Passer au contenu

Intel fait sa révolution, et ouvre ses usines et technos pour concurrencer TSMC… et ARM

Dans un contexte de pénurie de semi-conducteurs et de recherche de souveraineté technologique, Intel ouvre ses usines – et ses technologies – aux commandes de clients externes. De quoi remettre en question la domination de TSMC… et d’ARM ?

« Intel est de retour. Le vieil Intel est désormais le nouvel Intel ». C’est par ces mots que Pat Gelsinger, nouveau PDG du géant américain, a annoncé dans la nuit, à la fermeture des marchés et lors d’une conférence exceptionnelle, la révolution qu’Intel vient d’amorcer. Car il s’agit bien d’un bouleversement de sa stratégie et de sa position sur les marchés du semi-conducteurs.
Après des années marquées par ce qui semblait une prise de retard technologique irrattrapable et, plus récemment, des annonces de délégation de production de certaines puces à son concurrent TSMC, le géant de Santa Clara va ouvrir ses usines et devenir un fondeur qui prend les commandes de clients.
À la façon d’un TSMC ou d’un Samsung, le géant Intel, qui reste un concepteur de processeurs, va transformer son modèle économique en tirant parti de son outil industriel pour produire pour les autres au travers de son service Intel Foundry Services.

Si l’annonce a de quoi surprendre quand on pense aux soucis d’Intel à passer à la gravure 7 nm et aux différentes pénuries internes, l’arrivée de Pat Gelsinger a remis certaines choses à plat.
Le nouveau CEO a expliqué l’origine des retards du 7 nm chez Intel – process basés sur des machines non EUV (extreme ultraviolet lithography), etc. Mais il s’est également voulu rassurant et a indiqué que ce processus enregistre de bons progrès et recourt de plus en plus à l’EUV dans un flux de production qui a été repensé et simplifié.
Au point d’ailleurs que Pat Gelsinger a pu confirmer que ses premiers processeurs Meteor Lake, en 7 nm sont bel et bien attendus pour le second trimestre de cette année. Toutefois, cette taille de gravure ne devrait pas être généralisée avant 2022 ou 2023 – laissant de la marge à TSMC et Samsung pour la gravure de pointe – la stratégie d’Intel va au-delà de la « simple » course à la finesse. Elle se résume en mot : packaging.

L’avènement des System in a Package (SiP)

Si le géant californien a bien du retard « en finesse », il est à la pointe dans « l’assemblage » de puces. Avec ses technologies Foveros et EMIB, Intel sait mieux que quiconque non seulement accoler, mais aussi empiler des « blocs » de puces.
Contrairement à la philosophie monolithique des puces de smartphones, les puces tout-en-un que l’on appelle « SoC » (system on a chip), Intel met ici en avant les « System in a package » (SiP). Des « super puces » réunissant non seulement des éléments calcul ou traitements du signal – CPU, GPU, modem – mais aussi de la mémoire (RAM, ROM) ou des MEMS.

Le portfolio des technologies d’Intel permet, dans ce domaine, de produire des puces complexes en mélangeant des briques produites avec différents procédés de fabrication – 16 nm, 5 nm, 10 nm, etc. Il autorise surtout à les empiler les unes sur les autres. De quoi faire des puces complexes moins chères (meilleurs rendements des chips de petite surface, utilisation des procédés les plus performants selon les besoins) et de plus petites dimensions.

Si Intel ne peut pas (encore) graver tous les éléments d’une puce de type SiP, Pat Gelsinger ne s’est pas caché de travailler main dans la main avec TSMC notamment. Selon les procédés demandés, Intel peut donc produire tout ou partie d’une puce, et dans le cas des puces complexes, assembler les différents éléments. C’est là qu’arrive une seconde surprise : Intel ne fait pas qu’ouvrir ses usines, il ouvre aussi sa propriété intellectuelle.

Produire… et vendre ses IP

Si Intel est désormais à la fois concurrent et partenaire de TSMC et autres fondeurs, avec Intel Foundry Services, le groupe américain se retrouve aussi concurrent et partenaire d’ARM et RISC-V.
Partenaire, car en tant que futur sous-traitant, Intel va devoir produire des puces intégrant des cœurs de ce type – il dispose d’ailleurs de brevets dans ces domaines. De manière intéressante, en annonçant être prêt à produire des puces à coeurs RISC-V, Intel lui donne encore plus de la légitimité.

Et, également concurrent, donc, car Intel Foundry Services va donner accès à ses propriétés intellectuelles en matière de CPU x86 ou de GPU. En clair : chez Intel Foundry Services, les clients pourront non seulement faire fabriquer un SoC à base de cœurs ARM, mais aussi concevoir leur propre puce « custom » à cœurs x86 et GPU Xe.
Une première pour Intel qui a certes conçu des puces custom pour certains clients, mais qui n’a jamais ouvert la possibilité à quiconque de développer son propre SoC/SiP à base de cœurs x86.

Quatre nouvelles usines pour augmenter la production

Intel – L’usine “Fab 42” du campus d’Ocotillo en Arizona (USA) est l’une des usines de pointe d’Intel qui produit des puces en 10 nm.

Pat Gelsinger a annoncé que des entreprises comme Google, Cisco, Qualcomm ou Microsoft, dont le patron Satya Nadella est même intervenu durant la conférence, sont intéressées par le programme Foundry Services. Mais pour absorber cette nouvelle demande ainsi que les besoins propres d’Intel, le nouveau patron – et employé historique de l’entreprise puisqu’il y a officié de 1979 à 2009 – a annoncé la construction de deux nouvelles usines en Arizona sur le site d’Ocotillo, à côté de Phoenix.
À ces deux sites validés, s’ajoutent deux autres usines, l’une aux Etats-Unis et l’autre en Europe dont la construction devrait être annoncée « dans le courant de l’année », selon Pat Gelsinger.  

Loin d’être des annonces anodines, la construction des usines d’Ocotillo représente un beau chèque de 20 milliards de dollars « sans aucun penny du gouvernement (américain) » a même précisé le PDG d’Intel. Un détail qui n’en est pas un, tant la nouvelle stratégie du fondeur pourrait avoir d’importance future dans la guerre économique et technologique que la Chine et les Etats-Unis se livrent depuis quelques années maintenant de manière plus ou moins ouvertes.
Si le total des investissements pour les deux autres sites, américain et européen, n’a pas été précisé les montants devraient être assez proches, les machines de gravure de dernière génération étant très chères (180 millions de dollars environ pour une machine EUV de chez ASML).

A découvrir aussi en vidéo :

 

Prêchant l’arrivée d’un « nouvel Intel » qui s’appuierait sur les forces de « l’ancien Intel », Pat Gelsinger a voulu rassurer d’un côté, notamment quant aux capacités d’Intel de tenir les délais pour ses clients et à assurer une feuille technologique à la pointe. Mais il s’agissait aussi de séduire une industrie qui fonctionne actuellement à flux tendu et qui a réalisé dans la douleur son hyper dépendance à TSMC.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.