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Eric Barbry (avocat): “La LSI prévoit un dispositif spécifique pour le droit de réponse sur Internet”

Si la liberté d’expression est un des principes fondamentaux des droits de l’homme sur le Net, comme hors du Net, nombreuses sont les questions qui restent en suspens.

Bonjour à tous et à toutes. Nous sommes très heureux de recevoir Eric Barbry.Bonjour à tous.Claudia : J’ai très récemment découvert des sites à tendance raciste et prônant la haine raciale hébergés par Free, que puis-je faire ?Il y a des associations bien implantées qui peuvent vous servir de relais.Feromon : Avez-vous des exemples d’affaires faisant maintenant jurisprudence en matière de liberté d’expressions ?Il y en a comme dans pratiquement tous les secteurs du droit. Les plus récentes sont une décision de la cour de cassation en matière de prescription pour diffamation et une décision d’un juge américain dans l’affaire que vous connaissez sans doute sous le nom de “Yahoo”.Claire : Les contributions à un forum peuvent-elles faire l’objet de poursuite pénales si ces contributions, hors Internet, auraient pu en faire l’objet ?Je ne suis pas certain d’avoir parfaitement compris la question mais globalement il faut bien comprendre que tout ce qui est illicite dans le ” mode moléculaire ” sera a priori illicite sur Internet.Fille : Vous pouvez nous en dire un peu plus sur la décision du juge américain dans l’affaire Yahoo ?Oui, l’affaire a commencé il y a… bien longtemps. Il était une fois un FAI dont l’un des services de vente aux enchères comportait de la vente d’objets avec des emblèmes nazis. Plusieurs associations françaises ont engagé un contentieux contre des prestataires au motif que des internautes français pouvaient accéder à ce service.Jérôme : Pensez-vous qu’on puisse vraiment légiférer sur Internet ? Le système est tel que l’on ne peut pas empêcher la circulation d’infos à partir du moment où elles sont sur la Toile.. Quel est votre avis quand à l’avenir du Net sur ce plan là ?C’est au moins ce que le Conseil de l’Europe essaye de faire. Le conseil a adopté récemment une convention dite de lutte contre la cybercriminalité qui traite bien entendu des problèmes de piratage informatique mais aussi tente de trouver des premières réponses aux problèmes liés aux contenus et notamment à la pornographie enfantine et aux droits d’auteur. D’autres points ont pour l’instant été évacués notamment en ce qui concerne le racisme et le révisionnisme qui sont renvoyés à une convention ultérieure.Fille : Cela vient-il aussi du fait que ces objets nazis soient en vente libre aux USA ?Vous avez raison le problème essentiel de l’Internet est que les règles ne sont pas harmonisées et que ce qui est interdit ici peut être autorisé ailleurs. La grosse difficulté est que dans le monde moléculaire on arrive à identifier des frontières et qu’il est extrêmement difficile de les mettre sur internet. La chose n’est cependant pas impossible comme l’a démontré le juge et les experts dans l’Affaire Yahoo en précisant qu’il était possible de bloquer un certain nombre d’adresses entrantes sur un site en fonction de leur origine géographique.Lili : Le droit de réponse existe-t-il sur le Net ?A priori oui, et il existe déjà des jurisprudences sur ce point. La difficulté réside dans le fait que le projet de loi LSI prévoit un dispositif spécifique en matière de droit de réponse sur Internet, et qu’on peut donc se demander si ce dispositif ne cache pas un trou dans la loi actuelle.Gluck : Peut-on faire un procès en diffamation pour des propos diffusés sur le Net ?Oui, il y a plusieurs décisions sur ce point. Le problème a même déjà été traité à un niveau très élevé dans notre hiérarchie judiciaire, puisque la cour de cassation a encore rendu une décision sur ce point le 16 octobre 2001.Sam Pekinpa : Quels recours peut-on avoir en cas de plagiat d’une information sur un autre site sans indication de la source ?Cela ressemblerait plus soit à de la contrefaçon, soit à de l’agissement parasitaire, qu’à un cas d’atteinte à la liberté d’expression. En droit français, toute personne qui souhaite réutiliser l’?”uvre d’un autre doit obtenir une autorisation préalable, sauf de rares exceptions, où généralement la diffusion s’accompagne obligatoirement de la mention de la source.Traroth : Pensez-vous que le droit de chaque pays puisse s’appliquer dans tous les pays, ce qui est le sens de la décision française contre Yahoo ?Ce n’est pas la lecture que je fais de cette décision. Je pense qu’il existe trois théories sur le droit applicable sur Internet : l’une qui est celle du pays d’émission (lieu du serveur ) qui favorise les paradis informatiques et qui est donc à priori rejetée par les juges, l’autre qui est celle du pays de réception et qui impose que l’éditeur d’un site web respecte l’intégralité des législations des quelques 200 pays identifiés aux Nations-Unies. Enfin, la troisième qui à mon avis reflète plus l’esprit de l’affaire Yahoo et qui est celle de la notion de “public cible”. Si votre site vise un ou plusieurs publics bien identifiés, alors ce sont les réglementations de ces publics qui s’appliqueront.Fist : A propos de chat, peut-on tout dire sur un chat sans impunité ? Aux yeux de la loi que valent des enregistrements de déclaration sur salon de discussion publique + ip ? A part se plaindre aux FAI que peut-on faire ?Non, on ne peut pas tout dire sans impunité. Le chat est par nature un espace de communication public dans lequel il faut respecter un ensemble de règles légales, mais il se peut aussi que l’éditeur du chat propose ses propres règles du jeu complémentaires au sein de documents que l’on appelle : “charte” ou “règles de comportement”.Gluck : Dans un journal, c’est le directeur de la publication et le journaliste qui doivent répondre dans un cas de diffamation. Qu’en est-il sur Internet ?A priori, c’est l’éditeur du site qui verra sa responsabilité engagée en premier lieu, d’autant plus qu’il pèse sur lui une obligation de s’identifier au sein du site sous la forme de ce qu’on appelle communément une notice légale. Rien n’empêche cependant d’agir directement contre l’auteur identifié des propos attentatoires. Il est vrai aussi que lorsque ni l’un ni l’autre ne sont identifiés, la seule voie reste celle de demander à un prestataire technique (hébergeurs ou fournisseurs d’accès) de délivrer des informations permettant de remonter à la source de l’information. C’est tout l’enjeu actuel du débat sur la responsabilité des professionnels de l’Internet au travers notamment de la loi du 1er août 2000 qui devrait être complétée par la LSI.Traroth : Mais il y a clairement une opposition, dans cette affaire entre droit français ( Yahoo n’a pas le droit de vendre d’objet nazi sur Internet ) et droit américain ( Yahoo a ce droit ). La France ne peut se permettre de prendre des mesures contraignantes contre Yahoo que dans la mesure où cette société a une filiale française. Dans le cas contraire, la France n’a aucun moyen de se faire entendre…En l’espèce, il y avait dans l’affaire Yahoo Inc. (société américaine) et Yahoo France. Le problème n’est pas tant celui de la nationalité du site, mais celle des personnes qui peuvent s’y connecter. La grosse difficulté ne vient pas de la capacité pour un juge français de juger un site étranger, mais de la capacité des parties à le faire exécuter dans un autre pays. Il faut tout de même savoir que dans d’autres affaires rendues par les juridictions américaines, le droit américain a été admis comme pouvant s’appliquer à des sites étrangers. Plusieurs sites notamment de jeux et de vente de médicaments sont actuellement sous le coup de procédures américaines sur le fondement du droit américain alors que ces sites sont des sites étrangers.Alfy : M’occupant de chat, j’ai déjà eu à porter plainte au sujet de contributions à caractère raciste qui ont entraîné la fermeture d’un compte ADSL Wanadoo. Cet énergumène a repris un accès ADSL AOL dont le service abuse (fantôme) se déresponsabilise complètement de cela. Voici ma question : fermer un compte Internet à un utilisateur malveillant est illusoire tellement il est facile d’ouvrir un autre compte chez un autre FAI, que peut-on faire ? (merci de votre réponse, j’ai parfois l’impression de vider l’océan avec un gobelet )Vous avez malheureusement raison, et si le droit vous permet une fois la personne identifiée d’agir contre elle directement, il n’y a rien à ma connaissance qui l’empêchera d’ouvrir un compte ailleurs. Mais obtenir une décision contre ce genre de personne permet tout de même d’obtenir une décision qui à force de jurisprudence et surtout permet de limiter votre propre responsabilité dans la mesure où vous pouvez ainsi démontrer avoir agi et que l’on ne pourra pas alors vous reprocher d’être resté passif.Vivi : En France, un hébergeur peut-t-il héberger ce qu’il veut ?D’après la loi du 1er août, l’hébergeur est responsable de ses propres contenus et des contenus auxquels il a effectivement participé. Pour ce qui concerne les sites des tiers avec lesquels il n’a aucun lien (sauf le contrat d’hébergement), la question est un petit peu compliqué, car le texte d’origine proposé par le législateur a été pour partie censuré par le conseil constitutionnel. Le texte d’origine prévoyait deux autres cas de responsabilisation.Traroth : Si chaque pays cherche à faire appliquer ses décisions de justice à l’étranger, cela ne revient-il pas de facto à vouloir faire respecter à chaque site le droit de l’ensemble des pays ?Si, mais encore faut-il que les juges accèdent à ses demandes, ce qui ne me semble pas être le cas. Je n’ai pas à ma connaissance lu de décisions qui confirment brutalement l’application de tous les droits de tous les pays à un même site. Généralement, les actions qui sont lancées reposent sur un lien de rattachement parfaitement identifiable.Janvier : Est-il moins répréhensible de diffamer sur Internet ? Un utilisateur indélicat peut-il vraiment échapper à la loi ?Non, la diffamation est tout aussi répréhensible sur Internet qu’ailleurs, et d’ailleurs la dernière décision de la Cour de Cassation renforce le dispositif de mise en oeuvre de la sanction. Pour ce qui concerne l’utilisateur indélicat, de tous temps, nous connaissons des publications anonymes. La grande force d’Internet est que généralement, même un anonyme est susceptible de laisser quelques traces, dans la mesure où pour “vivre sur Internet”, il est contraint d’ouvrir un compte. Faites enfin confiance aux experts et aux services spécialisés de la police et de la gendarmerie qui sont tout aussi forts que les hackers.Salomé : Que peut-on faire quand l’on trouve des sites à caractère pédophile ? J’en ai trouvé hébergés avec des adresses en ex-URSS , que peut-on faire concrètement ?Vous pouvez en faire part aux autorités compétentes en contactant par exemple le BEFTI à Paris, qui est une brigade spécialisée en matière de fraude aux technologies de l’information.Traroth : Concernant l’application de décision de justice, il faudrait d’abord que le problème de décisions de justice de plusieurs pays concernant un même site se pose…Pouvez-vous reformuler votre question sil vous plait ?Merci beaucoup Eric Barbry, le mot de la fin ?Désolé pour la dernière question, on pourra la reprendre au prochain chat 😉

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La rédaction