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Tunnel Falls : Intel lance son premier processeur quantique

Après avoir développé un contrôleur de puce, puis lancé un kit de développement, Intel lance enfin son premier processeur quantique public. Appelé Tunnel Falls, ce processeur de seulement 12 qubits de spin porte en lui la promesse d’une montée en puissance plus rapide que ses concurrents à supraconducteurs.

Intel enfile enfin les gants dans le domaine quantique ! Le champion des puces « classiques » de PC annonce aujourd’hui son processeur quantique disponible, Tunnel Falls. Une puce de seulement 12 qubits, donc bien plus modeste en termes que celles d’IBM : Osprey lancé en fin d’année dernière affiche premier 433 qubits et Condor, prévu pour cette année, en aura 1121. Mais Intel assure, par la bouche du chef de sa partie hardware, James Clarke, que « c’est le bon moment pour commencer à lancer des puces. Les processeurs quantiques commerciaux auront en effet besoin de millions de qubits. Et nous savons très bien monter en puissance ».

Tunnel Falls est le premier processeur quantique officiel qui sort des laboratoires d'Intel. Intégrant 12 qubits de spin, il est avant tout conçu pour passer dans les mains des universitaires. © Intel
Tunnel Falls est le premier processeur quantique officiel qui sort des laboratoires d’Intel. Intégrant 12 qubits de spin, il est avant tout conçu pour passer dans les mains des universitaires. © Intel

L’atout qu’Intel est persuadé maîtriser tient dans la nature de ses qubits. Si les 12 « points quantiques » (lire plus loin) de sa puce semblent modestes, ils cachent un avantage potentiel : ils sont produits à partir des méthodes CMOS, celles que toute l’industrie des semi-conducteurs classiques utilise pour produire aussi bien des capteurs ou des processeurs. Comprendre ici qu’Intel compte tirer profit de son savoir-faire et son appareil industriel de production à haut volume (et aux hauts rendements !) pour pouvoir faire la différence.

Une puce gravée avec les procédés de l’industrie actuelle des semi-conducteurs

Types de qubits

 

Dans sa présentation, Intel a présenté une diapositive intéressante qui récapitule les différents types de processeurs quantiques. Et c’est notamment son choix technique qu’Intel défend et présente en avantage comparatif par rapport aux autres. Tandis que des grands noms comme IBM ou Google ont opté pour la technologie dite de qubits supraconducteurs, Intel a fait le choix des spins qubits. Une conception de la puce qui s’appuie sur une fabrication de semi-conducteurs classiques. C’est-à-dire que ces processeurs sont produits à partir de wafers de silicium comme les processeurs « normaux ».

Lire aussi : Tous les secrets du wafer, la galette magique à la base de toutes les puces (février 2023)

« Les puces Tunnel Falls que nous allons mettre à disposition des universitaires sont fabriquées dans l’Oregon, dans notre usine de pointe D1X. Nous avons dédié toute une ligne de production avec nos machines les plus avancées pour produire ces puces en nombre », explique James Clarke. Ce qui est pour lui un atout majeur de la technologie. « Il y a encore énormément de chantiers qui animent le quantique, comme la correction d’erreur, etc. Mais chez Intel, nous sommes persuadés qu’il faudra attendre d’avoir des machines qui atteignent la magnitude de plusieurs millions de qubits pour être intéressantes. Et selon nous, notre maîtrise de la production de masse des puces de silicium est un atout majeur », assure l’ingénieur en chef.

Il faut dire que, fait unique à notre connaissance, Intel communique très clairement sur le taux de rendement de la production de ses qubits. « Notre savoir-faire dans la production de masse est notre avantage », martèle James Clarke. « Nos puces quantiques sont fabriquées avec des procédés EUV à la pointe sur des wafers de 300 mm. Et Tunnel Falls affiche déjà un rendement de 95 % de qubits fonctionnels », s’enthousiasme-t-il. Ce à quoi il ajoute que la technologie même de qubits de spin est un avantage. « Il faut compter environ trois jours pour abaisser la température des qubits à supraconducteurs afin de les tester. Nous pouvons faire ça dans la journée avec nos processeurs à qubits de spin. Ce qui est, là encore, un avantage très important », assure-t-il.

