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Des cadres intérimaires pour l’univers high-tech

Qui a vu Une étrange affaire, le film de Pierre Granier-Defferre, comprendra toute l’importance de l’intérim de haut management.

Dans le rôle du responsable intérimaire, l’acteur Michel Piccoli a quelques mois pour redresser le chiffre d’affaires d’un grand magasin parisien en train de péricliter. Perle rare, opportuniste et sans états d’âme, il relève ce défi avec brio, grâce au fort attachement affectif qu’il a généré dans son équipe… juste le temps de sa mission !La réalité est tout de même différente. “Ces profils de haut niveau prennent les rênes d’une filiale, d’une start up ou d’une division d’un grand groupe sur une période déterminée (de trois mois à un an) pour redresser la barre, améliorer la croissance, constituer des équipes cohérentes. Voire ramener un climat serein après une fusion ou une acquisition “, explique Gérard Fournier, président de Boyden Interim Executive.Cette filiale a été créée récemment par le cabinet de recherche de dirigeants Boyden Executive. Elle est spécialiste de l’intérim de haut management dans la finance, les relations humaines, la recherche et développement, la production, la logistique et l’informatique. Ce dernier secteur, qui représente, pour l’heure, plus de 15 % de la clientèle du cabinet, est de plus en plus attiré par les hauts profils indépendants. Car c’est un domaine mouvant, qui exige de la réactivité et une expertise pointue.

Des cadres dotés d’une solide expérience

Né il y a dix ans aux Pays-Bas, le principe du haut management par intérim s’étend maintenant à l’Europe, qui, dans le Nord, a une longueur d’avance. La France s’y met, bien que plus lentement. Questions de culture et de législation du travail. A l’heure où les techniques de recrutement évoluent, où le marché de l’emploi est de plus en plus tendu et où le gouvernement français fait des efforts vers les travailleurs indépendants, ce concept a toutes ses chances.“Dans le secteur high-tech, ces deux dernières années, les sociétés d’intérim se sont montrées souvent plus rapides que les cabinets de chasseurs de têtes pour proposer ” le ” manager adéquat et opérationnel “, affirme l’un d’eux, chargé d’importantes missions d’intérim dans les hautes technologies, et qui préfère garder l’anonymat. Qui sont ces responsables intérimaires ? Des cadres confirmés, dotés d’un solide cursus, qui ont choisi l’indépendance.D’après le cabinet Boyden Interim Executive, ils sont très expérimentés ?” leur âge varie entre quarante-cinq et cinquante ans en moyenne ?”, et n’ont pas le droit à l’erreur. D’autres, un peu plus jeunes ?” de trente-cinq à quarante ans ?”, optent aussi pour des missions d’intérim nécessitant des responsabilités opérationnelles. Le temps de redorer leur CV selon leurs objectifs de carrière. Ils ont occupé un poste de directeur général d’une filiale, ou un autre, dit de première ligne ?” le plus souvent dans un département finances ou ressources humaines.Dans la high-tech en particulier, ils devront être capables de diriger des missions de plus en plus complexes et courtes. Celles-ci, dans le cas de start up, reposeront généralement sur l’établissement d’une stratégie où tout doit être mené en parallèle : la mise en place de la structure et du business plan, la connaissance pointue du marché et l’élaboration de la tactique pour une deuxième levée de fonds.” La stratégie sélectionnée doit être crédible. Il faut donc des hommes ” surdimensionnés “ car ils doivent mettre en place le c?”ur de la société qui deviendra la ligne de lancement “, précise encore Gérard Fournier.Autre exemple de mission : ramener rapidement un climat de sérénité et remettre à flot les résultats trimestriels de la filiale française d’un éditeur de logiciels américain. Dans tous ces cas de figure, s’appuyer sur un manager de transition permet de prendre son temps pour recruter un responsable sur mesure.

