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Serge Tchuruk (Alcatel) : ‘ La phase de déclin de notre marché s’est achevée ‘

A la tête de l’un des plus importants équipementiers télécoms mondiaux, Serge Tchuruk compte parmi les rares patrons du secteur à avoir survécu à la bulle Internet. Au prix fort, il a dû adapter Alcatel aux aléas du marché
en conservant l’aspect généraliste de son groupe.

En consacrant 13 % de son chiffre d’affaires à la R&D, Serge Tchuruk donne la primeur à l’innovation au sein de son groupe sur un éventail de marché ultraconcurrentiel. Omniprésent dans l’accès, actif
dans l’univers IP, leader dans l’optique, et jouant des coudes dans les mobiles… Alcatel poursuit sa voie d’industriel télécoms généraliste.Comptant, comme ses concurrents, sur un rebond du marché, le numéro un d’Alcatel estime disposer de toutes les cartes pour renouer avec la croissance ?” tant sur le marché des entreprises que sur celui des opérateurs.
Entré dans la course de la 3G plus tardivement en Europe, il pousse peu à peu ses pions, misant surtout sur le formidable essor attendu du côté de la Chine.(Propos relus et amendés par Alcatel.)01 Informatique : Plutôt que de se recentrer sur un seul métier, Alcatel a préféré conserver un large spectre d’activités. N’est-ce pas dangereux ? Serge Tchuruk : Contrairement à d’autres, Alcatel a conservé un c?”ur d’activités relativement large. Nous avons poursuivi en 2003 notre politique d’acquisitions en nous concentrant sur des
achats ciblés, comme Timetra dans l’IP ou Packet Video dans les middlewares vidéo pour télécommunications mobiles. Rester replié sur soi-même ne pardonne pas, dans notre domaine. Si nous avons réussi à passer le cap difficile de la crise,
c’est aussi parce que nous avons maintenu un niveau de R&D élevé. Nous lui consacrons aujourd’hui 13 % de notre chiffre d’affaires.Mais vous n’avez pas évité une sévère cure d’amincissement…
A l’image d’autres groupes du secteur télécoms, nous avons été contraints d’affiner notre taille ?” de cent vingt mille salariés en fin 2000 à cinquante-cinq mille en fin 2004 ?”, le marché
s’étant contracté de plus de 60 %. Nous avons su adapter l’entreprise sans casser sa dynamique. Toutefois, la réduire de moitié n’a pas été une tâche facile. Aujourd’hui, la phase de déclin de notre marché
s’est achevée. Nous sommes dans une période de stabilisation. Le rebond se fait progressivement sentir. Aux Etats-Unis, tout d’abord, mais l’Europe devrait suivre dans la foulée, puis l’Asie-Pacifique.Pensez-vous avoir négocié à temps le virage de la voix sur IP ? Un tiers de nos livraisons de PABX sont constituées de produits hybrides TDM et IP. Nous participons donc pleinement à la croissance importante que connaît le marché de la téléphonie sur IP en entreprises. Nos solutions devraient
poursuivre leur implantation au sein des grandes entreprises, les premières à pouvoir prendre en charge des projets importants d’intégration d’applications mêlant voix, données et vidéos sur IP. Côté opérateurs, la voix sur IP fait
partie de leur panoplie. Ils feront peu à peu migrer les grands réseaux. Pour l’instant, ils en sont à se demander dans quelles circonstances il faut encourager la voix sur IP plutôt que la freiner. Mais ils finiront par y aller. Tout est une
question de temps.N’avez-vous pas l’impression d’avoir déjà manqué le virage de la 3G ?A l’époque où les premiers contrats ont été attribués, Alcatel ne disposait pas d’offre en 3G. Nous avons pu combler ce retard grâce, notamment, à notre accord avec Fujitsu. Aujourd’hui, notre offre se situe parmi
les meilleures du marché. Même si les places sont souvent déjà occupées, nous pensons que nos positions vont évoluer positivement en Europe. Reste l’Asie-Pacifique. Et en particulier la Chine, qui va devenir le plus gros marché 3G et pour
lequel nous sommes très bien placés.Vous semblez délaisser les terminaux mobiles, alors que le potentiel y est phénoménal.Le terminal mobile fait partie de la chaîne technique et de la chaîne de valeur de l’univers mobile. Il nous permet aussi de garder un lien avec le consommateur final. En revanche, tout seuls, nous ne sommes pas assez
compétitifs. Nous comptons donc nouer des partenariats avec des acteurs ayant pour axe de métier le terminal mobile.Craignez-vous le rachat d’Alcatel par un autre géant des télécoms ?Franchement, toutes les sociétés cotées peuvent aujourd’hui faire l’objet d’un rachat ou d’une sollicitation amicale ou hostile. Mais notre capitalisation s’améliore. Reste que le potentiel de
croissance, paramètre phare des années 90, revient à la mode. Les observateurs recommencent à juger une entreprise sur ce critère. L’objectif d’Alcatel est de participer à la croissance si le marché confirme que croissance il y a. Pour
ma part, je reste très prudent.Vous avez été le principal artisan de la TV sur ADSL. Comment, selon vous, ce marché va-t-il se développer ?Nous sommes convaincus que, techniquement, cette technologie n’a pas de limites. L’architecture des ‘ telcos ‘ en Europe peut parfaitement s’accommoder de l’image et de
l’interactivité liée à l’image. Ce qui est moins le cas aux Etats-Unis, où la boucle locale est plus étendue, et la qualité des réseaux cuivre parfois plus contestable. De fait, la TV sur ADSL, qui apparaît déjà comme une réalité en
Europe et au Japon, est moins facile à envisager aux Etats-Unis. Reste que, pour continuer d’assurer son succès, il faut proposer une couverture globale. Ce ne doit pas être un produit de luxe, mais une solution de masse. Pour qu’elle
réussisse, je pense que chaque domicile devra disposer de deux bouquets de programmes télé simultanés.Compte tenu de la pénétration de l’ADSL, comment voyez-vous l’avenir du câble ou du satellite ? Aux Etats-Unis, le haut-débit par le DSL dépasse le câble à toute allure. Cela nous confirme que la technologie réseaux est beaucoup plus adaptée que l’infrastructure en étoile du câble. Et le problème du débit une fois résolu,
la qualité de la TV sur ADSL est très supérieure au câble. Les consommateurs nord-américains disposent ainsi de trois types de plates-formes, capables d’offrir les mêmes services : les réseaux téléphoniques, les réseaux câblés et les
réseaux satellites. Certains opérateurs proposent déjà des offres combinées voix-données-TV avec une seule facture. Nous entrons alors dans un conflit d’intérêt, car tous les acteurs de la chaîne veulent être propriétaires du client final. La
concurrence est donc vive. D’autant que certaines offres satellitaires censées ne desservir que les régions peu denses commencent à être commercialisés dans des zones plus peuplées.Quel est l’intérêt de signer un partenariat avec Intel sur le Wimax ? Plus puissant, plus sécurisé, le Wimax fournit une meilleure qualité de transmission. Il devrait constituer la technologie de choix sur les très hauts débits dans les hotspots. Nous étions depuis longtemps en discussion avec Intel,
qui a beaucoup investi dans cette technologie. Notre forte position dans l’accès l’intéresse. Cette coopération a pour objectif de créer le marché et d’installer un composant intégré sur l’ensemble des systèmes. Cet
ensemble relativement ambitieux est intéressant pour nous en termes de complexité d’intégration du réseau.

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La rédaction