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L’ordinateur quantique est né !

Dans les laboratoires du Massachusetts Institute of Technology, des chercheurs ont, pour la première fois, fait fonctionner un ordinateur quantique. On assiste ainsi aux premiers pas d’une nouvelle logique qui révolutionnera sans doute l’informatique.

Dans quinze ans, nous ne pourrons plus diminuer la taille des transistors et des connexions électriques. Au mieux, ces composants ne seront guère plus gros qu’un atome. Les ordinateurs classiques buteront sur les limites de la physique fondamentale, car le diamètre d’un atome ne peut être réduit. L’informatique quantique permettra alors d’aller plus loin en exploitant les propriétés quantiques qui régissent le monde à l’échelle atomique. La première d’entre elles est la superposition des états : une particule peut se dédoubler, être ici et là-bas, à deux endroits simultanément. Voilà qui est contraire au sens commun, mais il suffit, pour chaque particule, d’associer à chacun de ses états une donnée, pour mener de véritables calculs en parallèle.

Un micro-ordinateur dans un tube à essai

Deux équipes américaines, celle du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et celle du laboratoire national de Los Alamos (Californie) se sont associées pour réaliser un prototype d’ordinateur quantique. A première vue, ce dernier ne réalise aucune opération exceptionnelle : quelques additions, des reproductions d’opérateurs logiques ET, OU, NON… Des calculs qu’une simple calculatrice de poche pourrait effectuer. Mais la méthode est révolutionnaire. Leur prototype n’est pas une boîte grise, avec un écran, un clavier et une souris. Non, c’est un tube à essai. Quelques gouttes d’un liquide de teinte marron, des molécules de 2,3-dibromothiophène, toutes identiques, composées d’atomes de carbone, d’hydrogène, de soufre et de brome. Ces molécules sont l’équivalent de nos processeurs. Ce sont elles qui exécutent les calculs. L’orientation des noyaux des atomes d’hydrogène, que l’on peut faire varier à l’aide d’ondes radio dont on module la fréquence et la durée, peut se traduire en autant de 0 et de 1, indispensables à la programmation de tout ordinateur. Dans l’expérience décrite ici, un noyau d’hydrogène est simultanément orienté dans deux sens opposés. La puissance de calcul devient alors vite gigantesque, puisque deux calculs peuvent être menés en parallèle avec chaque noyau. Et avec deux noyaux par molécule, ce sont d’ores et déjà quatre calculs que les chercheurs peuvent effectuer en même temps.David Cory, responsable de l’expérience au MIT, explique que ” dans les deux prochaines années, nous passerons d’une expérience réalisée avec deux bits quantiques (ou q-bits), c’est-à-dire avec deux noyaux d’hydrogène, à une expérience avec six q-bits. La puissance de calcul sera alors multipliée par seize “. Et avec cinquante q-bits, la puissance sera multipliée par plusieurs milliards. ” Dans le futur, cette simulation peut conduire à un ordinateur extrêmement puissant. Mais aujourd’hui, il s’agit surtout d’une plate-forme idéale pour explorer les principes fondamentaux à la base de l’ordinateur quantique “, modère Raimond Laflamme, du laboratoire de Los Alamos. Et les principes à étudier sont très nombreux ! Au cours de l’été dernier, Lov Grover, l’auteur de l’un des plus célèbres algorithmes d’informatique quantique, expliquait dans un article publié dans le journal Science que, depuis vingt ans, les chercheurs écrivent ” les logiciels d’une machine qui n’existe pas “. Mais déjà, sur le papier, un moteur de recherche consulte le milliard de pages d’Internet en une demi-heure. Un code ultra-sécurisé est décrypté en quelques secondes… D’autres projets sont en cours. Mais ces résultats sont pour l’instant théoriques. Le prototype réalisé par les laboratoires du MIT et de Los Alamos contribuera à les mettre en pratique. De nombreux groupes de recherche essaient désormais de concevoir eux aussi leurs prototypes. ” Ils sont une vingtaine à être réellement actifs, constate Lov Grover. Cependant personne n’a, pour l’instant, une idée précise de la structure que pourrait prendre au final un ordinateur quantique. ” Aucun chercheur n’est en mesure d’estimer la date de commercialisation d’une telle machine. Les plus optimistes parlent d’un délai de quinze ans.

La nature a déjà fait tout le travail

Il reste surtout à trouver les molécules, le matériel et les manipulations qui permettront d’avancer pas à pas, d’effectuer chaque jour des expériences plus complexes. Des essais avec quatre atomes d’hydrogène sont en cours. La puissance de calcul sera multipliée par quatre.
Et de nombreux algorithmes sont encore à implanter. ” La nature a déjà fait tout le travail en assemblant, sous forme de molécules, les composants de base. Seulement, on ne leur avait jamais posé les bonnes questions ! “, se réjouit Isaac Chuang, auteur d’une expérience similaire dans les laboratoires d’IBM à Almaden (en Californie). Aux chercheurs, maintenant, de trouver les bonnes formulations.

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David Groison