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Michel Cicurel, (LCF Edmond de Rothschild) : ” La reprise sera plus lente en Europe “

La croissance US sera de 3 % en 2002, estime le patron du groupe bancaire. Pour suivre, le Vieux Continent devra accélérer ses investissements techno.

Même s’il admet volontiers n’avoir pas mesuré l’ampleur de la récession aux États-Unis, Michel Cicurel est aujourd’hui optimiste. Cet ex-professeur d’économie à Sciences Po et à Polytechnique croit à une reprise en “ V” dans le courant de l’année.Une série d’indices semblent indiquer l’imminence d’une reprise économique aux États-Unis. Partagez-vous cette analyse ? La prévision est difficile, car certains phénomènes économiques que nous constatons sont exceptionnels. Par exemple, aucune crise n’a encore jamais affecté toutes les économies industrielles de manière concomitante. Cela dit, il ne faudrait pas aujourd’hui pécher par excès de pessimisme, comme hier on péchait par excès d’optimisme. On devrait assister aux États-Unis, dans la deuxième moitié de l’année, à la reconstitution des stocks des entreprises, entraînée par le niveau soutenu de la consommation des ménages. Il faut également noter que la baisse des taux américains en 2001 est la plus forte jamais enregistrée dans l’histoire économique et que l’outil budgétaire est encore intact. Nous estimons que le taux de croissance tendanciel aux États-Unis est de 3 %. Si l’année voyait revenir un tel niveau, ce serait raisonnable. En Europe, la récession a été moins prononcée qu’aux États-Unis. La reprise y sera donc plus lente. Le problème vient surtout de l’Allemagne, dont l’économie repose encore essentiellement sur une industrie très traditionnelle. Une économie qui semble avoir du mal à passer le cap du vingt-et-unième siècle. Or, l’Allemagne représente le tiers du produit intérieur brut européen. Les investissements technologiques contribueront-ils au redressement des économies industrialisées ? Nous avons assisté à un surinvestissement ces dernières années et à un excès d’offre, notamment concernant internet, car il n’y avait pas de barrière à l’entrée. Les États-Unis se sont beaucoup équipés. En revanche, l’Europe et le Japon accusent un retard considérable en termes d’investissements technologiques. Il est temps de s’y mettre ! Ce mouvement, qui est inévitable, soutiendra le rythme de la croissance. Si la France, en particulier, veut préserver sa position dans la concurrence internationale et maintenir son niveau de vie, elle n’a pas d’autre solution qu’investir dans la technologie.Considérez-vous que le débat sur la réduction du temps de travail soit un débat d’arrière-garde ? Les 35 heures sont une mesure pathétique ! On a oublié que les loisirs, c’est sympa… quand on a de l’argent. La réglementation uniforme du temps de travail est une aberration. Mais, malheureusement, on ne fera pas machine arrière dans ce dossier. Or, la France ne peut s’offrir les 35 heures qu’avec d’importants gains de productivité, c’est-à-dire des investissements technologiques. Et elle ne pourra pas se payer à la fois ces investissements et les 35 heures. C’est la quadrature du cercle !Tenant compte de ces éléments, quelles orientations allez-vous donner à vos investissements en 2002 ? Nous avons suivi une stratégie d’investissement très défensive en 2001, avec des performances remarquables. Maintenant, nous commençons doucement à prendre un peu plus de risques. Nous allons notamment remettre en portefeuille quelques valeurs technologiques, de services informatiques par exemple. Avec prudence, toutefois, car les marchés vont rester volatiles.Au cours de l’automne 2001, alors que refluait la vague internet, vous avez lancé e-Rothschild. Avez-vous atteint vos objectifs ? C’est vrai, nous avons lancé cette initiative un peu à contre-courant, sans publicité ?” nous n’avons d’ailleurs pas l’intention d’en faire. Et ça marche… Sinon on arrêterait.Combien de clients avez-vous séduits ? Je ne répondrai jamais à cette question parce que nous ne nous sommes fixé aucun objectif quantitatif. Seuls comptent la qualité des clients, leur profil. En l’occurrence, il s’agit de gens de plus de 50 ans, habitant plutôt Paris, apportant en moyenne 20 000 euros [132 000 francs, ndlr], soit le double de ce qui est exigé pour ouvrir un compte, et disposant d’un patrimoine financier moyen de 100 000 à 150 000 euros. N’oublions pas qu’e-Rothschild est également une invitation à nous rejoindre, destinée à de nombreux investisseurs privés qui, même avec 1 million d’euros de capital, ont parfois peur de venir chez nous parce qu’ils craignent d’être trop petits. La décision de créer e-Rothschild ne correspond-elle pas à une volonté d’attirer chez vous les nouvelles fortunes qui se sont créées dans l’euphorie internet ? Les entrepreneurs de la nouvelle économie nous intéressent, oui. Dès mon arrivée ici, il y a trois ans jour pour jour, j’ai voulu modifier l’image un peu rétro de notre maison. La création d’un fonds consacré à la nouvelle économie a symbolisé notre volonté d’attirer une nouvelle génération. Et avec cette banque en ligne, nous évoluons. La rapidité avec laquelle le projet a été mis sur les rails, l’utilisation du marketing direct et cette façon de négocier et de veiller au grain propre à ce métier : e-Rothschild a été véritablement l’outil d’un changement culturel chez nous. Au passage, notre informatique a fait des progrès considérables.Pourquoi cette stratégie d’expansion pour une maison aussi réputée que Rothschild ? Nous avons très bien vécu depuis 20 ans. Et certains, chez LCF Rothschild, avaient sans doute l’idée qu’avec un tel nom et les performances qui sont les nôtres, le développement commercial allait de soi. Or, les distributeurs de produits financiers cherchent à les fabriquer. Donc nous, fabricants, devons chercher à mieux contrôler notre propre distribution.

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Propos recueillis par Jean-Jérôme Bertolus et Michel Gassée