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Comment développer le livre numérique en France ? [MAJ]

Le Centre d’analyse stratégique, le service du Premier ministre chargé de faire des préconisations stratégiques au Gouvernement, présente ses propositions pour développer le livre numérique en France.

Première édition du 19 mars 2012

Alors que le Salon du livre ferme ses portes aujourd’hui, le constat est flagrant : le livre numérique n’a pas décollé en France. Il représente à peine 1 % des ventes de livres (60 000 titres numériques sur 650 000 titres au format papier disponibles) contre 10 % en Grande-Bretagne et 15 % aux Etats-Unis.

C’est à partir de ce constat que le Centre d’analyse stratégique (CAS), le service du Premier ministre chargé de définir des orientations stratégiques qui préfigurent les réformes gouvernementales, a présenté aujourd’hui ses propositions pour développer le livre numérique en France. Il a pour cela auditionné plus d’une vingtaine de spécialistes de la question comme le PDG de la Fnac, des responsables d’Amazon, le président de la Bibliothèque nationale de France ou des chercheurs.

Vers des livres numériques moins chers

Les deux principaux freins au décollage du livre numérique en France sont l’offre insuffisante de livres en français et leur prix trop élevé par rapport à leur équivalent papier. Pour ce faire le CAS propose une concertation avec les éditeurs en vue de fixer un taux limite de remise par rapport au livre papier. Avec le développement du numérique, beaucoup d’éditeurs craignent une baisse incontrôlée du prix du livre. Ils hésitent à vendre des livres numériques 20 à 30 % moins chers que leur équivalent papier. « Or le public attend des baisses encore plus conséquentes, de l’ordre de 40 à 50 % », avoue Vincent Chriqui, directeur général du Centre d’analyse stratégique.

La production d’un livre numérique coûte environ 30 % de moins qu’un livre papier avec une suppression des frais d’impression, de papier, de stockage et d’expédition. Pour autant avertit le CAS, le coût de développement d’un livre numérique ne doit pas être sous-estimé : conversion dans les différents formats de fichier existants, structuration des données (liens pour table des matières, appels de notes, liens hypertextes…), relecture et vérification de la conformité du fichier de sortie avec l’original, sans oublier la protection DRM pour limiter la duplication.

Vers une plus vaste offre de livres numériques en français

Seulement une nouveauté sur cinq sort en format numérique (un sur trois dans le cas des best-sellers). Pour favoriser l’augmentation du nombre de livres numériques en français, le CAS propose de réunir éditeurs et distributeurs de livres numériques pour avoir une vraie interopérabilité des fichiers entre les différents modèles de tablettes et de liseuses. Il existe trop de formats de fichiers différents. Par exemple, le Kindle d’Amazon gère les fichiers azw mais pas les epub. Vincent Chriqui ajoute : « il est certes possible de convertir un format dans un autre, mais ce n’est pas simple. »

L’autre mesure pour favoriser l’offre est d’avoir une seule plateforme de vente de livres numériques en France contre quatre aujourd’hui (Amazon a environ 60 % du marché de la vente de livres en France contre 30 % pour Fnac.com et 10 % les autres acteurs). Les libraires et les lecteurs s’y perdent, ce qui ne peut que favoriser Amazon qui dispose actuellement de l’offre la plus riche.

Opération : sauver les libraires

Le développement du livre numérique ne doit pas se faire au détriment de librairies traditionnelles. Selon le CAS, les librairies ont une rentabilité très faible (entre 0,6 et 2 %) ce qui les empêche d’investir et les fragilisent vis-à-vis de l’essor des ventes de livres sur Internet. C’est pour cela que le CAS préconise de soutenir les libraires traditionnels pour qu’ils vendent à la fois en magasin et sur le Web, en favorisant la mutualisation des ressources pour développer une offre en ligne. Le CAS propose aussi que les librairies puissent commercialiser à des conditions avantageuses les œuvres du patrimoine numérisées de la BNF, notamment les ouvrages indisponibles au format papier et qui coûteraient trop cher à réimprimer en petites éditions, mais qui seraient rentables en version numérique. Cela représenterait environ 500 000 titres.

Toutes ces mesures qui relèvent souvent du bon sens seront présentées au Gouvernement. Mais en cette année électorale, on imagine mal que des mesures soient prises rapidement. Tandis que le Centre d’analyse stratégique fait des préconisations, les géants du Net, comme Amazon, Google, Apple, continuent d’avancer à grands pas à la fois dans la technologie des liseuses et des tablettes, et dans le développement de leurs plateformes respectives de ventes de livres accessibles depuis un ordinateur, une liseuse, une tablette ou un smartphone.

De leur côté, les éditeurs français n’ont pas su retenir les leçons de l’industrie du disque, malmenée par la révolution MP3. Le seul acteur qui aurait pu agir était la Fnac, suffisamment puissante dans le monde de l’édition. Elle a raté le coche d’être l’Amazon français en faisant pression sur les éditeurs pour imposer une baisse des prix et une renégociation entre les auteurs et éditeurs pour numériser les œuvres. Au final, est-ce que la France pourra rattraper son retard en matière d’édition numérique ? Rien n’est moins sûr.

Retrouvez les trois Notes d’analyse (n°270, 271 et 272) du Centre d’analyse stratégique sur www.strategie.gouv.fr.

Quel est l’avis des professionnels du livre ?

Croyez-vous au livre numérique ? Est-ce que les ventes d’ebooks ont décollé ? Attendez-vous une aide de l’Etat ? Nous avons demandé leur avis aux professionnels du livre (éditeurs, auteurs, libraires) lors de la soirée d’inauguration du Salon du livre 2012.

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Alexandre Salque