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Neuer Markt : chronique d’une mort annoncée

Plus de cinq ans après son lancement à la Bourse de Francfort, le pendant européen du Nasdaq américain succombe à ses scandales.

La Deutsche Börse, qui gère la Bourse de Francfort, n’aura même pas eu la patience d’attendre la reprise pour tenter un dernier sauvetage. Dans un communiqué laconique, publié jeudi 26 septembre, elle a annoncé la suppression fin 2003 du Neuer Markt (l’équivalent français du Nouveau Marché), dans le cadre d’une vaste réorganisation de la place de Francfort.A l’avenir, la Deutsche Börse créera deux segments dans lesquels seront réintégrées les valeurs du Neuer Markt. L’un sera nommé ” Domestic Standard “, soumis aux règles allemandes de transparence, l’autre ” Prime Standard “, soumis aux règles internationales (publications de résultats trimestriels, bilans établis selon les critères internationaux, informations aux analystes, rapports publiés en anglais…).La Bourse des valeurs technologiques, qui a fêté en mars dernier ses cinq années d’existence, n’avait plus vraiment de projet d’avenir. Les analystes et les courtiers, qui réclamaient sa fermeture depuis plusieurs mois, ont d’ailleurs immédiatement salué cette décision.” La Deutsche Börse devait agir, car ce marché était mort depuis longtemps pour les jeunes entreprises à forte croissance “, confirme Wolfgang Gerke, professeur à l’université d’Erlangen, spécialisé dans les banques et la finance.

Un indice en chute libre

L’indice Nemax 50 végète aujourd’hui autour des 400 points, très loin de son niveau du printemps 2000, où il avait atteint les 9 694 points ! Longtemps considérée comme le petit frère du Nasdaq américain, la Bourse allemande des valeurs à forte croissance a cessé depuis longtemps d’attirer les investisseurs institutionnels. Elle était devenue le symbole de la destruction de capital en Allemagne, et seuls les spéculateurs les plus acharnés osaient encore s’y s’aventurer.Ainsi, plus de 200 milliards d’euros ont été anéantis depuis mars 2000 (90 % de la capitalisation). ” Beaucoup d’investisseurs ne reviendront plus sur les marchés boursiers allemands. Cela va nuire à toute l’économie, car les jeunes entreprises auront désormais du mal à lever des capitaux “, regrette Wolfgang Gerke.La crise sur les places financières mondiales n’est pas l’unique raison du fiasco. Les banques ont également une lourde part de responsabilité. “Elles ont commis des erreurs en introduisant des sociétés qui n’étaient pas mûres pour la Bourse “, ajoute Wolfgang Gerke.

Des scandales longtemps ignorés

Mais la réputation du Neuer Markt a surtout été ruinée par une série de scandales devant lesquels les responsables de la Deutsche Börse sont restés longtemps immobiles. Le renforcement des sanctions a été tardif face aux bilans tronqués, aux faillites surprises, aux délits d’initiés et aux faux communiqués.” J’ai sous-estimé la malhonnêteté de certains managers “, se souvient Kurt Ochner, ancien responsable de fonds au Neuer Markt pour la banque Julius Bär. Résultat : une perte totale de confiance de la part de milliers de petits porteurs en colère, et l’ouverture de dizaines d’enquêtes judiciaires.Depuis le premier dépôt de bilan (Gigabel), le 15 septembre 2000, la liste des entreprises cotées n’a cessé de se rétrécir et celle des faillites d’augmenter. Sur les 343 entreprises cotées en mars 2000, il n’en reste que 264 aujourd’hui, dont beaucoup avec une action à moins de un euro.Du coup, les nouveaux candidats à l’introduction se faisaient de plus en plus rares à Francfort. La Bourse n’a enregistré qu’une inscription depuis le début de l’année, contre 120 en 2000. Moins de 40 entreprises manifestaient encore leur intention de s’introduire au Neuer Markt dans les deux ans à venir. Elles étaient 500 à avoir ce projet en 2000…

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Christophe Bourdoiseau, correspondant à Berlin