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Les comparateurs de prix sur le banc des accusés

On a longtemps considéré les comparateurs de prix comme LA porte d’entrée vers le Web marchand. Aujourd’hui, on les soupçonne de manquer d’impartialité.

Les sites comparateurs de prix manipulent-ils les internautes ? C’est la question que se pose la DGCCRF (Direction de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes), qui enquête depuis plusieurs mois sur les
pratiques du secteur. Elle les soupçonne de donner une vision tronquée de l’offre de prix et de produits sur Internet en faisant payer les cybermarchands pour mieux figurer dans leur classement. Selon le quotidien Le Parisien,
les sites
Acheter moins cher,
Kelkoo,
LeGuide.com,
Monsieur Prix,
BuyCentral et
PriceRunner sont particulièrement dans le collimateur de l’administration.

Un prix du clic très variable

Kelkoo et LeGuide.com font partie des sites qui font payer les e-commerçants pour être référencés. Chez Kelkoo, ceux-ci doivent verser 0,15 euro au minimum, chaque fois qu’un internaute arrive chez eux via le comparateur.
Parfois, l’addition est bien plus salée : il existe en effet un système d’enchères pour les rubriques les plus demandées (appareils photo numériques, composants informatiques…), où celui qui paye le plus (jusqu’à 1 ou 2 euros le
clic !) est le mieux classé. Ainsi, le produit qui apparaît en tête de liste de la comparaison n’est pas forcément le moins cher, il s’en faut de beaucoup.Chez LeGuide.com, on affirme ne pas utiliser de système d’enchères, mais le prix du clic s’affiche à partir de 0,20 euro. Il y a bien quelques sites référencés gratuitement, mais ils sont rejetés en toute fin de classement et ne
sont accessibles que pour les internautes enregistrés. Qu’est-ce qui détermine le prix du clic ? Ce que les comparateurs appellent ‘ le taux de transformation ‘. En clair, c’est le pourcentage
d’internautes qui, venus sur le site marchand via le comparateur, vont effectivement acheter.Toute la difficulté pour les comparateurs consiste donc à envoyer le maximum d’internautes sur les sites marchands ?” plus ils en envoient, plus ils ont une chance de gonfler leur taux de transformation ?” et à
persuader les cybercommerçants qu’un internaute qui passe chez eux achète plus que les autres. Ainsi, PriceRunner met en avant sa capacité à diriger des clients plus dépensiers que d’autres vers les sites marchands. ‘ Le taux
de transformation des comparateurs est très variable selon le support et sa façon d’aborder la comparaison de prix, mais il se situe toujours entre 1 % et 7 % ‘,
précise Alexandre Francq, responsable marketing chez
GrosBill.

Responsables et coupables ?

Bien qu’il fasse partie des sites montrés du doigt, PriceRunner tente d’ailleurs de se différencier des pratiques des leaders du marché. Il affirme mélanger sur son site référencement gratuit et payant, tout en avouant quand même que
seules les boutiques ayant payé apparaissent avec leur logo et un lien direct vers leur site. ‘ De cette manière, nous donnons une très bonne image de l’offre présente sur Internet ‘, explique Charles
Bourasset, directeur marketing de PriceRunner. Un discours que l’on retrouve chez
DoorOne.fr, le petit dernier lancé par
Shopping.com, une filiale d’eBay.L’enquête lancée par la DGCCRF semble en tout cas orienter la stratégie de nouveaux venus. Ainsi Twenga, qui vient d’ouvrir ses portes, se vante de ne rien faire payer aux e-commerçants, mais espère se rémunérer avec la publicité
affichée sur le site. ‘ En offrant une vision presque exhaustive du marché, on espère attirer les internautes et vendre de la pub très ciblée, puisque les consommateurs sont, au moment où ils se trouvent sur notre site, dans
une démarche d’achat précise ‘,
affirme Bastien Duclaux, le fondateur de Twenga. L’idée de faire venir des internautes prêts à dégainer la carte bancaire ?” puisque certains de trouver enfin le meilleur
prix ?” n’est certainement pas très loin.A l’évocation de l’enquête de la DGCCRF, tous les sites évoqués ici confessaient ne pas comprendre les motivations réelles de l’administration. Kelkoo et LeGuide se retranchent derrière le fait que l’internaute peut réellement
afficher les sites du moins cher au plus cher : il suffit de cliquer sur l’en-tête de la colonne ‘ prix ‘ pour modifier l’ordre de tri. Ils se défendent aussi d’avoir manqué de transparence sur la
manière dont est établi leur classement puisque, sur chaque page, un lien mène à une explication.

Les vertus du payant !

L’un et l’autre affirmaient ne pas avoir été contactés par la DGCCRF. ‘ On ne condamne pas les supermarchés parce qu’ils mettent des produits en tête de gondole, défend Pascal Gauthier, directeur
commercial de Yahoo! Marketplace, dont Kelkoo et Monsieur Prix sont des filiales. Le système payant a une vertu, celle de mettre en avant les meilleurs marchands, ceux qui sont rentables et donc déjà établis. ‘ Et
Corinne Lejbowicz, responsable de LeGuide.com, de renchérir : ‘ Nous essayons de tenir compte du sérieux du marchand ainsi que de la disponibilité du produit pour classer les offres. ‘‘ Meilleurs marchands ‘ d’un côté, ‘ les plus sérieux ‘ de l’autre, autant de critères dont la DGCCRF entend vérifier la définition. Mais il
est difficile de voir ce que l’administration pourra réellement reprocher aux comparateurs, dont aucun ne promet explicitement de trouver le prix le moins cher du Net. En somme, il ne faudrait pas prendre les comparateurs pour ce qu’ils ne sont
pas : des outils objectifs et infaillibles de comparaison de prix.

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Benjamin Cherrière