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Valorisations : la net économie se cherche une boussole

Le lessivage des actions internet a assaini le marché. Les critères fantaisistes de valorisation sont balayés. Mais de nouveaux outils d’évaluation restent à inventer.

La crise boursière ne fait pas fondre que les capitalisations. L’ancien modèle d’analyse des valeurs des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) n’est plus valide : en quelques mois, le plongeon des valeurs télécom, des fournisseurs d’accès à internet (FAI) et des dot-com, a totalement disqualifié les méthodes d’évaluation fondées sur les portefeuilles d’abonnés, sans parler de celles reposant sur les pages vues.”Ces outils fort peu sophistiqués n’étaient apparus que pour justifier des cours aberrants, et qui concernaient des sociétés n’externalisant aucun bénéfice “, explique un analyste. Lorsque T-Online s’empare de Club-Internet, en février 2000, le FAI français est alors valorisé 6 000 euros l’abonné.Un Wanadoo ” vaut ” aujourd’hui 3 700 euros par abonné et Libertysurf moins de 1000 . La même mésaventure a fini de discréditer l’évaluation des portails par leur audience, tout comme la mesure des courtiers sur internet par le seul nombre de clients en portefeuille. Paradoxalement, la brutale retombée de fièvre a cassé le baromètre.Même la valorisation sur le chiffre d’affaires, commode pour des sociétés en croissance déficitaire, passe progressivement à la trappe, bien que les sociétés informatiques, les éditeurs de jeux vidéo et nombre de dot-com, soient encore ?” faute de mieux ?” pesés en terme d’activité. Notamment par comparaison avec leurs concurrents américains. Mais l’imprécision de la méthode rebute les professionnels.”Electronic Arts, le leader mondial, se paie cinq fois son chiffre d’affaires, Infogrames deux fois et demie. Et la plupart des autres valeurs américaines du jeu vidéo valent à peine une fois leur chiffre d’affaires. C’est un phénomène assez bizarre, je ne peux pas vraiment l’expliquer “, avoue, dépitée, une spécialiste du secteur.”Seuls les retardataires parlent encore en multiples de chiffre d’affaires. Les grands cabinets d’analyse anglo-saxons sont revenus aux PER (price earning ratios*) “, assure Olivier Cavrel, directeur général de Valtech. La société de conseil internet se paie plus de 110 fois ses profits 2000.

“Mais notre PER tombe à 50 pour 2001, et le consensus du marché nous accorde un taux de croissance des profits entre 60 et 80 % pour les deux exercices suivants. Au total, notre PEG [price earning growth, ndlr] est un peu inférieur à 1 “, plaide Olivier Cavrel. Le PEG est en fait un PER amélioré, qui prend en compte la croissance des bénéfices. Encore faut-il dégager des bénéfices.Pour les sociétés dans le rouge ?” c’est-à-dire la quasi-totalité des dot-com ?” la méthode des discounted cash flow, qui consiste à actualiser des cash flow annuels sur une longue période (de l’ordre d’une vingtaine d’années), pondérés par un coefficient lié au risque, prévaut aujourd’hui.Mais après la folie des années passées, et en attendant que les comptes de la net économie s’assainissent, les analystes, brocardés, doivent faire preuve d’un peu plus d’imagination. D’ores et déjà, les discours s’affinent, les grilles de lecture se diversifient. Les opérateurs télécoms ne sont plus jaugés au nombre d’abonnés, mais en fonction de leur ratio d’endettement, et des investissements à prévoir dans la téléphonie future.Et pour les équipementiers ? C’est la valeur d’entreprise ?” capitalisation plus dette financière nette, rapportées au chiffre d’affaires ?” qui s’impose comme le ratio le plus pertinent. Concernant les dot-com alignant pertes sur pertes, le cas par cas tend à devenir la règle. Le PER dit “ de sortie “?” le PER de la première année de bénéfice, ramené à l’exercice présent ?” tend à s’imposer dans la communauté financière depuis quelques mois.

Les réserves de carburant

De leur côté, les moins optimistes préfèrent s’attacher au cash burn rate, un indicateur qui mesure l’autonomie financière des entreprises en difficulté. L’idée étant de savoir combien de temps peuvent tenir ces sociétés sans solliciter à nouveau les investisseurs ? En réalité, la méthode revient peu ou prou à déterminer la valeur “ à la casse ” d’une société, une dot-com en faillite valant, au minimum, sa part de marché lors de son rachat.Pour le coup, on est loin des excès du début de l’année 2000. Trop loin, peut-être ? “ Il y a un effet de mode dans le comportement des investisseurs. Aujourd’hui, on brûle tout, comme si les TMT portaient la fièvre aphteuse “, regrette André Chassagnol, analyste chez IC Bourse. Ainsi, il y aurait de bonnes affaires en Bourse de Paris ? Sans doute mais à condition que les places européennes s’émancipent enfin du Nasdaq.” Il faut éviter les amalgames. Il est impératif que les sociétés européennes soient jugées en tant que telles, non pas en fonction de la valeur de leurs homologues américaines “, martèle un analyste. En attendant, c’est bien le marché parisien qui a réagi de travers, mercredi 21 mars, perdant près de 2,5 % à la mi-séance, face aux incertitudes générées par la réduction modeste de 0,5 point du taux de la FED. Les réflexes son tenaces.

(*) Price earning ratio : multiple calculé en divisant la capitalisation boursière d’une société par son résultat net consolidé ou le cours d’une action rapporté à son résultat.Des critères d’analyse qui “datent”



























































































































































































































































































































 Évaluation de dix entreprises représentatives (au 13 mars 2001) 
     capitalisation en Me      cours en euros     per(1) 2000     capitalisation sur CA en euros(2)     prix de l’abonné en euros  
                     
 Valeurs dites ” classiques ” 
                     
 Accor     9119     46     20,4     1,3     NS(3) 
                     
 BNP     40966     91,4     9,9     2,5     NS 
                     
 Renault     14879     62     13,7     0,3     NS 
                     
 Valeurs de la net économie 
                     
 Business Objects     2190     35,9     57     6,9     NS 
                     
 Fimatex     288     4,9     NS     3,5     2987 
                     
 Infogrames     1184     14,8     NS     1,7     NS 
                     
 Libertysurf      696     7,4     NS     11,4     870 
                     
 Orange      42000     8,8     NS     4,9     1400 
                     
 Wanadoo     8900     6,3     NS     8,1     3700 
                     
 Valtech     502     8     114     5,8     NS 
 
À côté du classique PER, toujours utilisé pour valoriser les entreprises de l’économie traditionnelle, les financiers ont usé d’autres outils pour jauger les sociétés en forte croissance de la net économie. Ces ratios, établis sur le chiffre d’affaires ou sur le portefeuille d’abonnés, sont aujourd’hui remis en question.

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Nathalie Brafman et Jean-Michel Cedro