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Le rachat en trompe l’?”il de Newbridge par Alcatel

Alcatel met la main sur Newbridge afin de… combler ses lacunes dans l’ATM. Xylan, de son côté, renonce au marché des opérateurs.

Plus de 7 milliards de dollars par échange d’actions ! Alcatel n’a pas lésiné pour s’offrir le constructeur canadien Newbridge. L’opération a pourtant été accueillie sans enthousiasme sur les marchés financiers.

Un rachat qui n’en finit pas d’étonner

Présenté par certains comme un équipementier très respecté, Newbridge est-il pour autant une belle affaire ? Spécialisé dans les commutateurs ATM pour c?”ur de réseau d’opérateur, Newbridge n’est qu’un poids moyen parmi les constructeurs de télécommunications. Au cours de son dernier exercice, son chiffre d’affaires atteignait, en effet, 1,2 milliard de dollars avec des résultats nets déplorables. Sa stratégie de touche-à-tout (technologies xDSL et boucle locale radio notamment) n’a jamais réellement convaincu. Hormis ses positions dans les backbones ATM (dont il détient environ 25 % du marché mondial) et dans la gestion de réseaux, Newbridge était donc dans une situation inquiétante. Alcatel réfute évidemment cette analyse et met en avant l’implantation de Newbridge aux Etats-Unis, axe de développement privilégié pour Alcatel dans les réseaux de données. Il n’empêche, aux Etats-Unis, le poids du Canadien demeure relatif, pour ne pas dire modeste. Il réalise moins de 20 % de son chiffre d’affaires, soit 230 millions de dollars… sur ce marché qui pèse plusieurs dizaines de milliards de dollars, et où Alcatel a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 3,4 milliards de dollars.
Si Alcatel s’est entiché de Newbridge, la véritable raison est ailleurs. Contrairement à une idée répandue, Alcatel était très mal positionné dans l’ATM pour opérateurs, un marché en fort développement, compte tenu de la banalisation des accès à hauts débits.

Une nouvelle génération de commutateurs ajournée

Dévoilé en 1997, Maxxis, dernier-né des commutateurs ATM de sa filiale Alcatel Data Networks, n’a jamais percé sur le marché. Dix-huit mois plus tard, son développement était abandonné. C’est Xylan (racheté par Alcatel, en avril 1999, pour 2 milliards de dollars) qui a officiellement repris le flambeau des gros commutateurs pour réseaux d’opérateurs. Annoncée pour le second semestre 2000, l’arrivée d’une nouvelle génération a finalement été ajournée. ‘ Le commutateur de Xylan serait arrivé trop tard sur le marché, reconnaît Serge Tchuruk, président d’Alcatel, qui confirme qu’il a été mis un terme aux adaptations en cours. ‘ Et de préciser que Xylan, avec son OmniPCX, est désormais ‘ recentré à 100 % sur le marché des entreprises ‘.
Concrètement, c’est donc sur le dernier des gros commutateurs de Newbridge que s’appuiera désormais Alcatel pour pénétrer le marché des opé-rateurs, où Newbridge possède de belles références. Fait significatif : la nouvelle entité (Carrier Internetworking), qui va rassembler les activités de Newbridge et des filiales américaines d’Alcatel dans les réseaux de données, sera dirigée par Pearse Flynn, ancien directeur général du constructeur canadien. Cet homme, à la réputation de gestionnaire, aura pour mission de poursuivre le resserrement du dispositif (10 % des effectifs de Newbridge ont été supprimés au cours de ces derniers mois).

Boucle locale LMDS et DSL, qui fera quoi ?

Au-delà de l’ATM, Newbridge avait également des visées sur la boucle locale radio, notamment depuis le rachat l’an passé, pour 280 millions de dollars, de Stanford Telecommunications (qui met en ?”uvre le LMDS, Local multipoint distribution service). Une technologie, à 100 % redondante avec celle d’Alcatel, qui a aussi de grandes ambitions dans le LMDS. Et le Canadien n’a que peu de références dans ce domaine (singulièrement en France, où son expérimentation avec 9 Telecom s’est soldée par un échec). Autre redondance évidente, les technologies xDSL, où Alcatel est bien positionné et où les références de Newbridge sont limitées. Alcatel, lui, revendique 50 % du marché mondial du xDSL, avec 1,5 million de lignes installées en 1999.
Le dernier actif significa- tif du Canadien est le fonds d’investissement Newbridge Networks Holding, dont la valeur atteindrait plusieurs centaines de millions de dollars. ‘ Compte tenu des participations dans des sociétés cotées, 150 à 200 millions de dollars de plus-values sont immédiatement disponibles ‘, estime Jean-Pierre Halbron, directeur financier d’Alcatel. Enfin, quel sera le sort de l’accord de distribution des produits du Canadien par Siemens ? Officiellement, Alcatel et Siemens désirent poursuivre leur collaboration. En ce qui concerne Newbridge, Pearse Flynn indiquait en octobre dernier que l’alliance allait s’estomper progressivement, ce que confirme effectivement Newbridge France en avouant que la collaboration était terminée. Une vision sans doute plus réaliste du terrain.

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Henri Bessières