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Le vrai du faux

Avec Internet, le marketing va pouvoir investir sans limitations un champ exploratoire qui fait frémir d’excitation les créatifs: rendre vrai ce qui ne l’est pas.

Le mensonge n’est pourtant pas la propriété exclusive du Web. Célèbre pour son marketing fondé sur les clichés et l’ironie, la marque de jeans Diesel s’est surpassée à l’occasion de sa dernière campagne en créant de toutes pièces Joanna, une chanteuse à succès. Quelques communiqués de presse, extraits vidéo et apparitions médiatiques plus tard ?” et sans avoir enregistré aucun disque ?”, le jeune mannequin promue dans le rôle de Joanna était effectivement devenue une pop-star. Si bien qu’il fallut engager un sosie de la jeune fille pour répondre aux sollicitations des médias musicaux du monde entier. Puis Diesel dévoila la supercherie, à la colère des médias, à la joie du public et surtout au bénéfice de la marque.Au cours de cette campagne, la marque de jeans n’a fait que pousser à leur paroxysme les logiques des médias d’une part et du marketing d’autre part : les uns réclament toujours plus de réelle nouveauté quand l’autre se doit d’inventer pour vendre. Le marketing opère dans le virtuel, sublime les qualités, évanouit le produit dans l’idée, efface la réalité derrière le concept. C’est pourquoi il a trouvé avec Internet le média idéal. Internet diffuse de façon plane des informations qu’il appartient au seul destinataire de juger. Sur Internet, la campagne de promotion d’une marque n’est limitée ni en durée ni en espace, ne souffre que rarement d’avertissements ” publi-information “. Derrière une belle vitrine, les rayons peuvent être vides. Tout est vrai, même le faux, puisque c’est visible sur l’écran.Graphisme, information, interactivité : Internet permet toutes les créations. Jusqu’au mensonge. Le cabinet de design Ora-ïto s’est ainsi inventé sur son site des références comme le briquet Bic Atomic ou le hack-Mac, un iMac blindé et camouflé. Peu importe qu’elles soient fausses puisqu’elles démontrent les talents d’Ora-ïto. Plus spectaculaire encore, le destin du site kasskooye.com : envisagé par ses créateurs comme un poisson d’avril pour brocarder l’esprit start-up et son jargon, le site est tellement réussi que des professionnels à la naïveté confondante s’y sont laissés prendre.
La perfection de cette blague de potache a permis aux créateurs du site de se constituer en quelques jours une renommée et un énorme carnet d’adresses. Et, du coup, d’envisager sérieusement den faire une entreprise. Sur Internet le faux est souvent un raccourci vers le vrai.Chronique parue le jeudi 27 avril 2000

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Jean-Baptiste Dupin, journaliste