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Le service de livraison par drone d’Amazon est-il vraiment crédible ?

La firme vient de dévoiler un nouveau prototype surprenant d’aéronef hybride. L’expert Rodolphe Jobard a passé ses spécificités au crible pour 01net.com. Voici son verdict.

Ancien cadre d’EDF où il a introduit le recours aux drones sur les chantiers pour obtenir une vision reconstituée des terrains, Rodolphe Jobard est aujourd’hui à la tête de la société Dronea et l’auteur du livre Les drones. La nouvelle révolution aux Editions Eyrolles. Il nous livre ses premières impressions sur le nouveau drone de livraison qu’Amazon vient de présenter dans une vidéo.

DR – Rodolphe Jobard.
  • Le timing : un bon coup de pub’
    Rodolphe Jobard : « Amazon nous refait le même coup qu’il y a deux ans en se présentant opportunément comme un champion de l’innovation, au moment précis où les gens commencent à acheter leurs cadeaux de Noël. L’idée est évidemment d’en tirer profit pour vendre davantage de produits dès maintenant.»
  • Le design: des formes étranges sans réel intérêt aérodynamique
    « C’est un design étrange que je n’ai encore jamais vu sur un drone autonome. L’engin combine à l’arrière une queue comme on peut en voir sur un avion de ligne et une forme en canard avec une aile à l’avant pour l’empennage, à l’image de certains avions de chasse comme le Rafale, par exemple. Les ingénieurs cherchent-ils à obtenir davantage de maniabilité ? De stabilité ? Ou à rendre le drone plus rigide ? Difficile de voir l’intérêt d’un tel design, à part faire le buzz avec une forme originale.»
  • Les moteurs: un choix intéressant mais pas abouti
    « Le choix d’un drone hybride est plutôt ingénieux. La solution retenue est la plus simple : spécialiser les moteurs. La plupart sont donc mobilisés uniquement pour décoller et atterrir comme un hélicoptère, tandis qu’un autre assure seul la propulsion en vol comme un avion. Le tout a pour but de voler plus loin et plus longtemps.

    Mais cela pose des problèmes. Cela alourdit le poids du drone -on parle de 24 kilos ce qui n’est pas rien- et nécessite des batteries plus grosses ainsi que des pièces qui ne sont pas standard. Au final, le coût du vol devient beaucoup plus cher pour une charge utile identique de un ou deux kilos. Moralité : Amazon ferait mieux de continuer à livrer ses colis par camion ! La vraie innovation aurait été de réussir à produire des moteurs basculants : c’est-à-dire qui servent à la fois pour décoller, voler et atterrir. Il n’y a qu’un seul avion hybride de ce genre pour le moment dans le monde : le Boeing-Bell V-22 Osprey.» 

  • Le mode d’atterrissage : à retenir
    « L’idée de se poser sur une cible préalablement déposée par le client est intéressante et elle se pratique déjà.»
  • Une industrialisation impossible en l’état actuel
    « En admettant qu’Amazon parvienne à faire baisser le coût d’un tel engin, deux obstacles paraissent difficiles à surmonter. Le système de navigation autonome pour détecter et éviter les obstacles, tout d’abord. Il y a des expérimentations dans ce sens en laboratoire, des solutions existent remplacer le GPS mais on est encore très loin de pouvoir éviter un obstacle qui surviendrait brusquement comme une grue, un autre avion ou un oiseau. 
    Enfin, il faudrait qu’Amazon recouvre le territoire de hangars et transforme totalement ceux qui existent déjà. Ce ne sont pas les quelques tapis roulants que l’on voit dans la vidéo qui pourraient assurer des milliers de livraisons par jour ! »

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Amélie Charnay