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Les SSII sont-elles affectées par l’application des 35 heures ?

La plupart des sociétés de services informatiques s’interrogent sur les bénéfices à attendre de la réduction du temps de travail.

À regarder la pénurie de main d’?”uvre dans les SSII par le bout de la lorgnette des 35 heures, on y décèle une lueur de possible fidélisation. “ C’est un véritable avantage social, un outil de fidélisation des salariés et de marketing pour attirer les candidats “, juge Antoine Darcet, directeur général de Cadextan, filiale du groupe Sungard.Une approche que Jean-Michel Rale, directeur des ressources humaines de Cap Gemini Ernst & Young France (13 300 salariés environ, 60 000 dans le monde), préfère nuancer : “ La nouveauté des 35 heures en fait un facteur de fidélisation, mais cet effet ne durera pas quand elles seront banalisées. En revanche, l’avantage temps de travail lié à des congés d’ancienneté, par exemple, durera. “Reste que ” la folie start-up qui a couru en 2000 a fait exploser à 35 % le taux de turn over [entrées-sorties des salariés, ndlr] “, explique Antoine Darcet. Et ” sans l’application des 35 heures, il est sûr et certain que nous aurions assisté à une hémorragie de notre personnel “, renchérit Catherine Hammelle, directrice administrative de l’éditeur de logiciels Solsoft.Cependant, en satisfaisant les attentes de leurs salariés, les sociétés de services informatiques se sont heurtées aux résistances de leurs clients. Aux négociations préalables à la mise en place de la réduction du temps de travail (RTT) avec les collaborateurs ont succédé celles avec les clients. Ces derniers considèrent bien souvent qu’il ne leur appartient pas de “ payer les heures supplémentaires, en cas de dépassement des 35 heures hebdomadaires “. Et le directeur général de Cadextan de poursuivre : ” Aujourd’hui encore, il faut convaincre les clients de la pertinence de ce système, qui permet pourtant de mieux gérer les temps de crête et de creux. “Aussi, les dirigeants des SSII incitent les salariés à prendre leurs jours de RTT entre deux contrats. Cap Gemini Ernst & Young va même jusqu’à imposer les dates de congés, pour la moitié du total des jours imputables à l’application de la réduction du temps de travail.Mais le problème des heures supplémentaires se pose dès que l’ingénieur intervient chez un client qui applique encore les 39 heures. La comptabilisation des heures effectivement travaillées implique parfois de fastidieux calculs, entre l’heure exacte d’arrivée, le départ et les pauses café.Mais dans la situation d’un prestataire de services, le système est déclaratif. Le détail des heures doit néanmoins être enregistré quotidiennement. Employant 90 salariés, Cadextan ne dispose pas des ressources nécessaires à l’achat d’un logiciel permettant d’alléger la charge de travail administratif. De toute façon, ce ne serait pas la solution miracle.Ainsi, le directeur des ressources humaines de Cap Gemini Ernst & Young en France raconte : “ Nous avons modifié tous les outils de rapport internes pour pouvoir intégrer le nombre de RTT mais aussi les heures excédentaires et les régimes au forfait. Chaque salarié reçoit, en principe une fois par trimestre, un compte rendu sur sa consommation de temps de travail. ” Il reconnaît cependant “que ce système est lourd à faire tourner “.L’acte est important, car il permet au collaborateur, mais aussi à la DRH, d’assurer un suivi du nombre d’heures supplémentaires. Ainsi, chez Cap Gemini, “ 45 % des salariés effectuent plus de 1 600 heures annuelles. Ces heures supplémentaires ne dépassent jamais les 50 heures hebdomadaires. La réduction du temps de travail est effective et le nombre d’heures supplémentaires est raisonnable, dans la limite prévue par la loi “, se satisfait Jean-Michel Rale.Histoire de ne pas alourdir les coûts, Cadextan essaie autant que faire se peut d’éviter les heures supplémentaires cumulées en fin d’année. Du côté de Solsoft (plus de 20 salariés), Catherine Hammelle reconnaît sans ambages que “ les journées de travail se sont rallongées pour pouvoir prendre des congés. ” Et de poursuivre : “ Comme nous sommes dans une période de croissance, le nombre d’emplois générés par les 35 heures est difficilement mesurable. “Il en va de même pour connaître l’impact sur le recrutement. Seul Antoine Darcet cite en exemple un ingénieur qui a refusé un poste mieux rémunéré car les conditions d’application des 35 heures étaient plus favorables chez Cadextan.Pour l’entreprise, la réduction du temps de travail aboutit à “ moins de marge, moins d’investissement et moins de formation “, résume Antoine Darcet. Ainsi Cadextan a enregistré une baisse de 4 points de son chiffre d’affaires en 2000 à 6,6 millions d’euros. Le dirigeant impute aussi cette baisse à l’explosion des salaires (plus de 15 % entre 1999 et 2001).Malgré tout, ” les négociations pour la mise en place des 35 heures ont permis de créer un dialogue social dans l’entreprise “, se réjouit Antoine Darcet. Des discussions qui se poursuivent pour l’élaboration d’un plan d’intéressement, un autre outil de fidélisation peut-être plus pérenne.

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Valérie Quélier