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L’incorruptible animateur de communauté virtuelle

Après avoir fixé les règles, ce gentil organisateur empêche les discussions en ligne de dégénérer. Il s’efforce aussi de leur donner de l’altitude.

Pour se faire recruter chez Cryo Networks, un éditeur de jeux online en trois dimensions, en avril 2000, Guirune (c’est un pseudonyme) a organisé une manifestation de soutien pour sa propre candidature. Le jour de son entretien, une petite dizaine de personnes ont brandi une pancarte ” Embauchez Guirune “, sous les yeux du patron. Ou presque. Car c’était… sur le web. Une anecdote qui en dit long sur ce jeune homme de 25 ans au profil complètement atypique. Avec un BTS d’informatique et un Deug d’anglais en poche, il est, aujourd’hui, animateur d’une communauté virtuelle, baptisée Cryopolis, accessible à partir du site internet de la société. Dans cette ville en trois dimensions, l’internaute identifié par un avatar (une photo de son choix, par exemple) se déplace à sa guise, comme dans un jeu vidéo, pour communiquer avec un animateur ou avec les autres participants, âgés d’une trentaine d’années en moyenne.

Fixer les règles du jeu

Seulement voilà, avec parfois jusqu’à cent personnes connectées, les discussions en ligne peuvent facilement déraper. Et c’est là qu’intervient Guirune. D’abord pour fixer les règles du jeu (déterminer son identité, choisir une représentation virtuelle, etc.) Ensuite, pour jouer le rôle de modérateur dans les deux émissions qu’il organise en soirée, deux fois par semaine. “Je suis là pour éviter les écarts de langage trop poussés ou empêcher la circulation de photos choquantes. Je préfère régler les problèmes sur le mode de l’humour, explique-t-il. Plutôt que de faire sortir un perturbateur, je profite de ses propos pour rebondir et ouvrir de vrais débats “.
Pour mettre à l’écart ceux qui vont trop loin, il lui suffit de cliquer sur leur avatar et de les ” envoyer en prison ” ou d’utiliser un pager . Cette technique permet de s’entretenir en privé avec le principal intéressé. Il est, en outre, complètement responsable du contenu de ses émissions. Un travail de préparation de six heures, sur des thèmes ” aberrants ” ou très sérieux. Avec toujours le souci de se différencier par rapport aux médias. “Pour aborder le sujet de la fièvre aphteuse, par exemple, j’ai consulté des sites médicaux et des dictionnaires spécialisés et non pas la presse en ligne traditionnelle“, insiste-t-il. Et d’ajouter : “ Lorsque je ne maîtrise pas un sujet, je lance très vite un moteur de recherche pour répondre aux questions des “Scoliens” (les habitants de Cryopolis) ou je les oriente vers des sites intéressants “.
Le métier ne requiert pas de compétences techniques sophistiquées mais certains réflexes pour pouvoir suivre en même temps plusieurs conversations et faire fonctionner tous les canaux de distribution (le chat, la vidéo, le son, le pager. Et bien sûr, des qualités humaines, “d’écoute, de sang froid, d’ouverture d’esprit “, résume-t-il. Guirune gagne 1830 euros bruts mensuels (12 000 francs), aujourd’hui. Pour l’avenir, il n’exclut pas de transmettre son savoir-faire à dautres animateurs, attirés par le côté ” pionnier ” de son métier.

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Sandrine Chicaud