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Worldcoin : cryptomonnaie, passeport humain, confidentialité… tout savoir

Worldcoin compte protéger les individus des deux principaux problèmes de l’intelligence artificielle avec le scan de leur iris et une crypto-monnaie. Le projet dans lequel le créateur de ChatGPT Sam Altman s’est associé annonce son lancement officiel ce lundi. En trois ans de développement, soi-disant à l’ombre des regards, il accumule pourtant déjà 2 millions de membres dans 30 pays.

Le jour même où Elon Musk renommait Twitter en « X », son cofondateur Jack Dorsey se concentrait sur un autre dossier : le lancement public de Worldcoin. Avec Sam Altman, le cofondateur d’OpenAI qui a lancé au grand public ChatGPT fin 2022, ils ont donné le top départ d’une application et d’une crypto-monnaie visant à régler les deux principaux problèmes que pose l’intelligence artificielle : la menace des emplois et de la protection des données.

Worldcoin est donc à la fois une crypto-monnaie (aux ambitions qui rappellent étrangement le projet Libra de Facebook), une application mobile et une solution d’authentification biométrique par scan de l’iris. L’application associée s’appelle World App et vient d’être lancée à l’international, après une première phase de déploiement plus filtrée (mais déjà dans 30 pays). La société-mère qui contrôle l’ensemble est Tools for Humanity, dirigée par Alex Blania, un très jeune entrepreneur installé à San Francisco.

Alex Blania s’est associé dès le départ à Sam Altman, qui lui a offert une couverture médiatique importante et un gage de confiance. Le patron d’OpenAI fait maintenant la une de tous les journaux depuis le lancement de ChatGPT et Wordcoin n’aurait certainement pas pu voir le jour sans une figure de proue pareille. Pour lever des capitaux aussi, la société n’aurait sûrement pas réussi à attirer aussi vite et aussi tôt des fonds comme A16z, et déjà plus de 250 millions de dollars sous trois tours de financement à ce jour.

Mais l’implication de Sam Altman dans Worldcoin est surtout symbolique, car l’entrepreneur affirmait l’année dernière qu’il comptait bien mettre la priorité sur OpenAI dans son agenda. À l’image des arbres plantés pour compenser les émissions de CO2, Sam Altman veut donc faire de Worldcoin sa compensation face aux dégâts engendrés par l’IA.

Sauf qu’à travers le terme de « lancement » ce lundi, tout reste opaque. En plus d’être l’un des plus controversés des projets crypto du moment, il est aussi et surtout un vrai mystère : qu’est-ce qui est effectivement vraiment lancé, si ce n’est une nouvelle phase de communication ? L’application vise le milliard d’inscrit avant la fin de l’année, sans que les freins liés à la réglementation ne soient considérés…

worldcoin application
© Worldcoin

Le but derrière Worldcoin

Worldcoin voit dans le futur un besoin de plus en plus urgent de mettre en place une monnaie qui pourrait mener à la création d’un revenu universel. Celui-ci aiderait ceux qui ont perdu leur emploi à cause de l’IA à continuer de vivre dignement. Mais la distribution d’un revenu universel par une crypto-monnaie admet une autre limite : celle de l’authentification. Car un individu peut très bien posséder plusieurs portefeuilles blockchain et une machine peut se faire passer pour un être humain.

Une solution d’authentification forte était nécessaire et Tools for Humanity a choisi le scan d’iris pour y répondre. Un moyen de prouver son unicité et son humanité. L’enregistrement de la mesure ne peut pas se faire depuis un smartphone, il faut passer par la machine directement développée par le projet et appelée « Obs » pour y générer un « World ID ». Sous la forme d’une sphère argentée, elle aurait déjà permis à 2 millions d’utilisateurs de s’inscrire à Worldcoin dans le monde.

Mis à part la distribution d’un revenu universel, Worldcoin pense pouvoir faire de sa crypto-monnaie et de sa solution d’authentification deux produits clés pour la société de demain. Mais les ambitions et les moyens mis en place pour faire adopter le concept divisent fortement.

Ce que l’on sait de la crypto-monnaie de Worldcoin

La crypto-monnaie Worldcoin est la clé de voûte de la nouvelle société Tools for Humanity de Sam Altman. Après ses premières annonces en 2019, elle a lancé l’année dernière sa première phase de déploiement. Elle est inscrite sur la blockchain Ethereum malgré que très peu de détails soient donnés sur le fonctionnement même du jeton. La première phase de déploiement a libéré 100 millions de tokens, et on en compte 143 millions en circulation en juillet 2023. Au maximum dans 15 ans, le projet entend lancer 10 milliards de jetons.

Qui en possède aujourd’hui ? Pour se lancer partout, le projet Worldcoin a opté pour une approche simple : contre une inscription, chaque utilisateur empoche 25 jetons gratuitement. Puis l’application permet avec le temps de gagner plus de jetons. Aucun token n’a donc encore été échangé contre de l’argent et la crypto-monnaie ne figure sur aucune plateforme d’échanges crypto, mais Worldcoin compte bien finir par donner une valeur financière à un jeton. Beaucoup des nouveaux membres du projet Worldcoin se sont donc inscrits uniquement pour l’appât du gain.

