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Croissance européenne : un arrière-goût de déjà vu

Un constat semble fournir aux analystes les moyens de leurs prévisions : par-delà les évolutions de structure de l’appareil productif, l’économie tend à devenir cyclique.

Depuis l’automne, tout le monde s’interroge sur l’ampleur du ralentissement à venir de la croissance européenne. Annoncé par la plupart des analystes, ce ralentissement est souvent présenté comme directement lié aux attentats du 11 septembre. Pourtant, en France, le chômage ?” après avoir reculé depuis 1997 jusqu’au printemps 2001 ?” s’était mis à augmenter bien avant ces attentats. Si, durant la période qui court de 1997 à 2001, 400 000 emplois nouveaux avaient été créés en net chaque année, l’essentiel de ces créations d’emploi était dû à un redémarrage significatif de la croissance. Et, depuis le début 2001, celle-ci marque le pas.

Un ” sentier ” abandonné

Les conjoncturistes mettent en avant divers facteurs pour expliquer ce retournement conjoncturel, mais il est un constat qui semble de plus en plus s’imposer à eux et leur fournir les moyens de leurs prévisions, qui est que, par-delà les évolutions de structure de l’appareil productif, l’économie tend à devenir cyclique.Les économistes des années 1960 pensaient que la politique budgétaire, grâce au réglage fin de la conjoncture, allait garantir un taux de croissance régulier. L’enjeu pour eux était de trouver ce taux, d’identifier le “sentier de croissance optimal”, c’est-à-dire celui du plein emploi dans l’absence d’inflation. Le résultat de leurs réflexions et de leurs préconisations d’un recours systématique au déficit budgétaire pour soutenir la demande fut l’inverse de leurs attentes : les années 1970 combinèrent chômage et inflation. Les ambitions de la politique économique ont été de ce fait revues à la baisse et l’outil privilégié a changé pour devenir la politique monétaire. Or, malgré les portraits dithyrambiques d’un Alan Greenspan et les appels à la Banque centrale européenne pour qu’elle lutte contre le chômage, nul ne peut ignorer les limites de la politique monétaire.L’objectif, unanimement reconnu par les autorités monétaires de réduire une inflation mythique ?” car désormais éteinte ?” et d’afficher une ferme vigilance en matière de prix se traduit essentiellement par une assez grande inertie.Conséquence, l’économie fonctionne de plus en plus comme au XIXe siècle, époque où les dirigeants assumaient leur inaction économique au nom du retour spontané de l’économie de marché à une croissance équilibrée. Conséquence ultime, la réapparition de cycles.Évoquant les différents cycles, Schumpeter avait naguère donné le nom de l’économiste français Clément Juglar au cycle de moyen terme. Ce dernier avait évalué la durée de ces cycles à environ neuf ans. Si l’on regarde dans le passé récent, les ralentissements qui ont eu lieu en Europe se situent en 1975, 1982-1983, et 1993.

2002, année de tous les dangers

La durée du cycle de l’économie moderne semble se rapprocher des neuf ans fatidiques de Juglar, faisant de 2002 l’année de tous les dangers pour l’Europe. Déjà, les États-Unis semblent se conformer à ce schéma du cycle de neuf ans. Après la récession attribuée à la guerre du Golfe, s’est amorcée en 1992 une vague de forts investissements. Aujourd’hui, les entreprises qui en cherchent la rentabilisation et visent la reconstitution de leurs profits, réduisent leur masse salariale et leurs commandes en biens d’équipement. D’où licenciements et baisse de la demande dont la traduction est la contraction de la production industrielle. Celle-ci, qui augmentait encore au rythme de 6 % par an en 2000, a chuté de 2,2 % au deuxième trimestre 2001 ?” avant les attentats de New York mais neuf ans après le redémarrage de l’économie ?” par rapport au trimestre correspondant en 2000…La réapparition de mécanismes cycliques fournit aux économistes un moyen d’annoncer les difficultés. Il leur reste maintenant à trouver comment en limiter les conséquences…* professeur à lESCP-EAP

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Jean-Marc Daniel*