Passer au contenu

Fabricants de semiconducteurs : qui va disparaître ?

Il y a dix ans, tous les observateurs s’accordaient à penser qu’il existait beaucoup trop de sociétés de semiconducteurs généralistes et que l’on allait assister à des fusions. Or, même après la crise de 2001, on attend toujours. Encore
longtemps ?

‘ Seuls ceux qui couvriront au moins 5 % du marché mondial pourront survivre à terme. ‘
‘ En dessous d’un chiffre d’affaires de 8 Md$, impossible de pouvoir s’offrir une usine
300 mm. ‘
‘ A force de voir le prix moyen des semiconducteurs s’écrouler, certains ne vont plus pouvoir investir et donc disparaître. ‘
Elles ont été nombreuses, ces dix dernières années, les
petites phrases nous annonçant la mort des plus faibles parmi les fabricants de semiconducteurs généralistes. Mais mis à part les fusions conduisant aux Elpida et autres Renesas au Japon, il ne s’est rien passé ; la fameuse consolidation de
cette industrie n’a pas eu lieu. Pire : Samsung et TSMC sont entrés à leur tour dans la cour des grands, devenus d’ailleurs pour la plupart, et par la même occasion, des moyens. Pour quelles raisons ? Cette situation peut-elle
perdurer ?Nous voyons trois raisons principales à cet immobilisme apparent. La première est que les prix moyens des circuits intégrés se sont tellement envolés en 1996 que le cash généré a permis à toutes les sociétés concernées d’investir
suffisamment pour tenir cinq ans, le sursaut de 2000 donnant un coup de pouce pour tenir deux ans de plus. Ce n’est que depuis 2002 que les sociétés les plus faibles se rendent ainsi réellement compte de leur faiblesse.La deuxième raison est la montée en puissance des services de fonderie : confier une partie de ses productions à des spécialistes tels TSMC et UMC permet d’investir moins que la normale (souvent 17 % du CA au lieu de 25 %
comme autrefois) et donc de présenter aux actionnaires des comptes améliorés qui masquent d’éventuelles faiblesses. L’une des raisons qui font que TI ou Freescale présentent des résultats plutôt bons par rapport aux attentes est que ces sociétés ne
veulent plus investir que 10 % de leur CA, c’est-à-dire 2,5 fois moins que la normale. Les sommes correspondant au différentiel d’investissement sont ainsi utilisées soit pour croître, soit pour retrouver une marge bénéficiaire
‘ normale ‘.Dernière raison, les sociétés de semiconducteurs sont difficiles à racheter du fait d’un coût en Bourse très élevé : Xilinx vaut par exemple actuellement 9 Md$, Freescale 10 Md$, ST 10 Md$. Des fusions par échange
d’actions restent donc théoriquement possibles mais des OPA seraient difficilement acceptées par les actionnaires car les endettements des acquéreurs monteraient en flèche.

Cinq années de répit

Cette situation risque-t-elle de perdurer ? Sans doute quelques années encore : toutes les sociétés qui n’investissent actuellement que 17 % de leur CA pourraient passer à 10 % de leur CA en évoquant une volonté
d’externalisation ‘ stratégique ‘ : elles disposent toutes aujourd’hui d’usines relativement modernes qui demanderont bien cinq ans avant de devenir non compétitives face aux nouvelles usines
chinoises (même après cinq ans, comme elles seront amorties, certaines pourront encore survivre). Chiffre d’affaires généré à partir de productions internes constant, augmentation de l’externalisation (qui conduit à des marges plus faibles mais sans
investissement) et 7 % du CA récupéré sur les investissements, tel est le cocktail non vertueux qui pourrait permettre aux plus faibles de tenir encore quelques années. D’autant que certains abandonnent actuellement la fabrication des gammes de
leurs produits les moins rentables.La situation risque de durer d’autant plus longtemps que, du fait des sous-investissements de ces trois dernières années, les produits vont devenir plus rares, donc plus chers… Les marges générées pourraient ainsi bientôt
permettre aux plus faibles de réinvestir et donc de repousser la phase de consolidation au prochain cycle, dans cinq ans.Qui, aujourd’hui, est le plus fragile dans le monde occidental ? Incontestablement IBM, qui cherche d’ailleurs actuellement à vendre toutes ses usines (ou ses parts dans des usines communes), à l’exclusion de son unité de
Burlington (l’équivalent de Crolles 2 de ST… avec quelques mois d’avance). Vient ensuite Philips, qui souffre entre autres du cours de l’euro, comme Infineon et ST d’ailleurs. Tous vont être condamnés à ‘ faire
quelque chose ‘
si la reprise du dernier semestre n’arrive pas. Freescale, lui, a la chance d’avoir l’essentiel de ses coûts en dollars et sort donc pour l’instant de la liste rouge.(*) Directeur de la rédaction d’ Electronique International Hebdo.Prochaine chronique jeudi 9 juin 2005.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Jean-Pierre Della Mussia*