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Les entreprises apprivoisent la formation en ligne

Les premiers retours d’expérience en e-learning mettent en évidence des difficultés relevant plus de l’organisation que des technologies.

Où en est aujourd’hui la formation en ligne, un an et demi après le déluge d’annonces de produits et d’études toutes plus optimistes les unes que les autres ? Les entreprises pionnières ont, semble-t-il, quelque peu essuyé les plâtres.“Nous avons commencé notre réflexion en septembre 2000, même si, à l’époque, il y avait peu de retours d’expérience, raconte Marc Guyon, e-learning manager et chef de projet chez Butagaz. Nous pensions monter trois ou quatre modules de formation en ligne, puis nous nous sommes aperçus qu’il fallait moderniser notre outil informatique de gestion de formation.” Le projet initial a fini par prendre une ampleur imprévue, pour conduire à l’achat d’une plate-forme de formation.

Des populations cibles bien identifiées

Conséquence de ce manque de visibilité : un gros effort à entreprendre pour “vendre” le projet en interne. D’autant que la formation en ligne en tant que projet informatique a un coût de départ élevé et incompressible, censé être amorti, à terme, par un effet de masse. Mais la direction générale peut le trouver rédhibitoire si elle n’en perçoit pas bien les enjeux.Le responsable formation lui-même peut craindre d’épuiser son budget d’un coup. C’est pourquoi la plupart des projets prennent le parti de cibler initialement une population précise, aux besoins et aux objectifs identifiés, puis d’élargir progressivement le périmètre. Histoire de convaincre.“Au départ, le projet était d’équiper les commerciaux de PC portables et d’y installer l’ensemble de leurs outils. Cela pour les rendre plus autonomes et fournir un service de qualité aux clients, détaille Christine Desprez, responsable de formation NT à La Mondiale. Et qui dit nouvel équipement dit formation.” Le projet de la compagnie d’assurances, déployé en fin août 2001 pour mille personnes, mêle bureautique et contenu métier avec un objectif d’efficacité évident.De même, si France Télécom a initié l’enseignement assisté par ordinateur à la fin des années quatre-vingts, l’ouverture à la concurrence en 1997 a été un facteur déclenchant pour prendre le virage de la formation en ligne. L’opérateur devait familiariser rapidement son personnel avec de nouvelles offres commerciales, tout en décentralisant sa formation afin que les agents restent opérationnels.Décentralisation qui a aussi séduit Butagaz, dont le circuit de distribution repose sur un réseau de vente indirecte. La formation en ligne doit offrir plus de réactivité aux équipes commerciales des partenaires, qui n’ont ainsi plus à se déplacer chez Butagaz. Dans ces conditions, la réduction des frais induits habituels ?” déplacement, hébergement, etc. ?” peut aider à vaincre les réticences. Au vu des témoignages, ce n’est toutefois pas la préoccupation première. “Si l’on opte pour de la formation en ligne en se disant qu’on va gagner de l’argent, c’est bien. Mais elle doit avant tout s’intégrer dans une stratégie d’entreprise”, insiste Richard Raquillet, directeur technique de la SSII Devoteam.Les entreprises qui ont franchi le pas ont bien compris qu’il fallait associer non seulement les formateurs, mais aussi les opérationnels et la DRH, et, surtout, les dirigeants. En effet, la formation en ligne changeant le mode d’évaluation des salariés, elle exige des cadres une véritable remise en question. “Je n’imagine pas un projet de ce type-là sans sponsoring de la direction générale”, affirme ainsi Richard Raquillet, dont le projet chez Devoteam porte sur le transfert d’expérience. Même écho chez France Télécom Formation, qui s’apprête à lancer des modules de formation aux nouvelles technologies ?” synchroniser son assistant personnel, participer à un forum de discussion, etc. ?” à destination des cadres dirigeants.

