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Spip en pleine crise de croissance

Séduites par cet outil de publication sur le Web, les administrations françaises contribuent fortement au développement de Spip. Au risque de s’écarter définitivement de la ligne fixée par la communauté à l’origine du
logiciel.

C’est LE succès emblématique du logiciel libre à la française. Et un succès de plus en plus difficile à gérer. Développé du côté du Monde diplomatique, Spip est devenu au fil des ans le logiciel de référence pour les associations, collectivités, administrations et entreprises désireuses de se doter d’un système de publication d’informations pour leur site Web. Avec la caractéristique des logiciels libres : les utilisateurs mettent à disposition de la communauté leurs propres développements et améliorations.

De très gros sites comme ANPE.fr ou la prochaine version du site du Premier ministre, disponible dans les prochaines semaines, utilisent Spip. Mais pas le Spip officiel, plutôt une version évoluée du nom de Spip Agora et développée par le Service d’information du Gouvernement (SIG), en charge du site du Premier ministre.

Moins cher et simple d’emploi

Nous avons fait le choix du logiciel libre parce qu’il coûte moins cher, qu’il évite de repartir de zéro et permet de gérer les développements de manière collective ‘, explique Benoît Thieulin, le responsable de son département multimédia. Au sein des outils open source de publication de contenus, Spip a été retenu parce qu’il a été conçu par des éditorialistes, pas par des développeurs, qu’il est facile à prendre en main et ne demande pas de connaissances particulièrement complexes pour évoluer ‘.

Mais, à l’origine conçu pour des sites simples, Spip a dû être étoffé. Sont ainsi apparus dans la version Spip Agora une meilleure gestion des mots-clé, des contributions dans les forums, un moteur de recherche plus solide et des autorisations de publication améliorées.

Des sites comme internet.gouv.fr et retraites.gouv.fr l’utilisent déjà. Et, depuis décembre 2003, celui de l’ANPE. Un choix évident pour Thierry Raffin, le responsable du portail. En mai 2003 a été prise la décision de la sortie d’une nouvelle version du site au 1er décembre. Nous avons regardé du côté des éditeurs, dont les solutions étaient toutes trop chères. D’où le choix de Spip Agora, que nous avons récupéré, débuggé et amélioré.

‘ Un écueil psycho-idéologique ‘

L’utilisation préalable du logiciel par de gros sites publics a rassuré la direction informatique de l’ANPE, sensible à ce label ‘ administration inside ‘. Mais a inquiété la communauté Spip. Bien que le code source de Spip Agora ait été rendu public (en licence GPL) il y a trois mois, rien n’indique qu’il sera automatiquement intégré dans le Spip 2 à venir. Pour qu’un logiciel libre évolue, il ne suffit pas que des utilisateurs publient leurs contributions, il faut aussi que les concepteurs de l’outil de base acceptent de les intégrer. Et là, juge Thierry Raffin, il y a un écueil psycho-idéologique. D’abord parce que certains créateurs de Spip ont le sentiment d’être dépossédés. Mais aussi parce que la communauté du libre se réclame d’une certaine vision du monde, et peut avoir du mal à suivre des évolutions en provenance d’une grosse administration.

Ce à quoi il faut ajouter un obstacle stratégique. Les concepteurs de Spip ont volontairement mis au point un outil très simple, une facilité d’usage qui pourrait être contrariée si on y intégrait trop les desiderata de grosses institutions. Aujourd’hui, la discussion entre les camps Spip et Spip Agora en est au point mort. Avec, selon Benoît Thieulin, un risque de gâchis énorme sil y a lutte entre ces deux communautés ‘. Celui de la fin de la mutualisation des développements Spip, base du succès de tout logiciel libre.

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Ludovic Nachury