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L’Hexagone découvre ses “penny stocks”

Ces valeurs à moins de 7 euros trouvent souvent preneur, notamment chez les boursicoteurs en ligne. Mais les sociétés dont le titre a fondu perdent un efficace outil de management et de développement.

La roue tourne. Au palmarès des performances boursières, les stars déchues de la cote sont légion, telle Yahoo, valeur fétiche des boursicoteurs sur internet. Il y un an, on évoquait un éventuel rachat de Disney par le fameux portail. C’était oublier un peu vite le vieil adage boursier selon lequel “ les sapins ne montent jamais jusqu’au ciel “.Le couperet n’a pas tardé à tomber. Habitué à une croissance à trois chiffres de son chiffre d’affaires, Yahoo ne prévoyait plus, en janvier, qu’une progression de 15 % de ses revenus du premier trimestre 2001, en raison du tassement des rentrées publicitaires. Conséquence : une baisse de 15 % de son titre en une séance. Depuis quinze mois, la valeur du groupe a ainsi été divisée par plus de huit, pour approcher les 25 dollars aujourd’hui (27 euros). De prédateur, Yahoo est devenu une proie, notamment pour… Disney elle-même.

Des cours anecdotiques

Le dégonflement de la bulle spéculative des TMT a réduit nombre de valeurs à des niveaux purement symboliques. Les boursiers américains les surnomment les penny stocks. En France, pléthore de titres se négocient à bas prix, avec un ticket d’entrée inférieur à 7 euros (moins de 50 francs) et une forte volatilité.Netvalue, spécialiste des études d’audience internet, a ainsi été introduit le 26 janvier 2000 à 22 euros. Sur le Nouveau Marché, le titre a progressé de 240 % en une séance. Mais après un record absolu à 101 euros, le cours s’effondre à 3,5 euros le 8 janvier dernier ! Cette déconfiture a pourtant fait la fortune de ceux qui ont eu les nerfs assez solides pour acheter au plus bas et revendre, deux semaines plus tard, à 6 euros, avec une plus-value de 70 %.” Il faut considérer notre valeur comme une option. Dans le cas d’une forte reprise du marché, notre titre pourrait bondir “, explique Lennart Brag, PDG de Netvalue. Tout le charme des “ penny stocks” est là… Leurs limites aussi ! L’action Wanadoo, introduite à 21 euros en juillet 2000, stagne toujours autour des 6 euros.Pour Gérard Augustin-Normand, directeur fondateur de Richelieu Finances, ” le montant du nominal n’est pas un critère de sélection déterminant pour les analystes. C’est la capitalisation boursière qui doit toujours être prise en compte… et surtout le rapport chiffre d’affaires sur capital “.Même doctrine pour Michel Roussel, directeur général adjoint chez Wargny, qui déclare ne pas être un ” fétichiste du nominal “. Pourtant cette société de Bourse vient de publier une liste de 50 actions qui recèlent les plus forts potentiels de hausse à moyen terme. Parmi elles figurent deux titres à ” quatre sous ” : Wanadoo, en raison de la hausse récente de son chiffre d’affaires dans la publicité et l’e-commerce, et Médasis (proche de 3 euros).Pour Michel Roussel, ” le marché n’a pas pris en compte le changement du c?”ur de métier de Médasis. De distributeur en matériel informatique, l’entreprise va devenir fournisseur de logiciels pour les hôpitaux.  ” On le voit, si le nominal n’est pas un critère de sélection pour les gestionnaires, les ” penny stocks ” ne sont pas, pour autant, voués au purgatoire. ” Ces valeurs sont surtout travaillées par les accros de la Bourse sur internet, capables de faire des allers et retours très rapides en quelques heures “, reconnaît un boursicoteur en ligne.

Le malaise psychologique

Au scepticisme des analystes s’ajoute le malaise de sociétés dotées de ” penny stocks “. Psychologiquement, le statut de Tom Pouce boursier n’est pas flatteur. “Neurones, une penny stock ? Avec 1050 employés, et une capitalisation boursière de 107 millions d’euros, il faut être doté d’un peu d’humour pour accepter le terme, s’emporte Bertrand Ducurtil, le DG de la société. Mais le marché a toujours raison. Nous avons été sanctionnés pour un profit warning lors de notre première annonce de résultat après l’introduction, d’où une perte de confiance. Nous avons consulté les anciens, ceux qui ont connu le krach de 1987 des SSII [sociétés de services en ingénierie informatique, ndlr], et nous avons compris qu’il fallait rester calme.” Introduite au printemps dernier à un cours délibérément minime (9 euros), ” pour ne pas avoir à procéder trop vite à une division du nominal “, l’action se traîne sous les 4 euros.

Petit cours, gros effets

Socialement, un petit cours peut aussi charrier de gros effets sur la marche de l’entreprise. Le plus souvent, la gestion de la spirale baissière se fait au seul moyen d’une communication rassurante. ” L’important est d’effacer le sentiment que la sanction boursière décote aussi le travail fourni par les salariés, et la valeur de l’entreprise, explique David Bernard, directeur général de la régie en ligne Hi-Media. Nous en avons parlé en interne. Nous avons expliqué que la Bourse punit un secteur, alors que nous avons pour notre part dépassé nos objectifs “.Mais le discours ne suffit pas toujours. Les stock-options sont des outils de recrutement et de gestion dans les start-up, qui se trouvent donc fortement handicapées lorsque l’action chute. Rattrapage par les salaires et, lorsque c’est possible, refonte des plans sont au menu. Chez Neurones, un troisième programme d’options est en préparation, pour les 250 salariés lésés par le deuxième.Mais la modicité du titre affecte parfois jusqu’à l’évolution stratégique de l’entreprise, notamment sa croissance externe. ” Hi-Média a acquis en septembre une société suédoise sur la base d’un cours à 10,25 euros. En décembre, on a dû se contenter de racheter Advenda, en Allemagne, avec un titre à 6,5. Mais les prix des cibles chutent aussi “, nuance David Bernard. ” Le plus gênant, ce sont les variations brutales de cours, qui compliquent les évaluations des sociétés, et peuvent mettre en péril des opérations. Nous privilégions d’ailleurs les acquisitions en cash. Nous disposons de 27,44 millions d’euros à cet effet “, souligne Bertrant Ducurtil. Un petit Poucet peut avoir un appétit d’ogre.

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Jean-Michel Cedro et Jean-Pierre Savalle