La DSI n’est pas toujours le moteur attendu

Et l’informatique ? De ce point de vue, la formation en ligne reste un petit projet, de l’aveu même de ceux qui en ont mené. Ce qui ne veut pas dire que tous les chefs de projet soient à l’aise face à la technique : “Il n’est pas facile, pour un non- informaticien, de savoir ce qu’il est possible et réaliste de faire, témoigne Marc Guyon. D’autant qu’il y a toujours des développements spécifiques à ajouter au logiciel originel.”Autre élément d’importance, la connaissance du parc informatique ?” surtout pour les groupes multisites. Mauvaise version du système d’exploitation, absence de carte son, plug in manquants… Les postes de travail ne sont pas toujours homogènes et bien configurés. La Mondiale, elle, s’est heurtée à un problème de sécurité en installant l’outil de Docent. “En tant qu’outil de formation standard, explique Christine Desprez, il générait des cookies sur le poste. Or, La Mondiale est très sécurisée. Il a donc fallu autoriser les cookies.” Mais, là comme ailleurs, le projet est allé vite. “Le plus difficile est que l’ensemble est intégré dans un LMS. Il faut paramétrer, savoir quoi y inclure. Partir d’un standard et l’adapter à ses besoins n’est, en effet, pas évident.”Malheureusement, pour tous ces problèmes, la DSI n’est pas toujours l’élément moteur attendu. Certaines directions informatiques estiment encore qu’un intranet doit être réservé aux tâches opérationnelles. Ou alors, elles imposent des conditions drastiques pour limiter le trafic. Les animations légères remplacent ainsi les vidéos, fichiers jugés trop lourds. Autant de freins à la créativité et à l’ergonomie pédagogique.Une fois la hiérarchie et les formateurs acquis à la cause, tout n’est pas gagné. “Les salariés ont pris l’habitude de se déplacer pour se former, note Philippe Nazzaro, responsable de la webschool de BNP Paribas. Les mentalités changent difficilement. Même suivi par un tuteur, l’apprenant reste seul devant son écran. L’approche est différente d’un cours présenciel, où, en immersion complète, l’élève retient toujours quelque chose.” D’où les efforts de communication interne tous azimuts ?” plaquette, e-mailing, etc. ?” entrepris par le groupe bancaire.Plus subtile, La Mondiale, n’a pas présenté la formation en ligne comme telle, mais comme l’un des outils du nouvel environnement. Quoi qu’il en soit, la plupart des entreprises combinent les diverses pratiques ?” présenciel, synchrone, asynchrone. “L’e-learning asynchrone seul ne marche pas. Le nombre d’abandons est très élevé, estime Jacques Fulcrant, directeur adjoint en charge du développement de France Télécom Training Division. Chez nous, n’importe quel salarié peut accéder aux formations depuis son poste de travail. Mais cela n’est pas forcément recommandable.”

De multiples projets sont envisagés

L’opérateur a ainsi créé une dizaine de centres de ressources sur tout le territoire, à une demi-heure maximum du lieu de travail. Ces lieux calmes bénéficient de la présence d’un tuteur. Si l’autoformation pure existe, elle répond à des besoins précis ?” version courte de certains cursus chez Devoteam, module linguistique en libre-service chez BNP Paribas, kits bureautiques téléchargeables à La Mondiale. Et elle cohabite généralement avec des cours en ligne plus encadrés.Si, là aussi, ces enjeux sont devenus clairs pour les utilisateurs, une part d’ombre persiste : quid du retour sur investissement ? Commentaire de Marcel Tacheau, d’Icus : “On ne sait pas évaluer le ROI de l’e-learning en tant que tel. On peut juste le comparer avec le présenciel.” Selon lui, quatre critères sont à étudier : la satisfaction de l’apprenant, la rétention du contenu, l’application sur le terrain de ce qui a été appris, et l’efficacité économique. “L’e-learning ne permet d’évaluer que les deux premiers critères ; et le présenciel, le premier seulement.”Ce qui n’empêche pas les utilisateurs d’envisager de multiplier les projets : Butagaz prévoit, pour juin, de relier bilan de compétences et besoin de formation avec l’outil de Clik2Learn ; et La Mondiale prépare sa plate-forme à la formation bureautique des administratifs dès cette année. La formation en ligne n’est pas mort-née !

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Xavier Biseul et Arnaud Devillard