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Les soldes du Web ont déjà commencé

Alapage et Amazon ont lancé une véritable guerre des bons de réduction. Mais, à bien y regarder, l’opération est structurellement déficitaire.

Jacques Maillot disait que les réductions d’impôts étaient le meilleur moyen de déceler l’approche d’une campagne électorale. Je me demande moi si, sur le Web, les réductions ne sont pas le meilleur moyen de déceler les sites de commerce électronique en perte de vitesse.C’est bien simple ! En l’espace de trois semaines, j’ai dû recevoir l’équivalent de 500 francs en bons d’achat, essentiellement pour Alapage et Amazon. Ma plus belle prise ? En tant qu’abonné Wanadoo, j’ai obtenu 150 francs à dépenser comme je l’entendais sur Alapage. Assez flatté de l’attention, je me suis fait livrer un CD totalement gratuitement. Ce qui fait toujours plaisir.Mais, une fois passée l’euphorie, j’ai retourné le problème des dizaines de fois dans ma tête sans vraiment comprendre. Dans le monde réel, lorsque je reçois un coupon de réduction, celui-ci est toujours lié à une notice d’environ trois pages, écrite en corps 6. Le plus souvent, l’utilisation dudit coupon n’est possible qu’à partir d’un montant minimal d’achat ou sur un produit particulier dont la valeur est bien supérieure au coupon. Bref, l’industrie traditionnelle utilise le coupon de réduction pour faire consommer plus. Ce n’est pas un secret, mais ça a le mérite d’être économiquement réaliste.Les coupons d’Alapage et d’Amazon ne comportent pas de telles limites. Ils n’incitent pas à consommer plus mais uniquement à consommer tout court. Même sans sortir le moindre kopeck… Plus étrange encore, Amazon a décidé de multiplier ses coupons comme d’autres font marcher la planche à billets. Associé à des sites éditoriaux, le marchand américain offre un bon de 50 francs à chaque visiteur laissant son adresse. Le responsable de l’un de ces sites me disait que certains internautes allaient jusqu’à s’inscrire 10 fois avec des adresses différentes pour cumuler les fameux bons.Si l’objectif est de faire progresser le nombre de ventes réalisées en ligne, c’est réussi. Le chiffre d’affaires des deux libraires va faire un saut quantique pour Noël. Je ne doute pas de la générosité de Wanadoo, qui n’a pas utilisé de bons de réduction au moment du rachat d’Alapage. Mais j’ai bien peur, en refaisant mes petits calculs, que tout cela ne soit pas franchement rentable.Encore plus étrange : les bons cadeaux d’Amazon ne sont pas utilisables sur la partie Livres, loi Lang oblige. Sur Alapage si. Ce qui permettrait de se procurer le Quid 2002 pour 49 francs… c’est les libraires qui peuvent faire la tronche.Le phénomène mériterait une enquête mais, a priori, je ne vois que deux pistes permettant l’explication de cette guerre du coupon de réduction non rentable. Première hypothèse : ces deux marchands cherchent à tout prix à faire monter leur chiffre d’affaires pour faire plaisir à leurs actionnaires, quitte à sacrifier la rentabilité (les coupons étant sans doute intégrés dans le budget marketing et hop-là boum ! je t’embrouille). Deuxième hypothèse : les géniaux responsables marketing à l’origine de ces campagnes n’ont pas saisi l’intérêt même du coupon de réduction : faire consommer. Car, cest bien connu, tous les gens qui travaillent sur le Web sont de dangereux anticapitalistes. Vous préférez laquelle ?Prochaine chronique vendredi 7 décembre 2001

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Alain Steinmann