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Dégelez vos épinards

On a longtemps cru que Popeye tirait sa force d’un légume vert riche en fer. Qui, d’ailleurs, ne l’est sans doute pas tant que cela. De la même façon, on est persuadé qu’une bonne vieille méthode sauvera de tout plantage de projet.

Pendant cinquante ans, on a bêtement affirmé que les épinards étaient riches en fer. A tel point que Popeye nous en a fait avaler des tonnes. Un jour, on s’est aperçu que cette forte densité était due à la faute de frappe d’une secrétaire chargée de saisir la composition du légume. En outre, le fer s’assimile moins bien que dans les lentilles… Mais la nutrition n’étant pas une science exacte, on pourrait très bien s’apercevoir, demain, que Popeye avait raison.Quel rapport avec l’informatique ? Quel rapport avec vos projets ? Les épinards, c’est la recette infaillible pour ne pas se planter. C’est la méthode Varnier de la fin des années 70, dont on s’est aperçu qu’elle ne structurait pas les traitements. C’est la Merise sur le gâteau qui, outre sa lourdeur légendaire, pèche par oubli des délais et des coûts. Sans parler des nouvelles approches révolutionnaires qui promettent de fusionner données et traitements, voire des développements ultrarapides (Extreme Programming, par exemple).La méthode, c’est les épinards du chef de projet. Trop de méthode tue la méthode. Et ce n’est sans doute pas un hasard si le Standish Group, spécialisé dans le créneau prometteur du chaos informatique, a relevé récemment ce parallèle étrange : la proportion des plantages décroît en même temps que le nombre de microprojets s’accroît. C’est conjoncturel, c’est mondial, comme dit la pub. Dès que le projet grossit, on avale ses épinards, on montre ses biceps et on en oublie sa phobie des souris.Dans la pratique, les conséquences peuvent être désastreuses. “A la Banque de France, assure un consultant, 80 % d’un projet donné est consacré à la méthode. Tous les risques sont suivis, quand bien même ils n’auraient aucune chance d’arriver.” Conséquence : les petits projets dépassent fréquemment coûts et délais.Un organisateur d’une grande entreprise industrielle confiait récemment son désarroi face à une population informatique ” binaire ” :

“Nos informaticiens ont tendance à s’opposer systématiquement aux utilisateurs, alors que la limite est de plus en plus floue.” Avant d’ajouter, remonté mais compréhensif : “L’informatique travaille avec un cahier des charges, puis développe… Ses opérations sont compartimentées. Cela suppose
que l’on gèle constamment les besoins.” Trop de méthode tue etc.Alors, cette semaine, petit exercice de nutrition : regardez si vos épinards ne seraient pas un peu gelés. Si cest le cas, regardez un peu du côté des lentilles. Ensuite, jetez Popeye avec les boîtes et le beurre. Mais méfiez-vous, sans aucune méthode, on se plante tout aussi proprement…Prochaine chronique lundi 23 avril

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Philippe Billard