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EDS France joue l’exception culturelle

L’e-learning est un facteur d’internationalisation. Et ça ne plaît pas à Philippe Troisoeufs, le directeur formation de la filiale française du groupe américain.

Au cocktail de clôture de la convention Mat E-learning (*), dans le luxueux hôtel Normandy à Deauville, on remarquait facilement Philippe Troisoeufs à sa cravate orange. Le regard perdu, le directeur formation d’EDS ne cachait pas à quel point il se sentait seul parmi ses collègues, qui, pour la plupart, appartenaient à des structures franco-françaises. Au sein de la filiale hexagonale du groupe spécialisé dans les technologies de l’information, Philippe Troisoeufs résiste aux “pressions exercées par les managers américains”, selon ses propres termes. Ces derniers souhaitent qu’un maximum de cours soient dispensés en ligne, de manière à ce que tous les managers disposent des mêmes bases.

Une formation sous surveillance

Ainsi, outre la réduction des coûts, c’est le souci d’une plus grande homogénéisation entre les différentes filiales qui a suscité la mise en place du dispositif : “Si le groupe est appelé à installer un réseau au Pakistan, un Allemand, un Français ou un Anglais auront la même connaissance et le même langage”, explicite le responsable formation. Pourtant, celui-ci ne s’est pas empressé d’exécuter ces directives : “L’opération a commencé il y a un an aux États-Unis, mais elle a pris du retard en France parce que j’ai fait blocage, en accord avec ma direction.” Premier point d’achoppement : le tracking. Cette fonction, qui permet d’obtenir un suivi du parcours de l’apprenant, n’a pas été retenue par la maison mère : “Les Américains sont plus laxistes sur ce point, car tout le monde peut suivre une formation sans avoir à se soucier de son responsable. Mais en France, la réglementation de la formation est encadrée et nécessite un suivi, déplore Philippe Troisoeufs. Aussi, la filiale française est-elle entrée en contact avec l’équipe de Saba en France, dans le but de pouvoir paramétrer la plateforme. Cependant, prendre en compte ces spécificités va à l’encontre de l’homogénéisation voulue par le groupe…” Laquelle serait également rendue difficile du fait des différences culturelles et, cette fois-ci, d’ordre pédagogique : “Vous mettez quelqu’un, quel que soit son niveau hiérarchique, derrière un ordinateur, il reste statique un quart d’heure voire une demi-heure. Puis il va prendre un café, rencontre quelqu’un et parle d’autre chose. À la différence d’un Américain qui refusera de s’attarder en invoquant sa formation.” L’anecdote, que Philippe Troisoeufs affirme avoir vérifiée à plusieurs reprises, serait symptomatique du manque de responsabilisation des Latins en situation d’apprentissage. Aux yeux de ce Français rompu à la culture américaine, il est vain de vouloir avancer sur la voie de l’e-learning à marche forcée : “La responsabilisation peut être le fait de la future génération mais nous, nous restons liés à un fonctionnement scolaire.” Aussi, ce fervent défenseur de solutions mixant e-learning et présentiel met tout en ?”uvre pour que certains cours en salle soient préservés : “Car, pour les formations de type management du temps ou gestion d’un conflit, les outils e-learning ont leurs limites”, estime-t-il. Conséquences de ces réticences pour EDS France : “En France, sur 180 managers leaders, 20 à 30 % ont été formés en ligne, ce qui est très peu”, convient-il.(*) Le salon Mat E-larning, qui s’est tenu à Deauville en septembre dernier, a rassemblé près d’une centaine de prestataires de solutions e-learning et dacheteurs.

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Valérie Quélier