En clair : Intel affirme pouvoir produire plus et tester plus vite les qubits. Un gain de temps et de rendement qui se traduit, mécaniquement, par des économies financières en bout de chaîne.

Des points quantiques aux qubits

Tunnel Falls est le premier processeur qui sort des laboratoires d’Intel et il est destiné, dans un premier temps, « à toutes les universités qui voudront le tester et avancer avec nous », explique Intel. À ce titre, son nombre de qubits modeste n’est pas un handicap, car il est là pour défricher – et son successeur est juste derrière, « les premières puces de la future génération sont actuellement tape-out (1) », nous explique J. Clarke.

Lire aussi : Intel dévoile Horse Ridge II, sa seconde génération de contrôleur de processeur quantique (décembre 2020)

Outre les dimensions de travail physique (réfrigération), de contrôle (Intel a sa propre puce, Horse Ridge 2) ou encore de développement logiciel grâce au SDK lancé par Intel en début d’année, l’entreprise veut aussi que le monde universitaire l’aide à savoir quelle est la meilleure façon d’utiliser le potentiel de sa puce, comme nous l’explique Ravi Pillarisetty, ingénieur sénior du hardware quantique chez Intel. « Nous attendons de nos partenaires académiques qu’ils nous aident dans l’intégration de la puce. Quelle est sa fidélité, son taux d’erreurs, les défauts, etc. Tant au niveau de la physique même que des résultats obtenus. De manière à nous aider à savoir où déployer le plus d’énergie et de ressources là où il en a le plus besoin », explique le spécialiste.

« De plus, nous voulons déterminer quelle est la manière la plus pertinente d’utiliser nos points quantiques. Il faut que vous les considériez comme des transistors avec un seul électron sous leur contrôle. Or, il y a plusieurs manières de les piloter : considérer chaque point quantique comme un seul qubit, ou les coupler par deux, trois ou quatre pour former des groupes. Afin, par exemple, de corriger les erreurs à la volée », explique le chercheur-ingénieur.

(1) : un tape-out signifie la première fournée de puces produites. Des puces qui servent à corriger et à valider les méthodes de fabrication.

Une cible universitaire dans un premier temps

Si Intel communique pour la première fois avec autant d’assurance sur sa stratégie quantique, cela ne veut pas dire que l’américain pense que son aventure quantique est gagnée ou sera une partie de plaisir. « Notre approche est de faire en sorte que nos unités quantiques apparaissent et se pilotent comme des CPU. Mais nous sommes très loin d’arriver à cela. Il y a de nombreux problèmes à résoudre ! Qu’il s’agisse de la manière de piloter les points quantiques, d’améliorer la fiabilité, de cartographier les corrections d’erreur à appliquer ou encore d’intégrer directement les éléments CMOS de contrôle au plus près de la puce pour éviter les goulets d’étranglement actuels », relate Ravi Pillarisetti. « Le chemin est long, mais nous avons une vision pour assurer la montée en puissance (2) ».

Un avis partagé par son chef : « Chez Intel, nous pensons que nous sommes bien à 10-15 ans des applications commerciales qui auront une vraie valeur commerciale pour les utilisateurs. », assure James Clarke. « L’histoire de l’ordinateur quantique en est à ses balbutiements. Et si nous allons développer tous les éléments pour vendre des solutions totales clés en main, pour l’heure, le développement matériel passe en premier. Et pour cela, nous avons besoin des universités », explique-t-il. Avant d’ajouter qu’il croit que les universités, elles aussi, ont besoin d’un acteur comme Intel.

Interrogé sur la nature de ce que l’entreprise à offrir au monde académique, James Clarke en rajoute une couche sur les capacités de production d’Intel qui restent, selon lui, un avantage primordial. « Concevoir et produire une puce quantique consomme beaucoup de temps, d’argent et d’énergie. Et les rendements sont mauvais. Avec notre appareil industriel, nous pouvons livrer rapidement des puces de qualité aux chercheurs. Qui n’ont alors plus à qu’à se concentrer sur la meilleure manière de les dompter ».

