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La PDG de YouTube annonce son départ avant une grande bataille juridique

Susan Wojcicki, la PDG de YouTube chez Google depuis neuf ans, a annoncé son départ de l’entreprise. Elle restera une conseillère auprès d’Alphabet à l’avenir, alors que l’affaire « Gonzalez v. Google » s’apprête à être débattue.

Susan Wojcicki a officiellement annoncé qu’elle quittait ses fonctions de PDG de YouTube au sein du grand conglomérat Alphabet. Une lettre adressée à ses employés et publiée par Recode souligne que ce départ est surtout lié à une envie personnelle de changement :

« Aujourd’hui, après presque 25 ans, j’ai décidé de me retirer du rôle de PDG de YouTube et démarrer un nouveau chapitre focalisé sur ma famille, ma santé et les projets personnels dont je suis passionnée. Le timing est parfait pour moi, et je sens être capable de le faire puisque nous avons une incroyable équipe dirigeante en place chez YouTube. »

À la suite de cette annonce, Neal Mohan reprend la direction de YouTube, lui qui était auparavant le responsable produit, mais pas exactement au statut de PDG. Il sera vice-président senior et chef de YouTube. Il est arrivé chez Google en 2007 après l’acquisition de DoubleClick, et a travaillé avec Susan Wojcicki pendant 15 ans.

Une page se tourne définitivement chez YouTube

L’annonce fait l’effet d’un raz de marée auprès des créatifs de YouTube. Susan Wojcicki est, après tout, la PDG étant restée le plus longtemps à la barre de YouTube, de 2014 à 2023 précisément, et elle est aussi une figure phare de l’évolution de Google. La femme d’affaires a en effet rejoint l’entreprise il y a 25 ans sous l’égide des fondateurs Larry Page et Sergey Brin, et a été centrale dans l’évolution de plusieurs produits de l’entreprise comme Image Search ou AdSense.

Mais plus important encore, c’est elle qui a encouragé Google à racheter YouTube en 2006, une plate-forme de vidéo devenue aujourd’hui un produit phare de l’entreprise, au point que de nombreuses personnes pensent qu’elle a été fondée par les créateurs du moteur de recherche. En reprenant les rênes de YouTube en 2014, Susan Wojcicki n’a pas hésité à en devenir le visage public, quitte à attirer sur elle les foudres de la communauté. Dans le milieu des plates-formes VOD, il s’agit d’un fait assez rare pour être noté ; qui connaît vraiment Emmett Shear, le PDG de Twitch ? A contrario, Susan est restée une figure de proue qui n’hésitait pas à interagir avec ses vidéastes, notamment l’ex-star de Twitch devenu YouTubeur Ludwig Ahgren.

Sous sa direction, YouTube est devenu toujours plus importante pour Alphabet. En 2022, la plateforme de VOD représentait plus de 10% des bénéfices engrangés par la maison-mère. Cependant, du côté public des choses, les décisions prises par la plateforme ne se sont pas toutes révélées populaires. Si l’intégration et la rémunération des Shorts sont encensées depuis quelques mois, la suppression du compteur de dislike ou les nombreux changements presque ésotériques de l’algorithme de recommandation n’ont pas fait que des heureux.

Pour la santé, ou face à la crise ?

Si le départ de Susan Wojcicki, qui restera malgré tout conseillère auprès d’Alphabet sur les prochaines évolutions de la plateforme, est marquant, c’est aussi pour le contexte dans lequel il est réalisé. Bien que l’ancienne PDG mette en avant une envie d’autre chose, il faut aussi voir que Google et YouTube sont au milieu d’une affaire importante : Gonzalez v. Google.

L’affaire débattue par la Cour Suprême des États-Unis depuis fin 2022 questionne la responsabilité de la plate-forme YouTube et de Google dans le cadre des attaques terroristes de novembre 2015 à Paris. Nohemi Gonzalez, une étudiante de 23 ans, y a tragiquement perdu la vie, poussant sa famille à attaquer YouTube et son système de recommandation qui est accusé d’avoir promu des vidéos de recrutement d’ISIS et conduit à cette attaque.

Cette affaire s’attaque à la Section 230 du Communications Decency Act de 1996, qui donne l’immunité aux plates-formes d’hébergement de contenu face à l’influence du contenu lui-même. La famille Gonzalez a pu faire appel et argumente que l’algorithme de recommandation de YouTube agit non pas en tant qu’hébergeur, mais en tant que créateur de contenus. Auquel cas, la Section 230 ne s’appliquerait pas face au Anti-Terrorism Act, qui permet d’attaquer les sources d’influence terroriste et supplanterait la défense de Google.

Il s’agit ici d’un très bref et incomplet résumé de l’importance de cette affaire judiciaire, mais comprenez une chose : dans ce cadre, Gonzalez v. Google a la possibilité d’éroder la Section 230, qui est le grand bouclier derrière lequel l’économie des plates-formes de VOD s’est érigée. Il est souvent dit que cette section est ce qui permet à Internet d’exister. Si la famille Gonzalez venait à l’emporter, la jurisprudence ainsi créée pourrait définitivement changer le visage d’Internet tel qu’on le connaît aujourd’hui.

Dans ce cadre, il est difficile d’estimer si la décision de Susan Wojcicki a bien été prise pour son bien-être personnel ou face à un cas d’une ampleur sans précédent pour YouTube. L’affaire Gonzalez v. Google sera débattue à partir du 21 février à la Cour Suprême, soit quelques jours après son départ.

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Source : Recode


Maxime "OtaXou" Lancelin-Golbery
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