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Le capital-risque s’invite chez les éditeurs de jeux vidéo

Face à l’inflation des coûts de développement, la France adopte le modèle de financement en vogue aux Etats-Unis.

Rééquilibrer le rapport de forces financier qui lie les studios de développement aux éditeurs de jeux. Voilà le programme que les trois associés d’Interactive Finance se sont fixé en créant le premier fonds d’investissement européen spécialisé dans la production de jeux vidéo, Game Production Fund I.

L’aide aux idées originales

À court terme, d’ici à la fin de l’année 2002, ils ambitionnent de réunir quelque 50 millions d’euros pour financer tout ou partie des jeux vidéo originaux, souvent les plus chers, développés par des studios français, belges, suisses, britanniques ou encore allemands. Des jeux originaux, par opposition aux jeux de licence (cinéma, sport, etc.) qui sont légion et moins risqués.En effet, vu l’inflation des coûts de développement des logiciels de jeu ?” de 1,5 à 6 millions d’euros, avec parfois des pics à 30 millions d’euros comme pour le jeu japonais Final Fantasy ?”, nombreux sont les éditeurs qui ont opté pour le développement d’un catalogue de titres composés essentiellement de jeux sous licence. Le marketing est simple et le succès en magasin presque assuré. Ainsi, l’Américain Electronic Arts, avec ses deux labels EA Games et EA Sports, a mené cette politique d’édition de jeux de sport, qui lui vaut en partie son leadership mondial. Ses produits s’appuient sur les marques Fifa (football), NBA (basket) ou encore NHL (hockey).En Europe, le 25 avril, Infogrames annonçait le rachat des studios Shiny pour 47 millions de dollars (51,6 millions d’euros), afin de récupérer la licence Matrix que le studio détenait. Pour Romain Poirot-Lellig, associé d’Interactive Finance, “après la phase d’intégration verticale, entre 1995 et 2000, où les éditeurs rachetaient des studios de développement, la priorité pour eux à présent serait plutôt au développement des réseaux de distribution et à l’acquisition de licences”.Moins de risques, logique marketing excessive, les jeux originaux seraient-ils l’apanage des studios externes. L’exemple est montré par des studios français indépendants. Parmi les titres originaux à succès, on compte Alone in the Dark IV (plus de 1,5 million de copies vendues) par Darkworks, le très spécial Nomad Soul (dont la bande originale était assurée par David Bowie) par Quantic Dream ou encore Night Mare Creature (1,5 million d’exemplaires vendus) et Ultimate Race Pro (1 million de pièces écoulées) par feu-Kalisto.

Un chemin de croix

Pour la production d’un titre original par un indépendant, le chemin de croix est connu : idée originale, présentations répétées aux éditeurs pour les convaincre d’investir. Avec de la chance, le studio est suivi par un éditeur. S’ensuivra entre 18 et 36 mois de développement pendant lesquels le studio vivra d’avance sur royalties. À la merci de l’éditeur, qui pourra à loisir réduire ou augmenter le budget total.Une autre solution se dessine. Le capital-risque. Un relais de financement pour des projets refusés par les éditeurs pour de multiples raisons : risque financier trop important, inadéquation avec l’unité marketing du catalogue, ou encore avance sur royalties trop faible. Mais il est difficile de prendre sa liberté, car l’éditeur reste la porte d’entrée au marché de la distribution.“La difficulté pour un développeur, s’il vient présenter trop tard son produit, est de ne pas suivre le schéma marketing voulu avec les éditeurs. Kalisto n’a pas pu vendre ses produits dans les premiers temps, il a poursuivi la production ce qui l’a conduit à investir encore et encore”, observe Yves Guillemot, PDG d’Ubi Soft. La fin, on la connaît. Exsangue, faute de soutien financier, Kalisto est liquidé avec un assez vaste catalogue de produits provisoirement en sommeil.

Sur le modèle du cinéma…

Hervé Caen, PDG de Titus, estime quant à lui que le modèle de financement du jeu vidéo suit celui du cinéma, qui est sensiblement plus mature. “Dans notre secteur, il n’est pas rare qu’un projet s’arrête par défaut de financement, ce qui n’est pas le cas dans le cinéma. Aux États-Unis, des éditeurs comme Activision ou encore Midway ont déjà basculé dans un modèle de financement externe. Pour Titus, opter pour ce mode de refinancement permettrait de dégager chaque année 70 millions d’euros de trésorerie”, conclut-il.Signe fort, au Japon où le jeu est roi, Hiroshi Yamauchi, le patron de Nintendo, a créé en janvier 2002, un fonds doté de 20 milliards de yens (quelque 172,9 millions d’euros) ?” Fund Q ?” pour accompagner des projets de jeux pour les plateformes de sa société. Le portage sur Game Cube de la saga Final Fantasy?” jusqu’à présent une exclusivité Play Station ?” est à l’ordre du jour.

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Amaury Mestre de Laroque