur porteur où le marché de l’emploi est tendu, les experts sont rares et chacun des salariés de l’entreprise a son importance.

Le management participatif entend susciter fidélité, motivation et solidarité

Mais, dans ce cas de figure, les stock-options sont rarement offertes. Les salariés sont appelés à investir. L’esprit de la rémunération change. A l’instar des grandes entreprises, c’est la fidélité des collaborateurs qu’on rétribue… à terme. Il revient au conseil d’administration de décider si les options seront libérables au bout de deux, trois, ou cinq ans ?” cette dernière option étant la plus fréquente. Les salariés sont donc invités à parier sur l’avenir de l’entreprise. Agnès Chauvin, PDG du cabinet Temps Dense, y voit une “démocratisation de la prise de risque”. Pour gagner le pari, il faut être particulièrement motivé. Le degré d’implication est le troisième élément censé trouver sa récompense dans le dispositif.” C’est un formidable moteur de solidarité au sein de l’entreprise, souligne Etienne Normand. Les start-up vivent des hauts et des bas, des grandes périodes de stress. Les équipes se retrouvent toutes derrière le patron, en pleine adhésion avec la stratégie de l’entreprise. “L’engouement boursier, même victime de correction comme ces derniers temps, continue de rassurer. On a fait le bon choix.

Si les entreprises profitent du système, il y aura côté salariés peu d’élus et encore moins de gagnants

Mais pour combien de temps, pour qui et à quelle hauteur ? Le système a ses limites. La taille de l’effectif en est une.“Le procédé sera plus difficilement gérable passé le cap des deux cents personnes “, prédit Etienne Normand. Or, ces start-up vont grandir. “Je ne suis pas sûr de pouvoir tenir le même raisonnement quand mon entreprise atteindra trois cents personnes “, reconnaît Sébastien Crozier. A l’évidence, le principe n’est pas extensible à l’infini.Par ailleurs, la part du capital réservée au personnel est restreinte.“Des précautions s’imposent pour éviter un risque de dilution du capital qui pourrait effrayer les investisseurs, explique Antoine Aronin patron fondateur d’Algoriel. Cette part réservée est généralement de 5 à10 %, grand maximum. Et bien évidemment, encore faudra-t-il avoir fait le bon pari.” Le système peut capoter, prévient Etienne Normand. Il y aura de toutes façons des perdants. Tout le monde ne réussira pas comme Cisco. Si les appelés ne seront pas forcément nombreux, les élus le seront vraisemblablement encore moins. En attendant, c’est semble-t-il à l’entreprise que le système profite.

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Annick Le Berre