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Des implants, de l’IA et un avatar : voilà comment des chercheurs ont « redonné la voix » à des personnes muettes

Deux équipes de chercheurs californiens ont testé des implants cérébraux qui seraient beaucoup plus efficaces que les dispositifs précédents : grâce à leurs interfaces cerveau/ordinateur et à l’intelligence artificielle, deux personnes, qui avaient complètement perdu la capacité de parler, sont parvenues à communiquer, y compris pour l’une des équipes via un avatar.

Une scène digne de la science-fiction. Mercredi 23 août, on pouvait voir « Pat », deux câbles vissés sur la tête et reliés à un ordinateur, se concentrer fortement sur des mots pour qu’une phrase soit prononcée par une voix synthétique. La sexagénaire, une ancienne cadre de 67 ans qui a perdu depuis des années l’usage de la parole, était filmée par une équipe de recherche californienne. La vidéo a été publiée sur le site de Nature et sur YouTube.

Depuis plusieurs mois, des publications font état d’avancées significatives en matière d’analyse des signaux du cerveau ou de son flux sanguin, éléments ensuite interprétés en mots par des programmes d’intelligence artificielle. Cette fois, l’équipe de l’université américaine de Stanford, dirigée par le neuroscientifique Francis Willett, a commencé par insérer deux réseaux correspondant à 128 microélectrodes dans le cerveau de cette volontaire, Pat Bennett, atteinte de la maladie de Charcot. Cette affection cause une perte progressive des muscles, qui se traduit par des difficultés dans les déplacements et la parole.

La sexagénaire est justement incapable de prononcer le moindre mot depuis des années. Or, sur la vidéo, on peut voir l’ordinateur formuler ses phrases : une chose rendue possible une fois les implants et l’interface cerveau-ordinateur des chercheurs rendus opérationnels. Selon Nature qui publie les résultats de cette recherche le 23 août, la patiente peut formuler jusqu’à 60 mots par minute, soit quatre fois plus que ce qui avait été atteint jusqu’à présent. Une personne sans le moindre trouble de la parole va jusqu’à 160 mots par minute.

Les signaux du cerveau transformés en mots prononcés par un avatar

Une soixantaine de kilomètres plus au nord de la Californie, une autre équipe qui travaillait sur le même sujet, cette fois de l’université de San Francisco, a, elle aussi, publié les résultats de ses recherches. On les retrouve dans un article distinct de Nature, publié le même jour, le 23 août dernier. Les chercheurs, sous la direction du neurochirurgien Edward Chang, auraient dépassé l’avancée de l’équipe de Stanford, en atteignant les 78 mots par minute avec une méthode similaire : des programmes d’intelligence artificielle et des implants. Cette fois, les scientifiques ont placé 253 microélectrodes, contenues dans un rectangle aussi fin que du papier, sur la surface du cortex d’une patiente volontaire. Avec cette technique considérée comme moins invasive que la première – les implants étant placés moins profondément – les scientifiques ont pu enregistrer l’activité cérébrale de la zone connue pour être essentielle dans la production de la parole du cerveau. Là aussi, Ann, 47 ans, victime d’un accident vasculaire cérébral, a accepté d’être la seule et unique volontaire de cette expérience.

Cette dernière a également dû, pendant de longues séances, penser certaines phrases dans son esprit, à plusieurs reprises – ce jusqu’à 25 séances de quatre heures. L’objectif des chercheurs n’était pas de transformer les pensées en texte et en parole : les dispositifs enregistrent des signaux normalement envoyés aux muscles du visage et des lèvres pour parler – des signaux qui sont toujours émis, même si les muscles sont défaillants. La volontaire a donc dû se concentrer et penser aux mots, comme si elle parlait véritablement.

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De quoi donner de la matière à des systèmes d’intelligence artificielle, qui se sont entraînés à décoder les signaux électriques. En plus, les scientifiques de l’université de San Francisco ont créé pour Ann une voix personnalisée, basée sur un enregistrement de son discours de mariage. Ils lui ont également créé un avatar, grâce à un logiciel qui simule les mouvements des muscles du visage créé par la société Speech Graphics. Les signaux du cerveau d’Ann se sont donc transformés en mots prononcés par son avatar, comme on peut le voir sur cette vidéo partagée sur YouTube.

Une future version sans fil ?

« Lorsque le sujet a utilisé pour la première fois ce système pour parler et faire bouger le visage de l’avatar en tandem, j’ai su que cela aurait un impact réel », a déclaré Kaylo Littlejohn, de l’université de Berkeley, interrogé par nos confrères du Financial Times. Les deux interfaces – celles de Stanford et de San Francisco – constituent une « très grande avancée en neurosciences et en neuro-ingénierie, [très prometteuse] pour alléger les souffrances des personnes qui ont perdu leur voix à la suite de lésions et de maladies neurologiques paralysantes », ont estimé Nick Ramsey de l’université d’Utrecht et Nathan Crone de l’université Johns Hopkins, deux neurologues qui ne faisaient pas partie de ces recherches, dans un éditorial de Nature.

Mais on est encore loin du dispositif qui pourrait être utilisé par des patients à la maison puisque l’opération nécessite des implants et des câbles reliant le patient à un ordinateur… sans compter les heures d’entraînement pour que l’IA puisse décoder les signaux recueillis. Il faudrait une version sans fil, sans que ce dernier ait besoin d’être relié à l’implant.

Mais pour les deux volontaires, le progrès est bien là. Pat Bennett explique ainsi, citée par Nature, que « pour les personnes qui ne peuvent plus parler, cela signifie qu’elles peuvent rester connectées au reste du monde, peut-être continuer à travailler, entretenir des relations amicales et familiales ».  Elle en est d’ailleurs persuadée : cette technologie finira par être accessible aux personnes qui ne peuvent pas ou plus parler. Chez Ann, l’autre volontaire aussi citée par nos confrères, l’enthousiasme est aussi là. Car après près de 18 ans de silence, « le simple fait d’entendre une voix semblable à la sienne est tout simplement émouvant », confie-t-elle.

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Source : Nature


Stéphanie Bascou
Votre opinion
  1. C’est incroyable… Non c’est extraordinaire. Oh la vache c’est carrément la science-fiction qui devient une réalité. Ça va changer la vie aux personnes muettes. Mais imaginez si on applique ce procédé aux animaux, genre aux singes. La planète des singes deviendrait une réalité. Blague à part c’est fou quand même.

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