Passer au contenu

Télé réalité rime avec rentabilité

Loft Story 2 en est la preuve : producteurs, diffuseurs et opérateurs sont devenus maîtres dans l’art de décliner des concepts d’émission pour transformer les spectateurs en consommateurs.

Contre toute attente, Loft Story 2 mobilise le public, et ce malgré une actualité politique sans précédent. Un peu plus de 5,5 millions d’individus (âgés de 4 ans et plus) ont regardé le troisième prime time (heure de grande écoute) de Loft Story 2, le jeudi 25 avril dernier. M6, la semaine précédente, réunissait quasiment la même audience.Depuis le lancement de son programme, la chaîne flirte avec les 40 % de part de marché auprès des moins de 50 ans sur la tranche horaire de Loft Story. Quant aux trois opérateurs de télévision numérique partenaires (TPS, CanalSat et Noos), ils ont totalisés, au 25 avril 2002, 240 000 abonnés sur les trois canaux ” 100 % voyeurs “, qui diffusent 22 heures sur 24. C’est deux fois plus que l’année précédente, où seul TPS proposait ce type d’abonnement. Selon M6, le Web profite également d’une exceptionnelle deuxième saison, avec 1,1 million de visiteurs quotidiens.On croyait que les aventures du loft lasseraient, il semble que non. Et la chaîne, qui aurait empoché trois fois son investissement de départ sur la première saison, soit 50 millions d’euros, a de quoi se réjouir pour la suite.

Le cinéma à la télévision ne paie plus

” Qu’est ce qui est rentable ? C’est la première question à se poser avant de financer un programme. Et bien aujourd’hui, ce sont les fictions bon marché et les divertissements de télé réalité “. Interrogé à Cannes lors du MIP TV, Desmond Monaghan, le directeur exécutif de la société de production australienne ScreenTime Pty Limited ?” qui se charge de PopStars dans une quarantaine de pays ?” dresse un portait du paysage télévisuel mondial, où le programme événementiel domine tous les genres.La télé réalité est une aubaine pour les diffuseurs et les producteurs, mais aussi pour les opérateurs de téléphonie. Et ce grâce à la création de tout un éventail de services interactifs et aux revenus (pas si) annexes qui en découlent : abonnements, rétribution sur les votes téléphoniques, disques dérivés, magazines… Un point de vue partagé par Bill Wilson, fondateur et PDG de ECM Group, distributeur de Qui veut gagner des millions ou encore du Maillon faible.” La télévision n’est peut-être plus le lieu privilégié pour diffuser des fictions. Pour cela il y a les vidéo club, le cinéma et bientôt la vidéo à la demande, observe t-il. Nous devons réfléchir à de nouveaux concepts alliant jeu et information. Savez vous qu’en Grande Bretagne, les 16-24 ans s’échangent quotidiennement 7 millions de SMS ? Il faut penser à cela. Pourquoi ne pas inventer un jeu mondial interconnecté ? “Il est vrai que de l’autre côté du channel, on se remet à peine du succès phénoménal de Pop Idol, qui a inspiré de Star Academy. Un modèle du genre qui, à peine terminé, rempile pour une nouvelle saison.

Marketing Project pour BMG

Quelque 14 millions de téléspectateurs en moyenne sur les prime time, 32 millions de votes sur la dernière semaine du show, 90 millions de ” tentatives de vote ” en une minute, le soir de la finale. ” L’opérateur téléphonique BT n’avait jamais vu cela “, s’amuse Simon Spalding, directeur général des licences chez FreeMantle, distributeur de Pop Idol.La Grande-Bretagne a vibré pour un show musical mené tambour battant par… BMG records (Bertelsmann) pendant 18 semaines. ” La maison de disques avait une idée simple. Montrer comment un artiste pouvait devenir une star par la seule volonté du public “, explique Richard Holloway, directeur des divertissements chez Thames UK Productions-FreeMantle Media, la société qui s’est chargée de la production. Ou comment orchestrer la plus grande opération marketing musicale. Très vite, 10 000 candidats ont été auditionnés, pour n’en retenir qu’une poignée.ITV s’est déclarée intéressée pour diffuser à la fois sur ITV1 la vingtaine d’épisodes prime time du show et sur ITV2, la vie des candidats (3 heures sur 3 jours de la semaine). Sur Vizzavi.co.uk, les internautes ont pu suivre les pérégrinations des candidats. Au bout du compte, BMG Records empoche les recettes musicales des artistes, notamment Will Young le vainqueur (2 millions de disques vendus) et Gareth Gates, le second, dont le single a franchi la barre des 4 millions d’unités vendues.Freemantle s’est contentée des bénéfices annexes (téléphone principalement). Un seul chiffre : 9 millions de votes téléphoniques le soir de la finale à 10 pence l’appel, soit 0,9 million de livres sterling, un peu moins de 1,5 million d’euros. Et le programme est reconduit pour une nouvelle saison en Angleterre avec cette fois, probablement, de la vidéo payante sur le Web ou encore du ” voting ” par SMS.En attendant, Pop Idol s’est invité en Pologne,
où le démarrage est bon, comme en Afrique du Sud. Et cet été, Pop Idol arrive aux Etats-Unis sur Fox ! “, se réjouit Stephanie Hartog, chargé des acquisitions de produits de loisirs chez FreeMantle. Particularité de ce show, BMG est partenaire exclusif à l’international. Autrement dit, la bande originale du concept reste la même pour tous les territoires mondiaux… Bientôt, l’humanité dansera sur une ” Pop Idol Song ” , alimentant un peu plus encore la polémique sur les dérives culturelles de la mondialisation.

Exception française ?

Exit Pop Idol. Chez nous, la ” VF ” s’appelle Star Academy 2, une affaire très juteuse pour TF1. La première édition, selon l’Idate, aurait ainsi rapporté à la Une la bagatelle de 79 millions d’euros. Là encore, le public a répondu présent avec 11,8 millions d’individus scotchés devant leur écran le soir de la dernière, tout en montrant moins d’implication que le public britannique.En effet, TF1 aurait enregistré, toujours selon les estimations de l’Idate, 1,2 million de votes en moyenne sur les trois derniers prime time. On est loin des 9 millions de vote de Pop Idol. Mais la chaîne, présidée par Patrick Le Lay, grand opposant de la Real TV aux premières heures de Loft Story, a visiblement laissé ses convictions de côté, privilégiant le pragmatisme de marché.Ainsi, dès cet été, non seulement la chaîne s’apprête à réexpédier une poignée de volontaires sur une île déserte (Koh Lanta 2) mais aussi à semer la zizanie dans les ménages avec une déclinaison de Temptation Island : quatre couples, non mariés, se séparent en deux camps (filles d’un côté, garçons de l’autre) où une trentaine de célibataires plus qu’avenants mettront leur fidélité à rude épreuve. Nul doute que e-TF1 saura commercialiser les web-vidéos des frasques des tourtereaux, tandis que Bouygues Telecom relaiera minute par minute l’ampleur des ébats par SMS, pour le plus grand plaisir de ses abonnés.De quoi reléguer Loft Story au rang de feuilleton érotique ringard du dimanche soir. Les déambulations lascives d’une Lesly et les plans rapprochés sur les attributs mammaires en sortie de douche seraient donc encore trop furtifs pour satisfaire l’?”il devant l’écran-serrure. A quand les caméras dans les sous-vêtements ?

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Amaury Mestre de Laroque