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Uber Files : la commission d’enquête parlementaire confirme la relation opaque, mais privilégiée entre Emmanuel Macron et Uber

Le rapport de la Commission d’enquête publié ce mardi 18 juillet confirme les Uber files : il y a bien eu un « lien extrêmement privilégié » entre Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, et Uber. L’histoire pourrait se répéter aujourd’hui, les parlementaires dénonçant « toute l’incapacité de notre système pour mesurer et prévenir l’influence des intérêts privés sur la décision publique ».

Six mois de travail, 659 pages, 120 personnes auditionnées, et toujours cette question lancinante qui ne cesse de revenir tout au long du rapport de la commission parlementaire publié ce mardi 18 juillet : comment Uber a-t-il pu s’imposer aussi rapidement en France ? Une partie de l’explication vient de ces « liens étroits » entre Uber et Emmanuel Macron, lorsqu’il était ministre de l’Économie puis candidat à la Présidentielle, écrivent les parlementaires dont l’enquête a commencé en novembre 2022. Ces liens auraient même continué après l’élection, ajoutent les auteurs du rapport qui confirment bon nombre d’informations révélées pendant les « Uber Files ».

L’été dernier, un consortium international de journalistes dont Radio France et Le Monde avait montré comment la société Uber était parvenu à contourner les lois, bénéficiant de soutiens publics pour s’immiscer sur le marché du transport des personnes, jusqu’à devenir incontournable en France et dans le monde. Des éléments confirmés par la commission d’enquête qui écrit « qu’Uber a pu trouver des alliés au plus haut niveau de l’État ». « Au premier rang de ces soutiens figure M. Emmanuel Macron, un ministre de l’Économie prêt à défendre les intérêts des plateformes de VTC, avec lequel Uber a entretenu des liens extrêmement privilégiés », souligne la commission parlementaire.

« Une grande opération de manipulation »

Pour preuve, l’existence d’une « grande opération de manipulation », un marché conclu entre Emmanuel Macron et Uber, selon lequel le nombre d’heures de formation nécessaires pour devenir chauffeur Uber aurait été sensiblement réduit – passant de 250 à 7 heures – en échange de l’interdiction d’UberPop. Ce système de covoiturage avait été lancé en 2014 et maintenu jusqu’à l’été 2015 malgré son caractère « totalement illégal et dangereux », écrit la commission d’enquête. Il permettait à toute personne ayant son permis de conduire de devenir chauffeur de VTC. Les auteurs s’appuient également sur l’existence de SMS montrant qu’Emmanuel Macron aurait invité Thibaud Simphal, le directeur général d’Uber France, à dîner. « L’intensité des contacts entre Uber, Emmanuel Macron et son cabinet témoigne d’une relation opaque, mais privilégiée, et révèle toute l’incapacité de notre système pour mesurer et prévenir l’influence des intérêts privés sur la décision publique », déplorent les auteurs du rapport.

Car outre cette relation, c’est aussi l’incapacité de l’État à faire respecter la loi qui est dénoncée par la commission d’enquête. L’histoire pourrait-elle se répéter ? Peut-être au vu de ces deux lois, censées encadrer la plateforme de VTC, dont aucune n’aurait atteint son but – la loi Thévenoud (2014) et la loi Grandguillaume (2016), ne seraient, encore aujourd’hui, toujours pas totalement appliquées, rapportent nos confrères du Monde. Or, les conséquences du développement d’Uber ont été non seulement  « néfastes pour l’ensemble des acteurs du secteur du transport public particulier de personnes (chauffeurs de taxis, chauffeurs de VTC et leurs clients) », écrivent les auteurs du rapport. Mais « elles se sont traduites en pertes pour la société toute entière liées au non-paiement de l’impôt sur les sociétés et des cotisations sociales ou à l’impact négatif sur l’environnement », regrettent-ils.

Une série de recommandations comme la présomption de salariat

Ces derniers dénoncent aussi l’ubérisation qui s’est étendue ensuite à de nouveaux secteurs comme la livraison et le travail temporaire. S’en sont suivies une « extrême précarisation des travailleurs (…) et une menace montante constituée par l’accumulation de données par ces plateformes et les pratiques induites par le management algorithmique », écrivent les parlementaires. Point à noter, la dissonance entre le président de la commission d’enquête, Benjamin Haddad, et la rapporteure, Danielle Simonnet.  Ces deux figures aux profils politiques opposés, le premier étant un député Renaissance et la seconde une député LFI, ne partagent pas le même avis. Benjamin Haddad écrit ainsi, dans son avant-propos du rapport : « la commission d’enquête a démontré dans le détail qu’aucun conflit d’intérêt, aucune contrepartie, aucun accord secret ou manquement au devoir des acteurs publics n’avait présidé à ces décisions ».

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La rapporteure liste pour sa part une série de recommandations qui pourraient changer la donne et éviter qu’une telle situation se reproduise. Parmi les 72 préconisations, le fait de rendre publics les meetings entre lobbyistes et parlementaires ou membres du gouvernement, ou la mise en place d’une présomption de salariat pour les chauffeurs Uber, considérés aujourd’hui comme des indépendants. C’est pourtant la position inverse qu’a choisi de défendre Elisabeth Borne, qui était auditionnée en tant qu’ancienne ministre des Transports par la commission d’enquête. Selon celle qui est aujourd’hui Première ministre, les chauffeurs Uber préféraient être indépendants plutôt que salariés – un argument justement répété à l’envi par les plateformes de VTC ou de livraison.

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Source : Rapport de la Commission d'enquête parlementaire publié le 18 juillet 2023


Stéphanie Bascou
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