De son côté, Tools for Humanity ne possède pas de jetons, mais la société a créé la « Worldcoin Foundation » et celle-ci détient toujours 20 % des jetons de la crypto-monnaie.

worldcoin obs scan iris
© Worldcoin

World ID, et le « passeport humain »

Word App, l’application qui sert d’interface à la gestion du portefeuille de crypto-monnaie des utilisateurs de Wordcoin, se veut être un « passeport humain » grâce au World ID. Le scan de l’iris est présenté par la société comme un moyen d’enregistrer des informations propres à un seul individu, qu’une intelligence artificielle ne pourra pas copier ou générer. Il sera, avec le World ID, à la fois possible d’échapper aux usurpateurs et aux robots.

Le projet Worldcoin présente aussi son passeport humain comme une solution anonyme, tant elle ne cherche qu’à prouver de l’unicité et de l’humanité – et non l’identité. Autrement dit, une fois le World ID généré, il permettra de « s’assurer que la personne est humaine, unique et vivante », sans révéler qui elle est. Il pourrait permettre ensuite d’être utilisé en guise de signature pour des documents et des contrats, un moyen unique pour s’inscrire sur un réseau social, ou encore permettre la mise en place d’une distribution de revenu universel, sans risque d’envoyer de l’argent deux fois à la même personne (ou à une fausse personne).

Pourquoi Worldcoin est-il si controversé ?

En plus d’avoir eu droit à une enquête par BuzzFeed en avril, le projet Worldcoin est certainement le projet crypto de ces trois dernières années qui soulève le plus de critiques. La structure même de l’entreprise qui se cache derrière est une vraie nébuleuse, entre Tools for Humanity et la Worldcoin Foundation.

La nébuleuse d’une organisation

La première a levé plus de 250 millions de dollars depuis ses débuts, capitalise plus de 3 milliards de dollars, mais explique bien sur son site n’avoir presque plus de pouvoir sur la mise en place et le fonctionnement de Worldcoin. La seconde serait « le gestionnaire initial du protocole qui soutiendra et développera la communauté Worldcoin jusqu’à que celle-ci soit autosuffisante », peut-on lire sur le site officiel du projet. Tools for Humanity et la Worldcoin Foundation seraient totalement indépendants l’un de l’autre. Difficile de comprendre donc qui est aux manettes.

Un milliard de membres

Les ambitions du projet participent à leur manière au problème. On ne parle pas ici d’une crypto-monnaiet et d’une application qui souhaitent prendre en maturité avec le temps, mais d’une technologie qui souhaite passer en force, et obtenir un milliard d’inscription unique (autrement dit de vraies personnes) avant même la fin de l’année. Tout projet d’une telle envergure ne peut que nourrir les craintes, mais par définition, Worldcoin ne peut faire autrement tant il veut faire de sa crypto-monnaie une monnaie universelle et de son World ID la référence pour prouver de son humanité.

L’utilisation des données personnelles

En passant par un scan de l’iris, la question des données personnelles s’impose. Que feront Alex Blania et ses équipes des données personnelles collectées et rattachées à des données d’identité ? BuzzFeed pointait déjà du doigt le souci en avril qui n’est toujours pas réglé : Worldcoin avait dit que les données personnelles seraient à termes totalement supprimées et les données biométriques seraient ainsi totalement anonymes, mais aucun calendrier ne permet d’en vérifier la réelle mise en place.

« Worldcoin est déjà aux prises avec une foule de problèmes, allant de la gestion d’opérateurs Orb en colère à des inquiétudes quant au fait que l’entreprise utilise sa crypto-monnaie comme moyen d’amasser des millions de données biométriques », pouvait-on lire dans l’enquête de BuzzFeed.

Le fonctionnement opaque de la crypto-monnaie

Sur le site de Worldcoin récemment mis à jour pour le lancement officiel du projet, la rubrique concernée au jeton numérique est encore très vide. On peut y trouver un encart informant que le prix d’un jeton sera prochainement révélé… Or à part savoir par une timide mention que la crypto-monnaie est basée sur la blockchain Ethereum, rien n’excplique vraiment le fonctionnement du WLD (Worldcoin token).

L’organisation définit son token comme « un jeton qui offre une utilité et donne aux utilisateurs un droit de regard sur l’orientation du protocole Worldcoin. Le WLD est le premier jeton à être distribué mondialement et gratuitement à des personnes simplement parce qu’elles sont uniques ».

Les freins de la réglementation

Enfin, la controverse de Worldcoin ne serait pas tant prononcée sans le risque de frein par des régulateurs. Que ce soit en termes de crypto-monnaie ou de gestion des données personnelles, le projet Worldcoin pourrait très vite faire face aux freins de la réglementation, et donc de devoir corriger ses ambitions à la baisse. Certains citaient par exemple le projet Libra de Facebook, qui n’a jamais atteint son objectif à cause des régulateurs. Et Worldcoin ne possède définitivement pas les mêmes capacités de lobbyisme qu’une société comme Meta.

Jusqu’à présent, la société s’est d’ailleurs bien gardée de signaler qu’aucun utilisateur inscrit ne provient des États-Unis (et de l’Amérique du Nord en général), où elle ne possède pas encore les accords nécessaires pour exercer.

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