Un centrage sur un domaine d’expertise

D’où viennent ces intérimaires de luxe ? Ils ont été salariés dans plusieurs entreprises, à des postes clés. Se distinguant des généralistes, ils ont déjà exercé, pour la plupart, des fonctions de directeur de filiales, au chiffre d’affaires variant entre 200 et 500 millions de francs, avec des effectifs de cent à deux cents personnes. Ils mettent en valeur une expertise particulière.
” Ils évolueront généralement dans le même secteur. Pour l’informatique, ils choisiront une spécialité ?” dans le matériel, le logiciel, ou les services ?” et s’y tiendront “, ajoute Gérard Fournier.Dans le cas d’une SSII passant sous le contrôle d’un groupe américain et devenant le siège financier de ce dernier, “il fallait quelqu’un doté d’une parfaite maîtrise des fusions-acquisitions dans le secteur de l’industrie et d’une expérience du monde high-tech”. Force est de constater que, si ces profils élargissent leur panel de compétences à chaque mission, leur c?”ur de cible demeure, en général, la gestion de crise et du changement.Leurs postes ? Directeur logistique européen pour assurer la refonte de la logistique et la mise en place d’un PGI, directeur général ventes-marketing pour diriger une fusion, directeur international des ressources humaines, directeur administratif et financier pour améliorer la croissance d’une SSII spécialiste en ingénierie, ou encore juriste pour la gestion des contrats et des droits d’auteur d’un éditeur de logiciels, etc.Tous sont autant d’exemples de missions d’intérim dans les hautes technologies. Si, aujourd’hui, les grands groupes s’intéressent de très près à ce concept, la solution est encore considérée comme trop chère ?” au moins 800 000 francs par an ?” par les directions des ressources humaines.

“Nous n’avons pas encore eu l’occasion d’adopter ce type de concept. Si l’intérim de haut management nous paraît une solution intéressante avec beaucoup de souplesse, elle reste encore très onéreuse. Sans compter que nous disposons d’un vivier interne, capable de régler de nombreux points “, explique Jean-Louis Bernaudin, responsable du recrutement chez IBM.Même avis pour le cabinet de recrutement Solic Carrières, qui voit croître la demande de postes de direction, (consultant en organisation, DSI, directeur d’études, etc.) : “Ces intérimaires de luxe sont des perles rares, des personnes très pointues techniquement, attirées par le goût du risque, recherchées pour des missions ponctuelles, mais, malheureusement, très ou trop chères.”Selon Freelance. com, ce point de vue va évoluer. “La valeur des ressources humaines est fonction de leur disponibilité “, explique Eric Cabos, le directeur général de cette association. Le coût d’un freelance sera d’autant plus élevé que le besoin de compétences qui n’existent pas encore dans l’entreprise sera très urgent. “Le freelance voudra être payé à sa juste valeur à un moment donné”, ajoute-t-il.

Un besoin amplifié par les nouvelles technologies

Le renouvellement des technologies et la place de plus en plus importante des réseaux et des télécoms dans les entreprises sont d’autres facteurs d’évolution. Ils devraient favoriser le développement de ces missions d’intérim.” Après la période noire des projets an 2000, qui ont gelé tout investissement, d’autres, nouveaux, liés à la convergence entre informatique et télécoms, apparaissent tant chez les utilisateurs que chez les prestataires. On recourra donc de plus en plus à l’intérim pour répondre, rapidement et au mieux, à ces besoins récents. D’autant que l’on assiste à une plus grande responsabilisation des chefs de projet, dans une perspective de plan d’action finalisé “, explique Aymeric Prot, responsable du secteur high-tech chez Boyden Interim Executive.Cette tendance se confirme en informatique. ” Depuis cinq ans, nos missions d’intérim ont évolué. Il ne s’agit plus seulement d’externalisation de tâches d’exécution, mais de fonctions complètes, nécessitant une prise de plus grandes responsabilités par nos intérimaires, avec un spectre de compétences élargi, pour mettre en ?”uvre une stratégie sur internet ou constituer des équipes aux métiers mixtes “, explique-t-on chez Freelance.com, dont le c?”ur de métier est le conseil en informatique.Et si l’on ne peut présager l’avenir de l’intérim de haut niveau, les sociétés bénéficiaires seront, en tout cas, celles qui auront choisi la maîtrise du temps, de la qualité du service et de la communication comme arme de survie.

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Clarisse Burger