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Faut-il vraiment roder vos enceintes pour améliorer leur qualité sonore ?  

Conseillé ou décrié, le rodage peut-il modifier le son de vos dernières enceintes ? On fait le point sur cette pratique étonnante du monde de l’audio.

Saviez-vous qu’il existe un moyen méconnu pour améliorer la qualité audio de vos enceintes ? Méconnu, et même controversé : il s’agit du rodage des haut-parleurs. Une pratique chaudement recommandée par les marques haut de gamme, mais pourtant absolument absent du discours des constructeurs grand public.

Comme pour une voiture, l’idée est d’utiliser des enceintes neuves à volume raisonnable pendant plusieurs dizaines d’heures. Inutile de rester devant à les écouter, vous pouvez les laisser tourner même lorsque vous êtes absent de chez vous. Certains vont jusqu’à vendre des CD contenant des sons spécifiquement dédiés à cet exercice pour tout de même 30 euros (on n’a jamais payé un CD aussi cher). Certaines vidéos sur YouTube proposent même 10 heures de bruit rose dédié à cet exercice.

https://www.youtube.com/watch?v=OS931VC09Ww

Assouplir la suspension d’un haut-parleur

Le but est de parvenir à assouplir la suspension externe et le spider (son équivalent invisible placé à l’intérieur du haut-parleur) de manière à ce qu’ils atteignent leur rigidité nominale, celle voulue par le fabricant. Ces parties souples d’un haut-parleur qui vient de sortir d’usine sont encore trop rigides pour lui permettre de s’exprimer pleinement. En résulte le plus souvent des médiums et des basses trop limitées par rapport au rendement attendu.

« Nous recommandons de roder nos enceintes entre 48h et 8 jours d’affilée selon le modèle, confirme à 01net.com Nicolas Berard, chef de produit chez Focal, constructeur d’enceintes françaises haut de gamme. Le spider est composé d’un tissu polymérisé qui doit impérativement s’assouplir pour atteindre sa rigidité optimale. »

« Pour nous, ce n’est même pas un sujet. Cela fait quarante ans que nous créons des enceintes en maîtrisant toute la chaîne de fabrication, du haut-parleur au produit fini. Nous concevons nos propres machines-outils dans notre usine de Saint-Etienne. Même notre labo de recherche et développement rode les haut-parleurs avant de les utiliser dans un prototype », insiste-t-il.

Les marques grand public n’en parlent même pas

Pourtant, les marques grand public ne tiennent pas du tout ce discours. Pour Jonathan Levine, fondateur et PDG du constructeur new-yorkais Master & Dynamic (à l’origine des excellents écouteurs MW07), « ce n’est pas la peine de faire ce genre de choses, nos produits offrent la meilleure expérience dès leur sortie de l’usine ».

Même son de cloche du côté de Sonos : « Nos enceintes sont issues d’une fabrication de masse, la structure mécanique de leurs haut-parleurs produit dès l’origine une réponse en fréquence optimale qui correspond à la manière dont on les fabrique », abonde Greg McAllister, responsable de l’expérience sonore de la marque. « Sonos ne fait pas le même métier que nous, rétorque Nicolas Debard. Ils sont très bons pour concevoir des systèmes multiroom, mais sont à des années-lumière de notre domaine de compétence ».

Un impact difficile à mesurer

Pourtant, le chef de produit de Focal concède que le résultat n’est pas vraiment mesurable sur une courbe de réponse en fréquences, l’un des essais incontournables que le labo de 01net.com réalise sur tous les produits audio que nous testons ; une sorte de carte d’identité de l’enceinte qui met en lumière les fréquences pour lesquelles elle est la moins performante. « Malgré tout, on s’aperçoit par exemple que les médiums n’ont pas le même équilibre tonal après un rodage », justifie-t-il.

Si le résultat est difficile à mesurer, ne serait-il pas issu d’un tour de passe-passe joué à notre cerveau ? « J’ai été formé à la psycho-acoustique, précise Greg McAllister, qui était ingénieur du son aux mythiques studios Abbey Road de Londres avant de rejoindre Sonos. Et les études dans le domaine montrent souvent que le cerveau peut nous jouer des tours en allant dans le sens que l’on désire ».

L’argument psycho-acoustique

L’un des arguments que l’on retrouve souvent sur les forums d’audiophiles parmi les sceptiques du rodage est que celui-ci ne sert qu’à laisser le temps au cerveau de s’habituer au rendu sonore de l’enceinte qu’on vient d’acheter. On peut en effet être déçu de sa restitution par rapport à ce qu’on avait entendu en magasin, pour tout un tas de raisons : notre ampli, notre DAC ou nos câbles sont par exemple moins performants que ceux utilisés par le revendeur. La période de rodage s’apparenterait alors plus à un temps d’adaptation du cerveau qui finit par se convaincre au bout de quelques jours que le son est finalement de meilleure qualité.

« Si je vous fais écouter la même chanson à trois jours d’intervalle sur la même paire d’enceintes, je vous assure que vous noterez une différence, s’engage Nicolas Debard. Bien entendu, comme avec une voiture, un rodage ne transformera pas votre moteur de 2 litres de cylindrée en moteur de 3 litres. Mais c’est l’approche la plus intéressante pour optimiser les performances d’un système audio haut de gamme ».
Si vous avez craqué récemment pour des enceintes hi-fi, vous savez donc ce qu’il vous reste à faire. Si votre dernier achat en date est un Google Home, ne comptez pas sur un rodage pour qu’il sonne correctement.

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Jean-Sébastien Zanchi