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Isabelle Fringuet reste sur ses gardes

Témoignage d’une combattante qui s’est imposée à la vice-présidence du site Seniorplanet.

Isabelle Fringuet, la vice-présidente de Seniorplanet, une start-up qui a réalisé deux tours de table pour un montant global de 9,6 millions d’euros, décrit sans concession les étapes de son parcours de la combattante qui la mène à 41 ans, à la direction d’une équipe d’une trentaine de personnes. Ni militante, ni féministe, elle constate au quotidien un écart de comportement et de discours du simple fait d’être une femme. “Le pouvoir a une fâcheuse tendance à rester aux mains des hommes. Même si la petite folie web a donné une chance aux femmes d’accéder à des postes clés, j’ai l’impression que les mêmes schémas hiérarchiques sont en train de se remettre en place“, explique t-elle.

Parcours du combattant

Pendant 15 ans, Isabelle Fringuet évolue dans la publicité. Entrée chez Havas Régie dans la région Languedoc-Roussillon comme commerciale, elle aligne de très bons résultats de vente et postule, trois ans après, à un poste de chef de pub. “ La région créait un pôle conseils… Alors que j’avais une certaine légitimité à solliciter ce poste, c’est un homme, qui était entré dans la société depuis un an, qui l’a décroché. Je suis persuadée que le fait d’être une femme a pesé dans la décision.“Elle démissionne et rejoint une agence de communication comme directrice de clientèle, puis un spécialiste de l’événementiel, au poste de responsable France grand Sud. “Dans les deux cas, il s’agissait de petites structures. Il fallait être multi-compétences, et je n’ai ressenti aucune différenciation entre hommes et femmes. C’est en entrant dans le grand moule du business que les choses ont changé.“Entretemps, Isabelle Fringuet a créé seule une agence de relation presse spécialisée sur les seniors et a retrouvé une ancienne connaissance, Jean-Paul Treguer, spécialiste et initiateur du senior marketing. Ils ouvrent en 1997 le site Seniorplanet, créent une SARL pour sou-tenir le projet mais en conservant chacun leurs activités respectives. Deux ans plus tard avec le boom des start-up le site prend de la valeur. Les deux associés sont rejoints par Thierry Casseville, l’ancien PDG de Pepsico France, en tant que business angel, et la recherche de fonds commence. La dimension ” pouvoir ” commence à entrer en compte.

La dimension “pouvoir”

Les investisseurs exigeaient un profil technique. L’équipe comptait un développeur, Benjamin Cassan, et nous avons décidé de le faire entrer dans le capital. J’ai aussitôt accepté de céder une partie de mes parts, puisqu’il s’agissait de la survie de l’entreprise. Quelque temps après, Thierry Casseville a rejoint la société. Il était logique qu’il prenne une participation plus importante. C’est alors que je me suis insurgée d’une demande qui semblait évidente pour tous : même si j’avais été la seule à céder des parts la première fois, j’aurais quand même dû céder un pourcentage égal à celui de Jean-Paul Treguer.“C’est cela qui agace Isabelle Fringuet : devoir en permanence se justifier et recadrer le discours. Qu’il s’agisse de points négatifs comme de points positifs. “ Un jour, nous avons vécu un “clash” avec nos investisseurs. J’ai beaucoup de sang froid, alors que mes deux associés ont lâché prise après une discussion longue et houleuse, j’ai poursuivi la négociation et fait pencher la décision de notre côté. Et bien, j’ai été choquée des félicitations excessives qui ont suivi. Comme s’il était très étonnant que j’ai pu y arriver. “Isabelle Fringuet assure pourtant qu’elle s’entend particulièrement bien avec ses associés, mais note un comportement différent à son égard, qu’elle attribue plus à une attitude globale à laquelle les femmes dirigeantes sont confrontées. Aujourd’hui, si c’est elle qui dirige au quotidien l’équipe, elle reste sur ses gardes. “Je sais que je dois être vigilante, et qu’il va me falloir jouer avec une forme établie de machisme. Je suis devenue DG parce que j’ai été la seule à accepter de m’impliquer dans l’entreprise à 100 % . Ce qui m’a obligé à recruter quelqu’un à ma place pour mon agence de relation presse. Maintenant que la direction de la société s’avère réellement stratégique, la donne peut changer.

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Laure Deschamp