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SMSI : la Société de l’information dans l’impasse

Dialogue de sourd entre Nord et Sud sur le financement des nouvelles technologies et la liberté d’expression sur Internet. Le premier Sommet mondial de la société de l’information (SMSI) présente tous les symptômes
d’un rendez-vous manqué.

Le grand raout onusien sur la société de l’information va-t-il tourner au fiasco ? Le premier volet du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) s’est ouvert mercredi 10 décembre à Genève. Devant un parterre
de chefs d’états et de gouvernements, Kofi Annan s’est évertué à prononcer un discours rassurant.Le secrétaire général des Nations unies a ainsi exhorté les 175 pays réunis à Genève à mettre les technologies de l’information au service de la démocratie, rapporte l’AFP.Il a rappelé que la ‘ liberté d’opinion et d’expression est la pierre angulaire du développement, de la démocratie et de la paix ‘. Mais cette allocution peine à dissimuler le demi-échec
des négociations de préparation au SMSI. Ces pourparlers ont débouché sur un projet de déclaration de principe et un plan d’action qui, à force de vouloir ménager la chèvre et le chou, donne dans le consensus mou.Résultat : les débats sur la liberté d’expression, la ‘ gouvernance de l’Internet ‘ ou le financement des technologies de l’information dans les pays en voie de développement ont été
discrètement mis sous le tapis.Certains dirigeants étaient par principe opposés à la libre circulation de l’information sur Internet. La question de la liberté de la presse n’est plus abordée que de manière sibylline par une simple référence à l’article 19 de la
Déclaration universelle des droits de l’homme.La ‘ gouvernance de l’Internet ‘ aujourd’hui assurée par l’Icann (Internet corporation for assigned names and numbers) posait aussi problème. Sur ce point, les Etats
ont jugé qu’il était urgent d’attendre et ont décidé de reporter les décisions concrètes au second volet du SMSI, qui doit se tenir en 2005, en Tunisie.Enfin, à un moment où les pays pauvres ont plus que jamais besoin d’une main tendue des pays riches pour développer les technologies de l’information, l’Afrique, emmenée par le président sénégalais
Abdoulaye Wade, proposait la création d’un fonds de solidarité numérique.

La réduction de la fracture numérique devra attendre

De cette initiative, il ne reste aujourd’hui plus grand chose. Tout juste un ‘ calendrier pour la solidarité numérique ‘ qui ‘ prévoit simplement que l’Union
européenne, le Canada et le Japon étudieront d’ici à décembre 2004 l’utilité d’un tel fonds ‘
, a précisé Marc Furrer, chef de la délégation suisse aux réunions préparatoires, dans des propos rapportés par l’AFP.Concrètement, dans l’immédiat, le continent africain est invité à financer lui-même la réduction de la fracture numérique, qui l’éloigne chaque jour un peu plus des pays riches. Le camouflet est de taille pour tous ceux qui avaient,
peut-être naïvement, placé un peu d’espoir dans le SMSI.Parmi les chefs d’Etat et de Gouvernement, on ne compte plus les désistements (Gerhard Schroeder pour l’Allemagne, Luiz Inacio Lula Da Silva pour le Brésil…). En revanche, certains autocrates, mis au banc d’une partie de la
communauté internationale, tel le président du Zimbabwe, Robert Mugabe, ont fait le déplacement à Genève.Aujourd’hui, le seul document constructif est sans doute la déclaration de principes et le plan d’actions élaborés par les responsables locaux (maires…) du monde entier à l’issue du Sommet mondial des villes, qui s’est tenu les 5
et 6 décembre derniers à Lyon. Ce document sera présenté aux chefs d’Etat et de Gouvernement présents à Genève.Il prône le développement de programmes de coopération centralisés entre les villes et les régions. Il reconnaît la liberté de communiquer, l’accès égalitaire aux connaissances, et la solidarité numérique pour lutter contre l’exclusion.Et constitue, in fine, une véritable lueur d’espoir pour atteindre d’ici à 2015 l’ambitieux objectif que se sont fixé les Nations unies : connecter lensemble des villages de la planète à Internet. Un défi que
les élus locaux seront sans doute plus à même de relever que des Etats aux positions inconciliables.

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Philippe Crouzillacq