Quid du coût de la puce, nous direz-vous ? « Il n’y a pas de question d’argent », souri l’ingénieur. « Pour l’heure, la première phase du partenariat concerne cinq universités (Wisconsin-Madison, Rochester, Sandia National Laboratories, LPS et LQC). Mais nous sommes ouverts à toutes les collaborations et livrerons les puces à toutes celles qui veulent travailler avec nous. À ce point de l’histoire du quantique, on ne cherche pas à faire de l’argent, mais à accélérer la recherche et l’industrie. » Et quoique parti après IBM, Intel est persuadé que c’est sa puissance industrielle qui lui donnera l’avantage.

(2) : exprimée lors de l’interview pas l’intraduisible « scale up » !

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Votre opinion
  1. Je repose une xieme fois ma question favorite, pourquoi les ordinateurs quantiques sont-ils toujours suspendus plutôt que posés au sol ?

    1. Réponse de ChatGPT :
      Les ordinateurs quantiques sont généralement suspendus ou installés dans des systèmes de refroidissement spéciaux pour des raisons de stabilité et de protection contre les interférences externes. Voici quelques explications :

      Stabilité : Les ordinateurs quantiques nécessitent un environnement extrêmement stable et contrôlé pour fonctionner correctement. Les vibrations, les variations de température et d’autres perturbations peuvent altérer les qubits (les unités de traitement quantique) et entraîner des erreurs dans les calculs. En suspendant les ordinateurs quantiques, on réduit les vibrations et les perturbations provenant du sol, améliorant ainsi la stabilité du système.

      Interférences électromagnétiques : Les ordinateurs quantiques sont très sensibles aux interférences électromagnétiques. Les signaux électriques et magnétiques provenant de l’environnement environnant peuvent perturber les qubits et fausser les résultats des calculs. En suspendant les ordinateurs quantiques, on réduit l’exposition aux interférences électromagnétiques du sol et d’autres sources.

      Refroidissement : Les ordinateurs quantiques nécessitent des températures extrêmement basses pour fonctionner. Les qubits sont souvent des systèmes quantiques qui doivent être maintenus proches du zéro absolu (-273,15 °C) pour minimiser les effets de décohérence. En suspendant les ordinateurs quantiques, on peut utiliser des systèmes de refroidissement spécialisés, tels que les réfrigérateurs à dilution, qui fournissent les températures nécessaires sans être en contact direct avec le sol.

      Cependant, il est important de noter que la configuration physique des ordinateurs quantiques peut varier en fonction des implémentations spécifiques et des technologies utilisées. Il est possible que dans certains cas, les ordinateurs quantiques soient posés au sol ou placés dans des structures spéciales pour répondre aux exigences de leur fonctionnement.

    1. A mon avis en matière de R&D nous avons de quoi faire pour ne pas se laisser distancer. Mais actuellement dans le domaine du quantique hardware notre niveau industriel est proche de zéro. En conséquence nous avons opté pour le coté “software” de la chose en laissant le “hardware” à ceux qui en ont les moyens. En France, nous n’en avons ni les moyens financiers, ni suffisamment de compétences techniques pour le moment (…). A mon avis ce secteur nécessite une collaboration Européenne pour être compétitif et performant. La France n’a pas la puissance qu’il faut pour faire tout ça seule (Nous ne sommes pas les USA ou la Chine). C’est triste mais c’est un fait. Ceci dit le coté logiciel à ses avantages, déjà nous sommes très bon en développement soft, l’investissement financier est négligeable (par rapport à une unité de production hardware). Ce qui nous permet un retour sur investissement “rapide” tout en nous maintenant à jour coté théorique/coding/outils de dev. et donc un peu aussi sur le coté hardware du moment. A terme nous aurons malgré tout quelques “Q puces” hautes performances made in France mais seulement pour quelques secteurs bien précis. Seule alternative la collaboration Européenne (type AIRBUS), perso je ne vois que cette piste pour être compétitif sur des Q-solutions “hardware” face aux géants industriels que sont les USA et la Chine.

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